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Les trois soleils noirs de l'économie mondiale

Au total, l'économie mondiale retrouve sa course vers le progrès, mais sa trajectoire demeure perturbée par un système de trois étoiles. Ces «soleils noirs» sont les points d'accumulation des risques: la déflation, les inégalités et les dérèglements de la mondialisation.
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Un Occident en convalescence durable?

Plus de cinq ans après la chute de Lehman Brothers, le monde occidental montre des signes de retour à meilleure fortune. Les États-Unis retrouvent le chemin de la croissance (2,6% en 2014) et d'une politique monétaire "conventionnelle". La zone Euro bénéficiera d'une croissance modeste (1,2%), mais les marchés ont cessé de remettre en cause l'existence de sa devise et de tourmenter ses dettes souveraines. L'endettement continue pourtant de croître, la croissance est anémique, les problèmes de gouvernance institutionnelle n'ont pas été définitivement réglés. La détermination politique des gouvernements et la crédibilité de la BCE ont cependant permis à des pays sous programme (Grèce, Irlande, Portugal) de faire à nouveau appel à l'épargne publique. Les taux du marché de la dette occidentale sont en effet très bas, à des niveaux souvent inférieurs à ceux de l'avant-crise. Le chômage semble avoir atteint un point haut, et il régresse même significativement aux États-Unis et en Grande Bretagne. Le regain des fusions-acquisitions témoigne enfin de l'ouverture de perspectives positives pour les entreprises.

Pourtant, l'enthousiasme des marchés demeure très modéré, même si les grands indices boursiers (É.-U., GB, Allemagne) ont récemment battu des records historiques. L'incertitude pèse. La Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie, la Turquie souffrent d'instabilités politiques, sociales et financières. En Occident, malgré le regain économique, les populations donnent des signes d'exaspération face à des élites politiques impuissantes à expliquer le Nouveau Monde et satisfaire les impatiences sociales.

Au total, l'économie mondiale retrouve sa course vers le progrès, mais sa trajectoire demeure perturbée par un système de trois étoiles. Ces "soleils noirs" sont les points d'accumulation des risques: la déflation, les inégalités et les dérèglements de la mondialisation.

Soleil noir n°1: Déflation

Le retour de la croissance en Occident est caractérisé par la double pathologie du chômage structurel et de la déflation. La situation des pays du sud de l'Europe est ici bien connue. Mais même aux États-Unis, où la croissance est vigoureuse, la baisse spectaculaire du taux de chômage ne convainc pas. La faiblesse de l'investissement et la déqualification de nombreux travailleurs nourrissent le thème controversé de "la stagnation séculaire". En effet, la demande demeure faible, les taux d'intérêt réels sont élevés, le financement bancaire est contraint, tous les agents économiques veulent rembourser leurs dettes. La confiance et l'engagement dans l'avenir sont rompus. Ces symptômes révèlent la déflation, selon les modalités bien décrites par Irving Fisher pendant la Grande Dépression.

Il incombe donc aux banques centrales de créer la monnaie qui rompra ce cycle déflationniste et relancera l'économie. Ces politiques non conventionnelles comportent aussi des risques, car elles confortent l'illusion de l'argent facile et exportent les déséquilibres vers les pays émergents.

Soleil noir n°2: Inégalités

Le succès américain du dernier livre de Thomas Piketty (Le capital au XXIe siècle) a pu étonner. Les États-Unis, patrie du capitalisme libéral, sont en effet inquiets devant la remise en question d'un de leurs grands mythes fondateurs, le rêve américain. Nul ne l'exprime mieux que le président Obama, qui déclarait l'an dernier: "The combined trends of increased inequality and decreasing mobility pose a fundamental threat to the American Dream, our way of life, and what we stand for around the globe".

Après la crise, l'endettement ne peut plus se substituer à la rémunération du travail pour garantir la croissance des niveaux de vie américains, de même qu'il sera incapable de continuer à soutenir l'État-providence en Europe.

Les inégalités nourrissent elles aussi la crise de l'avenir. Comme à l'époque de Marx, triomphe du capital et angoisse devant le remplacement de l'homme par la machine sont de puissants facteurs de déclassement.

Soleil noir n°3: Dérèglements de la mondialisation

Le modèle de la mondialisation moderne (éclatement des chaines de valeur dans le monde entier, pouvoir d'achat des populations émergentes) est l'objet de nouvelles tensions. Financières, car il a formé les "global inbalances" (réserves et excédents massifs chez les émergents, dettes et déficits insoutenables en Occident). Il doit donc être réformé. Monétaires, car l'équilibre de la mondialisation requiert un consensus sur les taux de change. "Manipulation des devises", "Guerre des monnaies", "Égoïsme monétaire" sont pourtant devenus à tort ou à raison des concepts d'usage courant.

La mondialisation doit surtout affronter de nombreux nouveaux problèmes politiques. D'abord, les classes moyennes émergentes sont mieux informées. La corruption et les injustices (Chine, Brésil, Turquie) sont contestées. Ensuite, comme le démontre le récent scrutin européen, les difficultés de l'Union sont une métaphore des réticences face à l'abaissement des frontières. Les discours sur la "démondialisation" font écho aux campagnes incitant au "reshoring" aux États-Unis. Enfin, les discours de guerre froide, les tensions géopolitiques et les sanctions punitives à grande échelle pourraient entraver l'intégration d'ensembles régionaux importants dans le commerce mondial.

L'économie mondiale va mieux qu'en 2008. Mais les soleils noirs de la déflation, des inégalités et des dérèglements de la mondialisation peuvent significativement altérer les conditions politiques qui ont assuré le développement économique des trente dernières années.

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