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Raconter, décrire puis visiter Lisbonne

Je peux raconter et décrire avec des mots bien en ordre ces lieux endimanchés pour les touristes que je n'aurais pas encore véritablement parlé de Lisbonne. Celle où l'imagination cesse de dessiner des temps somptueux pour faire place au temps appauvri d'aujourd'hui.
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Raconter Lisbonne, capitale culturelle de l'Europe en 1988, et entourée de sept collines qui n'atténuent en rien la hauteur d'un ciel pur, où j'ai débarqué un matin de décembre dernier.

Décrire ses places, dont la plus majestueuse, celle du Comércio Roi José l, une des plus grandes d'Europe (36 000 m²) flanquée de la statue équestre en bronze de ce roi que le temps a verdi. Places qui se succèdent à vue, Plaça D. Pedro Vl (que les Lisbonnais appellent encore Rossios à cause de la gare métropolitaine qui y trône), Plaça da Figueira, Plaça dos Restauradores, Plaça Marquez de Pompal, Plaça Eduardo Vll, tout un chapelet de vastes espaces où je n'ai trouvé d'âme, seulement un vague climat de désertion.

Relater de longs moments à l'intérieur de l'église Sao Domingos balafrée par le massacre de la ville en 1500. Une foule fanatique du catholicisme avait alors torturé et violé des milliers de juifs pendant 300 jours pour lesquels ils furent absous de leurs péchés par les moines dominicains.

Et s'étonner qu'un tel état de décrépitude soit aussi émouvant.

Raconter, encore, qu'en touriste docile, j'ai aussi arpenté ces avenidas prestigieuses que sont la rue Augusta, qui naît sous une arche enrichie d'une iconographie à thèmes historique, végétatif, monarchiste et guerrier, et celle de La Liberdade bordée de boutique Yves Saint-Laurent, Cauchy, Armani et autres Versace et n'y voir toujours qu'un étalage ostentatoire de choses vues.

Que j'ai visité le Panthéon National près duquel les samedis ramènent des vendeurs de guenilles et d'artéfacts poussiéreux, en mauvaises conditions et le plus souvent inutiles, et des indigents qui n'ont davantage à vendre qu'à acheter; la cathédrale de Lisbonne dont le parvis est un rail de tramway; le Musée national des mosaïques, temple de ce que furent les façades de la ville avant qu'une succession de crises économiques ne les gangrènent ; l'élévateur de Bia -un tramway cabossé d'histoire- et enfin, les ruines du couvent du Carmo et du château Sao José.

Oui, je peux raconter et décrire avec des mots bien en ordre ces lieux endimanchés pour les touristes que je n'aurais pas encore véritablement parlé de Lisbonne. Celle où l'imagination cesse de dessiner des temps somptueux pour faire place au temps appauvri d'aujourd'hui.

Faire et refaire avec acharnement le parcours de dizaines de rues à baraques et immeubles dégradés occupant des espaces moyenâgeux oubliés par les budgets de la ville faute de sous. Deviner les mauvaises conditions d'habitabilité conséquente du non-entretient et de la non-adaptation à la modernité et comprendre combien cette ville n'est pas seulement une série de cartes postales, mais un habitat pour des Portugais victimes d'une autre crise économique qui les agresse.

J'ai visité ce quartier pentu qui s'accroche à la colline dressée derrière le Rossio. Dans un amas d'artères tortueuses, à l'image de ruelles travesties en rues dont les trottoirs ne sont que lisières étroites, cahoteuses, sales et d'un blanc pourri, j'ai croisé des Portugais dont les yeux espéraient mieux, mais dont l'expression était résolue.

Pendant plus de quatre heures, j'ai marché et marché pour trouver des sourires, un peu d'élégance, des commerces à vitrine propre, de petites places agréables.

En vain. Seulement du pittoresque agressant.

Je sais, je sais... L'émotion amplifie les choses quand on est écrivain donc sensible aux environnements décrépits, aux visages stigmatisés de misère et aux faciès attristés. Il n'empêche que la vérité s'impose : le Portugal est pauvre et Lisbonne en est la capitale.

Heureusement des instants de tendresse ont déridé mon cœur au spectacle des nombreux enfants chéris par leurs parents. Sans détour je l'affirme : les Portugais adorent leur progéniture. Souvent portent-ils leurs bambins dans leurs bras contre leur cœur, jusqu'à deux ans et même quatre, ou ils les couvent de gestes doux en marchant tout contre eux. J'ai vu des petites filles animées de toute la magie de leur charme désintéressé, le visage comme leur regard, souriant, et leurs gestes comme leur âge, parfaitement enjoués.

Cela m'a presque réconcilié avec la véritable Lisbonne, celle des quartiers déshérités où fourmille une population pourtant terne comme un tapis usé.

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