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Ce qu’est (et n’est pas) la censure

Depuis l'évincement du très controversé Alex Jones de plusieurs plateformes comme Facebook et Youtube, la «droite» est en émoi.
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Malheureusement pour ces conservateurs, aucune hyperbole ne peut camoufler la dure réalité: ce qu'a vécu Alex Jones n'est pas de la censure.
Suwanmanee99 via Getty Images
Malheureusement pour ces conservateurs, aucune hyperbole ne peut camoufler la dure réalité: ce qu'a vécu Alex Jones n'est pas de la censure.

Depuis l'évincement du très controversé Alex Jones de plusieurs plateformes comme Facebook et Youtube, la «droite» est en émoi. Elle a soudainement délaissé ses idéaux d'un gouvernement réduit et l'implore maintenant de «briser» le «monopole» des médias sociaux pour faire cesser leur «collusion» avant qu'elle ne le (en parlant de Donald Trump) «censure». On va même jusqu'à parler de coup d'État contre «le peuple».

Facebook, Youtube, Twitter, etc., sont des entités privées et, philosophiquement parlant, ces entités ne peuvent pas censurer.

Malheureusement pour ces conservateurs, aucune hyperbole ne peut camoufler la dure réalité: ce qu'a vécu Alex Jones n'est pas de la censure. Facebook, Youtube, Twitter, etc., sont des entités privées et, philosophiquement parlant, ces entités ne peuvent pas censurer.

Oui, le langage populaire a consacré «censure» pour ce cas précis, mais son sens premier, selon le Larousse, se rapporte effectivement à un «examen préalable fait par l'autorité compétente sur les publications, émissions et spectacles destinés au public et qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle». Les Anglo-Saxons ont une réflexion similaire pour le mot censorship.

Un excellent exemple de censure fut la menace de fermeture de CHOI en 2004.

Un excellent exemple de censure fut la menace de fermeture de CHOI en 2004. Le CRTC, un organisme gouvernemental, a failli fermer la controversée station de radio à cause des propos qu'elle tenait. Ceciest un cas patent de censure parce que les propos tenus choquaient, on a tout simplement voulu censurer ladite station. Cela aurait créé un dangereux précédent: si le CRTC peut arbitrairement révoquer une licence, qu'est-ce qui l'empêcherait de le faire de nouveau? Mais si la station ou son diffuseur avait cessé la diffusion, ce n'aurait pas été de la censure.

Autre bel exemple plus moderne (et continue) de censure: la Chine. Son «projet bouclier doré» (Grand Firewall de Chine)ne laisse passer aucun mot qui puisse heurter un tant soit peu les sensibilités des dirigeants communistes. Chercher au sujet de la place Tian An Men risque de donner des résultats comme celui-ci, et tout ce qui peut être associé, de près ou de loin, à la défiance des communistes sera brûlé par la Grande Muraille.

Propriété privée = droit de faire ce qui nous chante

Mais dans le cas d'Alex Jones, son bannissement de certains médias sociaux n'est pas de la censure. Jusqu'à preuve du contraire, ces plateformes sont des propriétés privées, et à moins qu'elles n'encouragent explicitement le meurtre ou le vol, qui elles laissent parler ou non est sans aucune importance. D'ailleurs, Info Wars (le site Internet de Jones) ne se gêne lui-même pas pour «censurer».

Oui, il y a un biais évident envers «la gauche», vouloir tuer «les capitalistes», «les Blancs», ou encore faire violence «aux fascistes» ne semble jamais «censuré». Et alors? En tolérant ces propos, les grands médias sociaux ne font qu'afficher leurs couleurs au grand jour, permettant ainsi à des plateformes alternatives de se développer.

Par ailleurs, considérer Facebook et les autres comme «monopoles» montre une ignorance aberrante du mot. Qui ici se rappelle de MySpace? Il y a environ 15 ans, c'était la plateforme des réseaux sociaux pour socialiser et montrer ses talents au grand jour. Mais depuis, d'autres alternatives sont apparus et ont ainsi «tué» MySpace.

Et d'autres alternatives à Facebook, Youtube et les autres apparaitront sans doute et pourraient même les supplanter. Pourquoi? Parce que l'Internet (pour l'instant du moins) est l'une des structures les plus libres de cette planète. Si vous croyez pouvoir inventer le nouveau Twitter, vous pourriez le créer et le lancer demain matin et rien ni personne ne vous en empêchera. Bien sûr, votre succès ne sera pas garanti, mais c'est exactement le risque à prendre sur un libre-marché.

Pour que l'on puisse parler de censure, il faut qu'un gouvernement empêche une personne de s'exprimer librement sans que ces paroles ne portent directement atteinte à la vie ou à la propriété d'autrui.

Bref, pour que l'on puisse parler de censure, il faut qu'un gouvernement (ou un organisme gouvernemental) empêche une personne/un groupe de personnes de s'exprimer librement sans que ces paroles ne portent directement atteinte à la vie ou à la propriété d'autrui. Et encore: empêcher l'impression de Mein Kempf ne risque que de rendre l'ouvrage encore plus attrayant, comme la «censure» d'Alex Jones a rendu son site Internet plus populaire.

Ce qu'un média privé, qu'il soit dans l'Internet ou sur papier, diffuse et qui ne porte pas atteinte à l'intégrité physique d'une personne est sans importance. D'ailleurs, il est amusant de constater que «la gauche» se réjouisse de la «censure» de Jones, plaidant la propriété privée, alors qu'elle crie au scandale quand un pâtissier invoque des raisons religieuses pour refuser de cuire un gâteau – et inversement pour «la droite». Comme quoi la partisanerie aveugle les adorateurs du Dieu-État de tout acabit...

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