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Trump et la confusion des ressentiments

L'addition des ressentiments et résistances peut faire blocage. Dans la confusion générale, il faut garder espoir.
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Ce titre est inspiré par Stephan Zweig qui est l'auteur de « La Confusion des sentiments » (Verwirrung der Gefühle) qui traite surtout de la confusion concernant l'identité sexuelle. Avec Trump, la confusion est d'un tout autre ordre, car, comme tant d'analystes l'ont noté durant la campagne et depuis son accession au pouvoir le 20 janvier, Trump installe la confusion dans tout le champ politique et instrumentalise le ressentiment de certains déclassés.

Il confirme son abjection par ses positions concernant la torture qui serait supposée « marcher », et celles sur l'avortement, par ses attaques contre le Mexique ou encore ses menaces contre les médias, médias qui pourtant ont joué un rôle important dans son élection. Toutes ces positions sont bien connues et discutées dans les médias qui sont presque tous devenus oppositionnels et sont invités par le conseiller d'extrême droite, Steve Bannon, à « la fermer ». Dans cette liste non limitative, son ignorance crasse se révèle dans la diabolisation de tous les musulmans pour les isoler du reste de la société ce qui était précisément le souhait de Ben Laden et est celui de Daech. On pourrait croire que Trump est un agent des terroristes puisque ses rodomontades racistes ne peuvent que les favoriser.

Confusion dans le champ politique d'autant que le milliardaire qui ne paie pas ses employés correctement a réussi à devenir le champion des déclassés, surtout hommes et blancs ; confusion initiée bien avant lui par Nixon, mais accentuée grandement et confirmée par ses décisions et déclarations de président.

Trump décide de mettre fin au Traité Trans-Pacifique (TPP) et donc s'attaque au libre-échange tant vanté par les néolibéraux et le monde des affaires en général et décrié par le monde du travail. Cependant la bourse explose et le monde du business jubile. Confusion des clivages politiques là encore puisque le syndicat AFL-CIO applaudit la décision de mettre fin au libre-échange et que la bourse est au diapason.

Pour faire passer son opposition au libre-échange Trump promet une énorme baisse des impôts pour les plus fortunés en même temps qu'une déréglementation, notamment sur le plan de la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique. Donc au moment où la robotisation permet de rapatrier certaines productions, les décisions ou déclarations de Trump vont continuer à favoriser le 0,1 % des plus riches et à pénaliser tous les autres.

Les déficits budgétaires vont croître et les services publics disparaître. Ceux qui auront applaudi à la fin du libre-échange devront trouver sur le marché privé les soins que l'assurance (imparfaite) de l'Obamacare leur offrait et ils n'auront pas les moyens d'y accéder. Le monde entier verra le réchauffement climatique empirer et les tentatives pour y remédier bloquées par un parti d'ignares anti-science et un président qui se vantera d'avoir fait un bon deal. Le libre-échange, qui donne tout pouvoir aux maîtres de l'univers, et notamment celui de polluer sans payer, est certes problématique, mais son remplacement par la sociale-xénophobie est encore plus néfaste pour la planète. Confusion idéologique.

Les professionnels de l'information sont attaqués frontalement alors même que tous les spécialistes des médias soulignent que ceux-ci sont la propriété de grands groupes, qu'ils distillent le consensus, qu'ils sont rarement opposés à la guerre et n'invitent que des généraux pour parler des conflits. Donc plutôt à droite. Trump ment comme il respire, littéralement, mais dénonce la malhonnêteté de ceux qui pointent ou soulignent ses mensonges. Alors que les médias sont accusés par l'expert-menteur de produire des fake news ceux-ci parfois dénoncent les machinations même si l'on sait qu'ils peuvent aussi publier des informations non sourcées, non vérifiées et qui donc s'apparentent à des rumeurs. Confusion médiatique.

