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Vote de QS pour absorber ON: éviter l'erreur stratégique

À l'heure actuelle, toute fusion dans le mouvement souverainiste serait une erreur stratégique; faire disparaître Option nationale serait une faute majeure.
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Récemment, j'ai beaucoup pensé à Pierre Bourgault. Pour le bien de la cause, il avait décidé, en 1968, de saborder son parti, le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) pour que ses membres intègrent un à un le Parti québécois (PQ). Moins de 15 ans plus tard, constatant le règne des apparatchiks et la mise en minorité des idées du RIN, il nourrissait d'amers regrets et dira même qu'il s'agissait de la plus grande erreur de sa vie.

Le rôle essentiel d'Option nationale

ON existe depuis près de 6 ans. Bien sûr, on ne peut pas attribuer le mérite de la récente entente sur le mode d'accession à l'indépendance à la table des OUI-Québec à une seule partie. Toutefois, j'aimerais questionner le lecteur sur quelques faits. Qui, en 2011, parlait d'une feuille de route indépendantiste ou évoquait une convergence? De collaborer avec les autres indépendantistes dans ses propres statuts? De dialogue, de rapprochements ou d'ententes électorales entre les forces souverainistes? Quel parti faisait la pédagogie de l'indépendance et s' s'assumait devant la population comme indépendantiste? À ces questions, une seule réponse : personne.

N'eût été la présence d'ON sur la scène politique ces dernières années, je ne crois pas que nous nous retrouverions dans une conjoncture et dans une possibilité de dialogue au sein des forces indépendantistes; les choses ont bougé.

Le parti, par son action sur le terrain et son positionnement, a forcé les autres partis à eux-mêmes se positionner. Québec solidaire, d'abord, qui s'est davantage réclamé du mouvement indépendantiste. Le Parti québécois, qui a été porté à reparler de souveraineté et à reconnaître qu'il n'était plus le seul porteur du ballon. Finalement, avec l'élection successive de Mario Beaulieu et Martine Ouellet à sa tête, le Bloc québécois s'est affirmé dans un rôle davantage volontaire pour non seulement défendre les intérêts du Québec, mais surtout être la voix de l'indépendance à Ottawa; en parler, en faire la pédagogie, y consacrer plus d'énergie. Sans la présence d'ON sur la scène politique, l'indépendance n'aurait pas connu autant d'attention des autres partis ni autant de résonance.

Il est de bon ton dans les autres partis ou chez certains faiseurs d'opinions, de traiter ON comme un simple « groupe de pression » ou un « club politique »; il n'en demeure pas moins que, malgré son poids actuel de 1% à 2% de l'électorat, il représente plus que cela. Il s'agit là d'un parti qui a un poids politique bien plus important que son poids électoral. Et il y a fort à parier qu'avec un autre mode de scrutin, sans la pression du « vote stratégique », de nombreux indépendantistes convaincus et progressistes lui donneraient leur appui.

Une offre politique distincte

Non seulement ON représente une voix nécessaire ayant une influence et faisant avancer le mouvement indépendantiste, le parti est aussi une véritable option progressiste avec un programme moderne et audacieux. En près de six années d'existence, ON a eu le temps de bâtir un programme vraiment distinct tant de la plateforme de plus en plus libérale et identitaire du PQ que de celle plus socialiste et multiculturaliste de QS, qui, finalement, se rejoignent de ce point de vue : ils proposent de vieilles idées; parfois dans un bel emballage. Bien sûr, sur certaines idées, le programme d'ON peut rejoindre tantôt celui du PQ, tantôt celui de QS. Mais il reste singulier, collé sur son époque, pragmatique et, pour l'essentiel, le plus résolument audacieux.

