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L'immigration et le chômage

Le chômage, ça peut être vraiment dur et comme pour beaucoup de choses, on ne le comprend, bien souvent, que si on l'a vécu. Dans les dernières années, j'ai vécu une période de chômage qu'on pourrait qualifier de longue durée.
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Nous revoilà; après deux mois d'absence, pour cause de piratage d'ordinateur (une mésaventure que je ne souhaite à personne). Seulement deux mois et pourtant parfois les choses bougent si vite.

Depuis un peu plus d'un mois et demi, changement d'emploi pour revenir à d'anciennes amours dans l'industrie du jeu vidéo; et avec beaucoup de plaisir. Comme pour beaucoup de personnes sur le marché du travail, un changement d'emploi est l'occasion de faire un bilan, s'arrêter un instant pour regarder le chemin parcouru avant de plonger vers l'avant. Ce qui m'amène aujourd'hui à aborder un sujet délicat, le chômage.

Une couche de honteà

Le chômage, ça peut être vraiment dur et comme pour beaucoup de choses, on ne le comprend, bien souvent, que si on l'a vécu. Dans les dernières années, j'ai vécu une période de chômage qu'on pourrait qualifier de longue durée. La motivation des premiers temps et les envois de curriculums en chaîne laissent bientôt place à la pluie de lettres de refus. L'enthousiasme de l'entrevue « qui s'est bien passée » est vite anéanti par l'appel de l'agent de ressources humaines qui vous dit « désolé, vous aviez une des deux candidatures les plus intéressantes, mais nous avons dû choisir ». On passe d'une motivation extrême à l'abattement total en un instant, on enchaine une semaine d'agitation intensive avec une autre de déprime, recroquevillé dans son cocon de précarité.

Souvent, aussi, avec le chômage, surtout lorsqu'il s'installe, viennent les innombrables questionnements et parfois la culpabilité. On cogite. Beaucoup. Pourquoi ça ne marche pas? Pourquoi c'est souvent si proche et d'un seul coup si loin? La situation n'est pas valorisante, l'estime en prend un coup, les finances; tout est chamboulé, tout est incertain.

Quand on est un citoyen issu de l'immigration, il se rajoute parfois une couche de plus. De la frustration ou de la colère sûrement pour certains. De la honte bien souvent. Difficile à comprendre? Quand on intègre une société d'accueil, on ne veut pas juste s'y sentir bienvenu et accepté, on veut aussi s'y sentir utile, on s'en fait parfois un devoir.

Le refus d'être inutile

Une personne assez proche, dont la famille a immigré de l'Italie vers la France lorsqu'il avait 5 ans, il y a 55 ans, m'expliquait certaines difficultés de son intégration, à cette époque. La gêne de ne pas savoir parler français comme les autres, à l'école. Le rejet de certains de ses camarades. Comme dans beaucoup de familles italiennes à l'époque, on était nombreux; lui était l'ainé. Ce qui m'a frappé c'est quand il m'a dit comme il avait eu vraiment honte que ses parents aient un cinquième puis un sixième enfant, alors qu'il était un jeune adulte. Parce que selon lui, ils allaient « véhiculer, à juste titre » le stéréotype selon lequel « les Italiens font plein d'enfants et profitent du système en recevant des aides sociales ». Je m'en souviens, car ça m'avait choqué et je m'étais dit que c'était dur de parler comme ça de sa propre famille, de son expérience de vie. Mais le chômage m'a aidé à comprendre. Parce que le chômage fait ressentir un malaise similaire. L'impression d'être un poids ou à tout le moins de ne pas être assez utile à la collectivité à laquelle on appartient. Parce que comme immigrant, parfois, on sent, on sait qu'on doit en faire plus, qu'on doit prouver plus. Et on n'arrive pas à accepter une situation qui nous rend inutiles. On se dit qu'on n'est pas venu ici pour vivre ce satané hiver morne là dans son sous-sol.

Lorsque j'étais encore un récent arrivant, il y a une dizaine d'années, j'ai connu une situation encore plus précaire et frustrante à la fin de mes études. Incapable de trouver un emploi dans mon domaine, j'ai passé six mois sans travailler. Sauf que, immigrant temporaire, je n'avais droit ni à l'assurance-emploi ni à aucune forme d'aide. Je devais me débrouiller et survivre. Mais la frustration et le sentiment d'inaction étaient déjà là. Et il y a autant de ces situations frustrantes qu'il y a d'individus en état d'inactivité.

La réalité au Québec

Au Québec, malgré des taux de scolarisation généralement plus élevés que la moyenne des Québécois, les immigrants connaissent un taux de chômage au moins deux fois supérieur. C'est un fait.

J'ai la chance d'être francophone, de venir d'un pays avec un bon système d'éducation et d'être scolarisé. Quand on se compare, on se console; on trouvera toujours plus malchanceux que soi. Ce qui m'amène à penser à tous les immigrants qui doivent faire reconnaitre leurs diplômes et à ceux qui ne peuvent pas; de même qu'à ceux qui n'en ont pas. À ceux qui doivent en passer par la francisation pour intégrer le marché de l'emploi, un obstacle à ne pas sous-estimer. À ceux encore qui vivent dans la précarité ou aux réfugiés qui, en plus des traumatismes parfois vécus, doivent souvent se contenter d'aide sociale. Certaines réalités auxquelles j'ai été particulièrement exposé récemment d'ailleurs; on aura l'occasion d'en reparler dans des billets futurs, car un seul ne suffira pas à décrire tous les défis et problèmes criants de notre système d'immigration.

Le Québec a mathématiquement besoin de l'immigration, pour de nombreuses raisons, ne serait-ce que démographiques ou économiques. Lorsqu'on sait qu'intégrer le marché de l'emploi est la principale clé d'un immigrant pour réussir son intégration, je me dis en tout cas que nous pourrions sûrement, collectivement, Québécois de toutes origines, faire bien mieux. Et que nous y gagnerions tous beaucoup.

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Avril 2018

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