Les politistes disaient presque tous que Trump devrait compter avec l'opposition interne au parti républicain au Congrès, congrès favorable au libre-échange et hostile à la Russie. Durant cette semaine les cafouillages et contradictions n'ont pas conduit les républicains à élever la voix. Peu se sont émus des déclarations terrifiantes sur la torture qui, en sus d'être totalement immorales et illégales, indiquent que Trump n'a rien lu émanant d'un expert sur la torture, torture qui est inefficace comme le savent tous les spécialistes. Pour le moment, Trump suit la diagonale Erdogan vers plus de pouvoir personnel avec intimidation des opposants. Les checks and balances, il s'en balance. Confusion constitutionnelle.

Pourtant, certains disent : il fait exactement ce qu'il avait dit durant la campagne. Racisme, xénophobie, protectionnisme, hostilité envers le planning familial et l'assurance maladie, tropisme pro-Poutine et pro-Israël (pro-Netanyahou en fait). Tout était déjà là, mais mêlé à d'autres déclarations contradictoires. Les lignes de force ou plutôt la cohérence des diverses mesures et déclarations se trouvent dans la demande d'allégeance à sa personne. Son narcissisme rencontre sa sociale-xénophobie. Sa xénophobie prend la place d'une réflexion géopolitique et économique.

Il veut faire payer le Mexique, et les Mexicains qu'il insulte, pour son projet abject de mur entre les deux pays. Son approche gomme l'histoire des relations entre les deux pays voisins et les réalités économiques. Trump continue sa campagne pour plaire à certains groupes, mais crée une lose-lose situation pour les Mexicains comme pour les Américains. C'est un loser qui joue au malin, redéfinit sa défaite en victoire et pratique la fuite en avant. D'ailleurs, ses entreprises se sont souvent soldées par des faillites, parfois peut-être frauduleuses. Celui qui vend la xénophobie pour traiter de problèmes économiques récolte et la colère et le chaos.

Trump veut humilier la Chine, mais la place en position de leader du libre-échange. Il joue avec Taïwan pensant faire un deal sur la monnaie chinoise. Confusion. Il veut travailler avec la Russie, mais s'en prendre à l'Iran alors que ces deux puissances sont alliées de fait en Syrie et que l'Iran est du côté des États-Unis en Irak. Confusion géopolitique. La lune de miel avec Netanyahou certes se comprend par leur commune détestation de l'Iran et leur nouvelle proximité avec la Russie, mais promet de s'attirer les foudres de tout le monde musulman si l'ambassade américaine quitte Tel-Aviv. Israël est l'allié de facto de l'Arabie saoudite et veut se rapprocher des monarchies sunnites, que Trump a mises dans son viseur antimusulman. Confusion.

De même que Trump travaille objectivement à renforcer les djihadistes en diabolisant tous les musulmans, il travaille au déclin américain dont il dit vouloir effacer les marques. Sur la route du déclin, il dépasse Bush le guerrier inconscient. Make America weak now. Uber-Bush avant la chute.

La petite Grande-Bretagne dirigée par une Theresa May pressée de faire allégeance au clown ne pourra compenser la perte d'influence auprès du Mexique, de la Chine, des pays musulmans, de l'Allemagne et de la France, sans compter l'Europe de l'Est. Et s'il croit que Poutine va céder à ses caprices, il se trompe. L'artisan de la casse sociale est aussi celui de la casse diplomatique. Son ego de petit enfant indiscipliné et ignare ne rencontre pas beaucoup de résistance institutionnelle actuellement, mais lorsque l'enfant gâté pique sa crise il y a un moment où cela s'arrête.

Les multiples opposants américains, féministes, de gauche, libéraux, et même républicains, pourront, avec le monde aujourd'hui insulté, lui apprendre le principe de réalité ou le marginaliser. Les déclassés qui ont fait sa victoire vont déchanter et percer le brouillard de sa xénophobie calculée. Il ressemble certes au dictateur enfant gâté Erdogan, mais les structures de résistance sont plus fortes aux États-Unis. L'addition des ressentiments et résistances peut faire blocage. Dans la confusion générale, il faut garder espoir.

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