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Il ne faut pas mentir aux enfants

Les enfants n'ont pas de souvenir parce que ceux-ci ne leur importent pas. Ils vivent dans le présent sans souci du temps qui passe et dont ils n'ont pas de notion exacte. Par exemple, et en conséquence, ils ne comprennent pas la mort, la fin du temps de vivre.
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Je rentrais de la ville. À cause d'un bouchon, j'avançais à la vitesse de l'escargot. Aussi, pour tuer le temps, ou oublier combien j'étais à le perdre et contenir toute velléité de tension que j'aurais pu développer sous les contraintes de la multiplication des chantiers routiers, j'ai mis la radio.

Un homme, à la voix agréable, mais au ton docte, parlait des enfants de moins de cinq ans et de la relation qu'ils entretiennent avec le temps. Il affirmait qu'ils n'ont pas de souvenirs, lesquels il ne faut pas confondre avec la mémoire qui leur permet d'apprendre et de retenir les comportements acquis et différents éléments de la vie courante comme ceux du langage, par exemple.

Étonnant. Ce pédopsychiatre, c'était Marcel Ruffo.

La vie fait parfois drôlement les choses, nous avions alors le même éditeur français, Anne Carrière. Et, justement, quelques semaines plus tard, je débarquais à Paris.

Franchissant la porte, je me retrouve face à face avec lui. Si surpris, je ne le salue même pas avant de faire part de mon scepticisme au sujet des propos extravagants qu'il avait tenus à Radio-Canada.

Alors, le plus simplement du monde, il m'explique.

Les enfants n'ont pas de souvenir, me dit-il, parce que ceux-ci ne leur importent pas. Ils vivent dans le présent sans souci du temps qui passe et dont ils n'ont pas de notion exacte. Par exemple, et en conséquence, ils ne comprennent pas la mort, la fin du temps de vivre.

Pour illustrer son propos, il me raconte la visite qu'une petite fille de quatre ans, accompagnée de ses parents, lui fit un jour à son bureau. Ces derniers n'étaient pas parvenus à lui faire comprendre que sa grand-mère était morte. Ils lui racontaient que la vieille dame était disparue, comme on le dit communément des personnes décédées (nos chers disparus...). Mais le procédé n'avait fait qu'empirer les choses, l'enfant s'affligeant que ces parents lui mentent, ce qui la bouleversait presque davantage que la disparition de sa grand-mère.

Le pédopsychiatre s'entretint alors seul à seul avec la fillette. Elle lui expliqua que sa grand-mère ne pouvait être «disparue» puisqu'elle ne se déplaçait jamais sans son téléphone cellulaire et qu'elle l'aurait appelée, comme c'était son habitude, pour lui dire où elle se trouvait. La vérité, ce devait être qu'elle était partie à jamais et qu'on le lui cachait.

Marcel Ruffo lui donna raison.

Effectivement sa grand-mère était partie, partie là d'où on ne revient jamais, un lieu qu'on ne connaît pas, car ceux qui y sont allés n'en sont jamais revenus pour le dire...

À la fin de son récit, il a ajouté, pour ma gouverne que, plus vieille, d'elle-même l'enfant comprendrait que sa grand-mère était morte.

Lorsque mon épouse est décédée il y a un an, mon fils, père d'une petite fille de 7 ans, a décidé que l'enfant nous accompagnerait au cimetière. Au moment de mettre l'urne en terre, elle s'en est approchée et y a posé un baiser... Plus tard, chaque fois que j'étais en présence de son petit frère (2 ans), il n'avait de cesse de me demander, l'expression contrite, pourquoi sa mamy n'était plus jamais avec moi. Puis un jour, c'est lui qui, la mine dégagée, m'annonça qu'elle était partie au ciel.

Il avait appris la nouvelle de sa grande sœur.

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