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La laïcité, instrument libéral pour 2018

Notre premier ministre instrumentalise désormais l'attentat de Québec. Il en est de même du débat sur la laïcité et des minorités.
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Le premier ministre Couillard bombe le torse. C'est qu'il a reçu, à point nommé, un appui à son projet de loi 62 sur la neutralité religieuse de l'État. Charles Taylor, le coprésident fédéraliste de la commission Bouchard-Taylor, a décidé de sortir publiquement et contredire les récents propos de l'autre coprésident, Gérard Bouchard, avec pour effet de bénir le projet de loi du gouvernement. C'est un moment bien opportun pour ce dernier, mais surtout, ne voyez aucune coïncidence.

La laïcité : quèsaco? *

Allons-y avec un petit rappel sur la laïcité. Si nous savons que le principe de laïcité consacre une séparation du civil et du religieux dans l'État et la neutralité de celui-ci vis-à-vis de toutes les confessions, quoi d'autre implique-t-elle? Il est bon parfois de revenir à la base.

D'abord, entendons-nous. Il y a autant de formes d'application de la laïcité qu'il y a de pays ou états l'appliquant. Par exemple, nous savons que nos valeurs au Québec nous différencient du multiculturalisme canadien dont on sait qu'il nuit à l'intégration culturelle, ce qui se vérifie d'ailleurs dans une vaste littérature, en français ou en anglais. Nos valeurs nous éloignent également par exemple de la laïcité à la française, dite radicale (à ne pas confondre avec une laïcité totale ou encore avec la sécularisation). À vrai dire, la laïcité, c'est la recherche d'un équilibre, mais avant tout, et ça devrait rester au centre de nos préoccupations, c'est la recherche de l'égalité de tous les citoyens, entre eux, devant l'État et devant la loi. D'où ce principe que beaucoup d'entre nous défendent : pour être égales devant l'État, les règles devraient être les mêmes pour tous, sans distinction.

Revenons à M. Couillard et au débat actuel. Malheureusement, ces considérations sont ignorées, voire détournées. Flou et confusion sont, parfois sciemment, entretenus dans le débat sur la laïcité en le mêlant avec le débat sur l'immigration ou avec celui sur le racisme, par exemple. Monsieur Couillard est un adepte de ce mélange des genres.

L'art de se dérober au débat

Notre premier ministre entretient donc sciemment cette confusion. Il voudrait ainsi nous inciter à penser que soulever le débat sur la laïcité revient en fait à entretenir l'intolérance ambiante.

C'est là un amalgame tout à fait malhonnête; en cette période trouble, quel procédé infâme, révoltant et indigne d'un homme d'État! En effet, on peut très bien être indigné par le récent attentat ayant visé la communauté musulmane, atterré par la haine, le racisme et l'intolérance ambiants ces derniers temps dans notre société, dénoncer cette situation et les gens qui la provoquent, comme je l'ai moi-même fait récemment, et souhaiter un débat sur la laïcité. Voire même sur la question de l'immigration. Mais un débat serein qui va dans le sens de l'intérêt général.

Au lendemain de l'attentat haineux de Québec, on a vu un premier ministre se plaçant en homme d'État; du moins quelques heures. Malheureusement, cela n'a même pas pris quelques jours à M. Couillard pour nous jouer une chanson partisane, parfois à saveur électoraliste.

Or, il se trouve que la totalité des partis d'opposition en chambre a manifesté leur intention sincère de trouver des compromis. Même la CAQ, pourtant si rigide sur certaines questions identitaires, a, il faut le saluer, embarqué dans le train et s'est dite prête à voter un projet de loi qui « reviendrait à Bouchard-Taylor » et ajouterait une interdiction de signes religieux pour certaines personnes en position d'autorité (celles nommées dans le rapport de 2008, comme les juges ou gardiens de prison). Le PQ et QS ont aussi dit qu'ils appuieraient une telle position. Cette option représente, il semble, un large consensus dans la population.

