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Les faussetés (et vérités) économiques de Pierre Fortin

Pierre Fortin a entièrement raison de dire que des coupures budgétaires aussi radicales que prévues vont affecter l'économie. Toutefois, affirmer que le Québec est champion de l'austérité comme il le fait dansrelève du mensonge.
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Bien qu'il soit professeur (et donc détenteur d'un doctorat), Pierre Fortin commet des erreurs qu'un bachelier comme moi - et même mon neveu de deux ans - peut détecter. Ses dernières déclarations montrent qu'il a une perception souvent fausse du fonctionnement de la science qu'il étudie.

Souvent, mais pas toujours. Il a entièrement raison de dire que des coupures budgétaires aussi radicales que prévues (il parle de quatre milliards) vont affecter l'économie. Comme les gens arrangent leur vie autour des signaux qu'ils reçoivent, couper autant d'argent du jour au lendemain sera certes une très grande perte.

Imaginons par exemple que le gouvernement déréglementait d'un coup sec le secteur de l'agriculture. Sans crier gare, plusieurs agriculteurs se retrouvent soudainement sans aucun soutien et doivent dépendre uniquement des marchés ou des subsides fédéraux. Il est évident qu'à court terme ce sera la catastrophe pour toutes ces personnes qui avaient établi leurs vies autour de ces rentrées prévisibles d'argent. Il a raison qu'une coupure étalée permettrait d'amortir le choc un peu.

Fortin a également raison de parler de l'éléphant que constituent les dépenses en santé. Si on n'agit pas bientôt, le gouvernement du Québec ne sera bientôt qu'un gros ministère de la Santé - ce poste de dépense sera bientôt la moitié de toutes les dépenses.

La faustérité québécoise

Toutefois, affirmer que le Québec est champion de l'austérité comme il le fait dansL'Actualité relève du mensonge.

D'ailleurs, sa « définition » d'austérité trahit son penchant keynésien, c.-à-d. que l'État doit « booster » l'économie en temps de crise. Ralentir la croissance des dépenses et/ou augmenter les impôts est de la faustérité. La vraie austérité, c'est couper les dépenses ET les impôts, tel que l'a fait Warren Harding au début des années 20, ce qui a restauré l'économie en moins de deux.

Suivant cette définition, il est facile de constater qu'aucun des pays qu'il mentionne n'a connu d'austérité par rapport à 2008. À l'exception de la Suède, ils ont tous augmenté substantiellement leur rapport dette/PIB. Quant aux pays européens, le rapport dépenses publiques/PIB ne montre aucun retour aux niveaux de 2008 - seule l'Allemagne se rapproche de ce niveau, et le Royaume-Uni montre une certaine tendance à la baisse depuis 2010.

La même chose s'applique au Québec. Les comptes économiques montrent clairement que les dépenses sont en hausse constante entre 2007 et 2013 - elles ont augmenté de presque 25 % alors que le PIB n'a augmenté que de 18,6 %. En fait, la seule austérité récente au Québec fut en 1996 et 1997, où les dépenses ont diminué de 2,8 % par rapport à 1995.

Aussi, sa minimisation de la dette est absolument scandaleuse. Non seulement se trompe-t-il en disant que le poids de la dette diminue par rapport au PIB, mais ce dernier augmente aussi sur chaque habitant - +37 % depuis 2007. Quant au service de la dette (frais d'intérêt), il est rendu plus élevé que les dépenses en éducation - 10,6 milliards contre 10,4 milliards. Que son poids sur l'économie diminue est sans importance; tout cet argent est jeté à la fenêtre à cause de la mauvaise gestion des dépenses des 55 dernières années.

Bref, bien qu'une réduction « modérée » des dépenses est à souhaiter pour éviter un choc trop brutal, il est faux de dire que ces coupures « enlèvent » des fonds à l'économie. Les dépenses publiques ont un effet d'éviction; un dollar dépensé par le gouvernement est un dollar (souvent plus) de moins dépensé par un particulier.

De plus, le Québec est, comme plusieurs autres juridictions, champion de la faustérité avec ses augmentations de dépenses publiques et d'impôts. N'oublions jamais que l'argent des autres finit toujours par manquer...

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