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Comment bonifier la rente du Québec sans améliorer le système public de la retraite

En d'autres mots, nous paierons plus cher sans être mieux protégés.
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Ce qui est choquant, ce sont les cachotteries de nos élus. Ils laissent croire que les plus jeunes seront mieux protégés alors que ce ne sera pas le cas.
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Ce qui est choquant, ce sont les cachotteries de nos élus. Ils laissent croire que les plus jeunes seront mieux protégés alors que ce ne sera pas le cas.

C'est maintenant qu'on commence à payer plus cher nos cotisations au Régime de rentes du Québec (RRQ). Présentement, la rente de retraite remplace 25% de nos revenus de travail, sans dépasser, en 2019, à 65 ans, 1155$ par mois. Cette rente restera la même, mais on y ajoute une rente supplémentaire qui augmentera graduellement et remplacera 8,33% de nos revenus de travail dans quarante ans.

Ces deux rentes égaleront ensemble le tiers de nos revenus de travail. Si la rente supplémentaire était déjà à maturité, le maximum serait, à 65 ans, de 385$. Il s'ajouterait à la rente de base pour donner 1540$. Tous les travailleurs, salariés ou indépendants, sont visés.

Il y a un autre changement à venir. Jusqu'à maintenant, les revenus de travail admissibles correspondaient, grosso modo, au salaire industriel moyen (SIM). Ce sera dorénavant 114% du SIM. Cela ne change rien pour deux travailleurs sur trois, puisqu'ils gagnent moins que le SIM. Mais les autres profiteront graduellement d'une protection améliorée. Si cette modification était déjà pleinement applicable, le revenu de travail admissible, qui est 57 400$ serait plutôt 65 436$. Le total de la rente de retraite et de la rente supplémentaire donnerait au maximum 1755$, soit 52% de plus qu'actuellement.

Ainsi, augmenter le taux de remplacement des revenus de travail améliore la rente de tous. Par contre, augmenter les revenus de travail admissibles n'améliore la rente que d'un travailleur sur trois.

Le RRQ avait un rôle plus discret, à peine chuchoté dans les couloirs du Parlement, pourtant essentiel: limiter le coût de l'assistance sociale au provincial et des pensions de vieillesse au fédéral.

Le RRQ a été créé en 1966, à l'époque de ce qui fut appelé l'État-providence. Officiellement, le but du régime était d'offrir aux citoyens une protection de base en cas de retraite, d'invalidité ou de décès. Mais le RRQ avait un rôle plus discret, à peine chuchoté dans les couloirs du Parlement, pourtant essentiel: limiter le coût de l'assistance sociale au provincial et des pensions de vieillesse au fédéral. Les gouvernements se prémunissaient contre la négligence.

C'est pareil en 2019. Les modifications au RRQ sont, en quelque sorte, l'actualisation de la protection initiale. Nous paierons plus cher sans être mieux protégés. Par contre, à la suite de l'amélioration de la protection en cas de retraite, d'invalidité ou de décès, les deux gouvernements (fédéral et provincial) pourront limiter davantage le coût de l'assistance sociale et des pensions de vieillesse.

Le fédéral offre une Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV) à partir de 65 ans. C'est une somme de 601$ par mois, garantie à tous, mais sujette à un impôt de récupération quand les revenus sont supérieurs à 77 580$. En plus de la PSV, on peut recevoir le Supplément de revenu garanti (SRG) quand on n'a pas beaucoup de revenus. Le maximum du SRG est de 898$ par mois.

Le premier tableau indique les pensions payables maintenant en rapport aux revenus de travail. Les calculs sont faits sur les revenus bruts. Je donne trois exemples: la moitié du SIM, le SIM (présumé pareil aux revenus de travail admissibles) et 1,14 fois le SIM (pour couvrir la deuxième modification au RRQ). Pour calculer le SRG, je prends une personne qui vit seule et qui arrive à la retraite sans autre protection que les régimes publics.

En tenant pour acquis qu'un taux de remplacement de 70% est correct, on peut affirmer que le système actuel convient aux personnes qui gagnent moins que la moitié du SIM. Elles n'ont pas besoin des modifications qui améliorent le RRQ, mais qui les obligent à cotiser davantage. Les autres sont de moins en moins bien couverts, à mesure que leurs revenus augmentent.

Le deuxième tableau indique les pensions qui seraient payables tout de suite si les modifications étaient pleinement en vigueur.

On constate que le taux de remplacement est amélioré de 2% pour les personnes gagnant la moitié du SIM et de 4% pour celles au niveau du SIM. Pourtant, le RRQ a été augmenté de 8,33%. Qu'est-ce qui explique la différence? Le SRG est réduit, ou cesse, à la suite de l'augmentation du RRQ.

Le taux de remplacement est meilleur pour les personnes au-dessus du SIM, mais il n'est amélioré que de 7% au lieu de 8,33%. La raison est la même: le SRG n'est plus payable.

Nos cotisations additionnelles ont donc pour effet de réduire la participation du fédéral au système de pension. À mon avis, c'est l'objectif principal de la réforme.

Depuis 1966, le coût de la vie a augmenté, en moyenne, d'un peu moins de 4% par année. Quant au SIM, c'est d'un peu moins de 5% durant la même période. Conséquemment, l'augmentation des salaires fut d'environ 1% supérieure à celle du coût de la vie. Faisons comme si les salaires augmentaient de 1% par année, mais comme si le coût de la vie restait le même. Cela nous permet de comparer 2019 à 2058, l'année où les modifications au RRQ arrivent à maturité.

Le SRG pour les gagne-petit sera comparativement moins élevé que maintenant, sauf si la loi est modifiée entre-temps pour éviter cette aberration. Pour les autres, la PSV sera réduite à cause de l'impôt de récupération, sauf si la loi est changée. Sinon, le taux de remplacement sera identique à celui d'aujourd'hui pour les personnes au niveau du SIM. Il aura baissé dramatiquement à 60% pour celles qui gagnaient la moitié du SIM. Celles qui gagnaient plus que le SIM auront amélioré leur sort d'à peine 3%, même si leur RRQ est 52% plus élevée.

Par contre, le fédéral aura réduit sa participation non seulement au SRG, mais aussi à la PSV. Il est clair que l'augmentation du RRQ sert surtout à contenir celle de la PSV et du SRG. Cela ne me choque pas. La PSV et le SRG coûtent de plus en plus cher. Il fallait remédier au problème. Nos gouvernements ont choisi d'améliorer le RRQ et son équivalent à l'extérieur du Québec, le Régime de pensions du Canada (RPC).

Ce qui est choquant, ce sont les cachotteries de nos élus. Ils laissent croire que les plus jeunes seront mieux protégés alors que ce ne sera pas le cas (si les règles de la PSV et du SRG restent pareilles).

Nathalie Grammond, dans La Presse du 30 décembre, écrit que les modifications au RRQ sont «[...] une bonne nouvelle pour les jeunes qui font leurs premiers pas sur le marché du travail et qui verront les pleins bénéfices de l'amélioration du régime». C'est faux, mais elle n'est pas seule à le croire. Pourquoi? À cause de la langue de bois de nos gouvernements et de leurs technocrates. Cette langue ratoureuse qui tait la réalité sans conter de menteries...

Dans la même chronique, Nathalie Grammond laisse entendre qu'il peut être avantageux de retarder au-delà de 65 ans le paiement de la PSV et de la RRQ. J'en parle ici. Je développerai dans mon prochain billet.

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