D'ailleurs, la position d'Option nationale, le parti non représenté à l'Assemblée nationale ayant obtenu le plus de votes en 2014, est proche de celle-ci, mais se différencie en ce qu'elle vise tous les agents de l'État en position d'autorité. Donc, malgré ce que prétend le gouvernement libéral, un consensus large se dégage et la porte n'a jamais été si grande ouverte pour s'entendre sur une position commune. Alors, pourquoi donc Philippe Couillard se braque sur ce projet de loi?

Le PLQ, cet émissaire du Canada

La réponse se trouve sûrement dans son offre politique fédéraliste, qui célèbre le statu quo, la dépendance et la primauté de la loi canadienne et du multiculturalisme sur nos lois. Rappelez-vous, que lors de « l'affaire du kirpan », c'est bien la Cour Suprême du Canada qui était venu nous dire, en cassant les décisions de tous les tribunaux québécois, que porter un couteau rituel en classe était acceptable, au nom de la liberté individuelle de la personne visée (sa liberté de conscience). Cela alors que les tribunaux québécois (Cour Supérieure et Cour d'appel), eux, se plaçaient sous l'angle de la primauté du droit collectif (le droit à la sécurité pour tous) pour l'interdire. Il est important de rappeler cet épisode quand on sait qu'il a été à l'origine de ce débat sans fin et qu'il illustre parfaitement l'incongruité de notre appartenance au Canada, dont le système de valeurs est différent, voire opposé au nôtre.

Mais qu'importe, la Cour Suprême a parlé! Nous ne sommes pas maîtres dans notre pays.

Monsieur Couillard, en se magasinant des votes, tente de manipuler les Québécois issus de l'immigration et plus spécifiquement, nos concitoyens musulmans, qui sont les dindons de la farce de ce clientélisme démagogique.

Dans les jours qui ont suivi l'attentat, Philippe Couillard s'est fait le champion du multiculturalisme canadien au Québec. Abandonnant son statut qui aurait dû le placer au-dessus de la mêlée, c'est, depuis, le chef du PLQ que nous voyons en campagne. Il s'entête, par pur calcul électoral, à ne pas vouloir parler aux partis d'opposition, pourtant ouverts et qui expriment un consensus de la population.

Et dans toute cette surenchère prétendument inclusive (un terme maintenant bien trop politisé), ce qui est plus grave. Monsieur Couillard, en se magasinant des votes, tente de manipuler les Québécois issus de l'immigration et plus spécifiquement, nos concitoyens musulmans, qui sont les dindons de la farce de ce clientélisme démagogique.

Dans cette partisanerie, où est passé l'intérêt des citoyens?

De discours partisan, nous étions rendus cette semaine à des discours à saveur électorale avec une surenchère de qualificatifs comme « discrimination vestimentaire », ou « dérive discriminatoire ».

Nous connaissons la prochaine étape. Ce sera de brandir l'épouvantail d'un référendum comme un marabout vous agiterait un grigri sur la tête pour repousser les mauvais esprits. Ce sera de prétendre que toute velléité nationaliste revient à « souffler sur les braises de l'intolérance ». Que ne pas être pour le multiculturalisme canadien tellement ouvert que propose les libéraux, de l'inclusion, c'est « ne pas inclure » et donc exclure. Au final, il fera passer l'opposition pour une bande de xénophobes.

Cette situation est dangereuse et M. Couillard, plutôt que de tendre la main aux autres partis et à la société civile, entretient un climat malsain de division alors que cette question pourrait être réglée; nous pourrions passer à autre chose. Il démontre toutefois éloquemment l'état minoritaire de la position libérale.

Notre premier ministre instrumentalise désormais l'attentat de Québec. Il en est de même du débat sur la laïcité et des minorités. Plutôt que de régler ce débat, il préfère (et son report du débat à plus tard en 2017 en est la preuve) nous donner rendez-vous aux prochaines élections. Voilà comment nous sommes dirigés.

Comme citoyen, je me sens trahi, mais surtout très mal représenté. Il faudrait que le premier ministre opère un virage dans ce débat, le plus vite possible.

*Locution française d'origine occitane signifiant Qu'est-ce que cela?

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Mai 2017

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