Sans parler de sa démarche indépendantiste volontaire et assumée, le parti émet des propositions vraiment distinctes en matière d'économie, d'institutions démocratiques, de laïcité ou de politique numérique. Il suffit de prendre connaissance et s'informer sur le programme du parti pour le constater. En immigration, malgré sa jeunesse, ON est pourtant à l'avant-garde, étonnamment bien plus que d'autres partis. Il en est de même par exemple pour la santé ou encore la question autochtone.

Non, ON n'est pas le « petit frère égaré » du PQ ni une « succursale indépendantiste » de QS. C'est un parti qui a une raison d'exister dans le paysage politique actuel, son propre programme, ses propres propositions. Le parti doit être présent et demeurer dans le paysage politique, car il a un projet emballant à proposer aux Québécois. Jacques Parizeau l'a bien dit: "N'ayez pas peur de vos rêves!"

Se diluer dans QS : une erreur stratégique

On constate que le rassemblement a déjà été tenté et n'a pas fonctionné; repensez à Bourgault. En ce sens, le réflexe fusionniste (on parle en fait ici d'absorption), me semble être une mécanique du passé et un échec annoncé. Mon dernier billet, ou j'évoquais les décisions pour les moins controversées de QS, mais la possibilité de dialogue et la nécessité d'ententes électorales, résumait bien ma pensée.

Du reste, lors du dernier congrès d'ON début avril, les membres réunis en congrès ont voté pour retirer le mot "fusion" des statuts du parti, maintenant toutefois la porte ouverte à la collaboration et y ajoutant même la possibilité d'ententes électorales. Il y a quand même contraste avec le dernier Congrès de QS.

Bien sûr, certains sont tentés, en ce moment, à Option nationale, de céder au chant des sirènes solidaires et au vedettariat de Gabriel Nadeau-Dubois.

Bien sûr, certains sont tentés, en ce moment, à Option nationale, de céder au chant des sirènes solidaires et au vedettariat de Gabriel Nadeau-Dubois.

Mais ne nous y trompons pas. Notre objectif est de faire du Québec un pays et non nécessairement d'être au gouvernement à tout prix ou de présenter une coalition de gauche aux élections. Une "fusion" ne servira pas l'indépendance. Elle servira les intérêts de Québec solidaire. Et servir de gage d'ouverture ou de caution indépendantiste n'est pas le but de notre engagement politique, il me semble.

Si changer QS de l'intérieur, influer sur sa politique, le « rendre plus indépendantiste » est la motivation que trouvent certains, qu'ils ne s'y trompent pas. Cela a déjà été essayé dans le passé et a eu pour résultat d'isoler notre courant de pensée. Les "trop pressés", du PQ, vous vous rappelez? ON n'a pas le poids (du nombre en tout cas) pour réussir à QS ce qui a échoué au PQ; c'est un fait.

Enfin, si certains croient qu'il en sera autrement à QS, car il serait un parti plus ouvert et moins partisan, je les invite à revisiter les 11 ans de vie de ce parti, le déroulement de leur dernier congrès et ce qui a suivi. Non seulement QS a-t-il rejeté la possibilité d'ententes ponctuelles avec le PQ et nous avons appris qu'il a renié une entente de principe avec tous les partis sur le mode d'accès à l'indépendance, les solidaires ont également énoncé clairement quel était leur objectif : prendre le pouvoir. L'ambition de Québec solidaire est désormais celle des vieux partis.

Sans compter que, dans l'état actuel des choses, croire que QS est à la veille de représenter une part substantielle des Québécois dans une élection serait pure chimère.

À l'heure actuelle, toute fusion dans le mouvement souverainiste serait une erreur stratégique; faire disparaître Option nationale serait une faute majeure. Chaque parti, dans la liberté et le respect de ses idées, doit avoir voix au chapitre, pouvoir présenter ses propres idées à la population, peser de son poids et négocier d'égal à égal avec les autres parties. En cela, la présence d'ON à la table pour préparer l'indépendance est non seulement utile, elle est nécessaire.

"Mieux vaut se gouverner soi-même que d'être gouverné par les autres." Tiens, Bourgault, encore lui.

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