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À peu près personne ne parle de la «vraie» réalité des francophones hors-Québec. C'est l'indifférence générale, même au Québec.
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La prochaine fois qu'on vous invitera à fêter en 2017 ce «beau-et-grand-bilingue-pays-dont-nous-devons-être-fiers-après-150-ans», souvenez-vous du cri du cœur de la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA), Marie-France Kenny, devant le Comité des langues officielles de la Chambre des Communes du Canada, la semaine dernière...

Normalement, les représentants et représentantes des minorités francophones hors-Québec se distinguent par leur modération quand vient le temps de parler des ravages de l'assimilation et des trop maigres ressources consenties par leurs gouvernements (provinciaux, territoriaux et fédéral) pour les seconder dans leurs efforts - souvent héroïques - visant à assurer la pérennité de la langue et de la culture françaises loin du foyer national québécois.

On ne peut guère les blâmer d'être prudents dans leurs propos. Ils comptent presque tous sur des fonds publics qu'ils ne contrôlent pas pour faire fonctionner leurs associations et activités. Ce sont des argents auxquels ils ont droit, et une bien faible compensation pour les persécutions subies durant le premier centenaire de la Confédération, mais on verse trop souvent ces sommes au compte-gouttes - en n'oubliant pas de leur rappeler quelles mains les nourrissent.

Or Mme Kenny, étant présidente sortante de la FCFA et ne se représentant pas, dispose sans doute d'une liberté de parole bonifiée. Elle n'a pas voulu quitter son poste en emportant silencieusement avec elle le bagage d'horreurs que doit traîner tout dirigeant francophone hors-Québec dans ses relations avec les autorités anglophones et des majorités largement indifférentes - quand elles ne sont pas carrément hostiles.

Ses propos aux députés du Comité des langues officielles en disent long. Ils témoignent de la réalité et non du pays des merveilles inventé par les propagandistes fédéraux et fédéraux-philes... En voici le résumé, tel que rapporté dans Le Droit :

  1. «La Loi sur les langues officielles est la loi la moins bien appliquée du pays, et ça fait 45 ans que ça dure...»
  2. Quand on enfreint la Loi sur les langues officielles, et on le fait souvent, «il n'y a aucune conséquence».
  3. «Comme Canadienne, comme francophone, je sens qu'on me manque de respect alors que tout ce que je demande, c'est de ne pas être traitée comme citoyenne de seconde classe.»
  4. Sur l'immigration anglicisante... «On voudrait tuer la francophonie à petit feu, éliminer nos communautés par attrition, qu'on ne s'y prendrait pas autrement».
  5. Et pour finir: «À plusieurs endroits, ce n'est qu'une question de temps avant que nos communautés tombent sous le seuil requis pour recevoir des services et communications en français des bureaux fédéraux. Et quand notre poids relatif sera tombé encore plus bas, que remettra-t-on en question? Nos écoles de langue française?»

Les reproches de Mme Kenny n'ont guère été rapportés ailleurs qu'à Radio-Canada, TFO ou dans d'autres quotidiens de langue française que Le Droit, et surtout pas dans les grands médias de langue anglaise du Canada... Les ténors du beau-et-grand-bilingue-pays continueront de nous faire avaler leurs fictions pour nous inviter à fêter en 2017...

Mais que nous dit au juste Mme Kenny? Que le seul garde-fou pancanadien de la langue française est «la loi la moins appliquée au pays», et qu'il n'y a aucune conséquence à trouer cette loi allègrement... Que les francophones hors-Québec sont traités comme «des citoyens de seconde classe», contrairement aux Anglo-Québécois qui sont dorlotés depuis 1867...

Elle brosse un tableau de collectivités qui représentent une proportion de moins en moins grande de leurs provinces, au point où elles sont rendues à compter sur une théorique (et improbable) immigration francophone pour redresser quelque peu la situation... Elle évoque même une éventualité, pas très lointaine, où les provinces anglaises remettront peut-être en question des droits acquis - comme les écoles françaises dans certaines régions. De quoi donner le goût de fêter les 150 ans de la Confédération?

À peu près personne ne parle de la «vraie» réalité des francophones hors-Québec. C'est l'indifférence générale, même au Québec. Et cette ignorance permettra encore à des personnages comme Victor Goldbloom, Anglo-Québécois et ancien Commissaire fédéral aux langues officielles, de pouvoir affirmer sans être contredit (comme en 1991 au sujet de la Loi 178 qui imposait la priorité du français dans l'affichage au Québec): «La Loi 178 aura pour effet de rendre les anglophones moins généreux à l'endroit des minorités francophones.»

Mais quel culot! Après avoir aboli les écoles françaises dans tous les territoires et provinces à majorité anglaise, après avoir rétabli ces écoles à la fin des années 60 sous une menace de sécession du Québec, après un autre demi-siècle de luttes judiciaires et populaires incessantes pour faire respecter les droits reconquis et toujours menacés, il faudrait croire à une quelconque «générosité» des anglophones? Non mais...

Amenez-le, le 150e de la Confédération ! Ce sera pour nous, j'espère, l'occasion non pas de célébrer mais de rappeler fièrement les combats que les francophones ont dû mener - même au Québec - pour continuer d'exister comme nation et comme collectivités.

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