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Obama, l'accord avec l'Iran et les Juifs américains

Contrairement à ce que tente de faire croire la propagande médiatique, les Juifs américains préfèrent les déclarations du président Obama à celles, incendiaires et peu fiables, du premier ministre israélien.
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Récemment, le Washington Post a publié un article de deux professeurs américains intitulé On the Iran deal, American Jewish 'leaders' don't speak for most Jews («Sur l'accord iranien, les "leaders" juifs américains ne parlent pas au nom de la majorité des Juifs»), disant donc très clairement que l'opinion majoritaire des Juifs américains ne correspondait pas à la position des organisations les plus connues de la communauté juive aux États-Unis (American Israel Public Affairs Committee, ou AIPAC, en particulier).

Ces deux professeurs, Juifs eux-mêmes, font partie de la majorité des Juifs américains qui soutiennent l'accord avec l'Iran que Barack Obama et John Kerry ont négocié avec leurs partenaires européens dans le cadre dit du «5+1 et l'Iran». Ils citent un sondage indiquant que 63% des Juifs américains sont en faveur de l'accord, soit une proportion plus élevée que pour l'ensemble des Américains.

Une seule organisation juive importante, J Street, a pris position en faveur de l'accord, ainsi que Jewish Voice for Peace, qui est exemplaire mais moins influente.

Cependant, contrairement à ce que tente de faire croire la propagande médiatique, les Juifs américains préfèrent les déclarations de leur président à celles, incendiaires et peu fiables, du premier ministre israélien.

Le monde entier s'est réjoui de la signature de cet accord qui écarte une menace de prolifération nucléaire au Moyen-Orient et montre que des pays ou régimes qui ne sont pas «amis» peuvent négocier de façon mutuellement bénéfique.

Le premier ministre israélien n'a cessé de mettre le monde en garde contre la menace nucléaire iranienne, qui pourtant n'a jamais véritablement existé.

L'Iran, un État au fonctionnement politique interne problématique et qui laisse beaucoup à désirer sur le plan des règles démocratiques, n'a jamais eu le projet d'attaquer Israël.

Les services secrets israéliens, notamment le Shin Bet, dont on connaît les opinions grâce aux nombreuses déclarations d'anciens responsables aujourd'hui libérés de leur devoir de réserve, notammentMeir Dagan, en sont convaincus.

Par contre, on apprend aujourd'hui que Benyamin Netanyahou a voulu, avec Ehoud Barak, intervenir militairement en Iran et que les chefs de l'armée, des services secrets et d'autres ministres israéliens conservateurs les en avaient dissuadés.

Les États-Unis de George W. Bush avaient déjà convaincu Israël de ne pas intervenir en Iran en 2008.

La menace nucléaire iranienne n'existe pas pour plusieurs raisons et, même armé d'une bombe, l'Iran ne pourrait l'utiliser sans signer son arrêt de mort immédiat, comme des gens aussi différents que Chirac et Chomsky l'ont dit. Les États-Unis, comme tous les services secrets du monde, y compris ceux d'Israël, le savent.

Il y a donc une constellation politique intéressante autour de l'accord signé avec l'Iran: Obama, les scientifiques responsables des programmes nucléaires, les militaires américains et israéliens, la gauche dans toute sa diversité, les libertariens américains se retrouvent dans le même camp, qui est aussi celui de la majorité des Juifs américains. Les effets de propagande gomment cette réalité qui est pourtant significative.

Netanyahou et certains médias laissent penser que Kerry ou Obama sont antisémites alors même que le soutien militaire américain à Israël ne faiblit pas, et alors même que la majorité des Juifs américains soutient Obama sur le problème de l'accord avec l'Iran. Quels enseignements tirer de ces faits relativement récents?

Tout d'abord, cela permet à la fois de déconstruire et casser les théories du complot ou les accusations des antisémites: les Juifs américains ne sont pas des partisans de la guerre à outrance, ils sont dans la norme américaine et plutôt plus favorables à la diplomatie qu'à l'intervention militaire.

Le gouvernement israélien, qui se présente comme le protecteur des Juifs dans le monde entier, n'est pas en phase avec la majorité d'entre eux sur l'Iran, mais n'hésite pas à jouer la carte de la mauvaise foi et à accuser ceux qui ne sont pas d'accord avec lui d'être antisémites. Comme l'explique Uri Avnery, Netanyahou a réussi à mettre en danger la relation entre Israël et son seul protecteur militaire, les États-Unis.

Relation qui subit des évolutions importantes, qui dépassent de loin l'inimitié qui caractérise les rapports entre Obama et Netanyahou. En jouant avec les accusations d'antisémitisme de façon peu honnête, Netanyahou et ses partisans le renforcent plutôt qu'ils n'aident à le combattre.

Israël fait cause commune avec les Républicains qui détestent Obama, mentent sur l'accord avec l'Iran, et sont prêts à lancer une autre guerre au Moyen Orient alors même que toutes les autres ont été des catastrophes pour les pays concernés (Irak, Libye), mais aussi pour les États-Unis, en termes d'image, de coûts et de pouvoir réel dans la région.

Il existe donc une alliance tacite entre Israël, l'ultra-droite américaine, les mollahs iraniens et l'Arabie saoudite.

La gauche qui est, à juste titre, très critique envers Obama pour son utilisation des drones, la surveillance généralisée par la NSA ou sa façon de gérer la crise ukrainienne, se retrouve dans la majorité des Américains qui soutient l'accord avec l'Iran. Accord qui constitue une des rares bonnes nouvelles sur le plan géopolitique.

Netanyahou n'hésite pas à s'immiscer dans les affaires intérieures américaines, à tenter de jour le Congrès contre le président et à demander une aide financière accrue au moment même où il tente de faire échouer un accord voulu par Obama et approuvé par la majorité des pays de l'ONU. De plus, il réussit à s'aliéner la majorité des Juifs américains que sa rhétorique met en danger, à créer une fissure dans le rapport d'Israël avec son unique protecteur.

En allant contre les militaires et les services secrets de son pays, il obtient ainsi ce que cherchent les antisémites partout dans le monde. Un phénomène fort bien analysé par David Bromwich dans le HuffPost américain.

Pour les analystes des relations internationales, Netanyahou a mal joué sa stratégie d'utiliser l'Iran comme un épouvantail, alors que le problème principal pour Israël est la non résolution du conflit israélo-palestinien s'avère contre-productive.

L'accord avec l'Iran ne signifie pas que soudain les États-Unis et l'Iran vont être amis. Contrairement à ce qui se passe avec l'Ukraine et la Russie, Obama ainsi que les dirigeants iraniens ont compris que la diplomatie pouvait offrir des situations de paix et que l'accord signé récemment était une avancée. Il n'y a pas de solution plus favorable, comme l'explique Stephen Walt.

Obama l'a compris et cela sera certainement à mettre à son crédit à l'heure du bilan de sa présidence. Les Juifs américains sont majoritairement avec lui, comme les Européens, les modérés en Iran et le reste du monde. Cet accord devrait être un modèle pour aborder d'autres crises graves et pourrait ouvrir la porte à de vraies négociations entre Palestiniens et Israéliens.

Il faut maintenant que les Républicains va-t-en-guerre, les mollahs butés, l'Arabie saoudite totalitaire et le gouvernement israélien comprennent ce que les opinions publiques mondiales, le Shin Bet et les géopoliticiens non idéologisés savent déjà.

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