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Personne ne me fera pleurer à cause de Trump

Ce ne sont pas les politiciens qui créent les postures idéologiques; ceux-ci les canalisent, les instrumentalisent. Trump n'a pas créé le réflexe identitaire de l'Occident, il l'utilise.
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La candidature pour la présidence américaine du magnat de l'immobilier Donald Trump a été le sujet de nombreuses polémiques au même titre que la montée de l'extrême-droite en Europe. D'entrée de jeu, je dois reconnaître mon inquiétude face à la dangerosité des propos de ces mouvements politiques, simplement, ce qui m'inquiète davantage est ce fait désormais incontournable: ceux qui s'opposent le plus bruyamment à Trump et à l'extrême-droite l'ont bien cherché.

La politique ne crée pas le pouvoir et les idées, elle les gère

Pour commencer, je crois qu'il est essentiel de clarifier un principe de base en politique: elle n'est pas l'origine du pouvoir, mais bien la gestion de celui-ci. C'est-à-dire que même sans institutions politiques, le pouvoir existerait et serait pire puisqu'incontrôlé: nous verrions le plus fort imposer son pouvoir au plus faible, le plus intelligent l'imposer au plus simple, le plus fanatique l'imposer au plus modéré, etc.

Pourquoi est-ce important ici? Simplement parce qu'on comprend que ce ne sont pas les politiciens qui créent les postures idéologiques; ceux-ci les canalisent, les instrumentalisent. Trump n'a pas créé le réflexe identitaire de l'Occident, il l'utilise. C'est son déni par les modérés qui a fait en sorte que les extrêmes s'en sont saisis. Les plus grandes catastrophes politiques de l'Histoire ont toujours pour cause l'inadéquation entre les idées du peuple et celles des institutions...

Une époque de craintes et de confusion

Maintenant, je suis bien conscient que l'extrême-droite, en cherchant à convaincre, peut alimenter la xénophobie, mais le contexte actuel se suffit à lui-même en termes d'inquiétudes. Nous sommes dans une époque de craintes apocalyptiques, confrontés à des discours conspirationnistes tenaces qui discréditent nos institutions politiques. Nous faisons face à une crise guerrière sans précédent au Moyen-Orient qui sème la violence autour du monde par le terrorisme. Nous faisons face à la résurgence de puissances concurrentes telles que la Russie et la Chine.

Mais surtout, dans ce climat déjà explosif, nous sommes aux prises avec des systèmes de gestion culturelle qui nient l'identité des sociétés d'accueil et vont jusqu'à faire des compromis sur des valeurs qui sont leurs fondements même. Trudeau, récemment, est même allé jusqu'à affirmer que le Canada était un État «post-national»! Pas de doute qu'un climat d'inquiétude s'est installé; les gens se demandent à quel point ils devront capituler leurs valeurs face à des cultures étrangères rancunières. Ils se demandent jusqu'où ira cette contrainte à l'excuse et à la culpabilité postcoloniale. Ils se demandent si leurs enfants pourront vivre dans une société libérée des religions et des barrières culturelles qui s'érigent actuellement avec le multiculturalisme. Ils se demandent si c'est la fin du rêve occidental, la fin de la liberté.

L'extrémisme est une réponse à l'extrémisme

Ces enjeux, même s'ils sont de taille, n'auraient jamais dû dégénérer au point de devenir le théâtre d'une bataille entre extrêmes. Car il faut bien le comprendre: un extrême répond toujours à un autre. L'extrême-droite n'est pas seule face à des options modérées, elle répond à une nouvelle forme d'extrémisme carburant aux idées vertuistes: celui d'un multiculturalisme imposé de force aux sociétés démocratiques.

Les chasses aux sorcières sont nombreuses chez cette nouvelle «gauche»: censure, ostracisme, diffamation - tous les moyens sont bons pour faire advenir la société multiculturelle. Toute critique de l'Autre est une atteinte à la dignité, toute affirmation d'identité, un suprémacisme, toute politique le moindrement homogénéisante, un fascisme.

Dans ce climat d'entre-dénonciations, la vieille gauche laïque se rapproche des conservateurs, la droite religieuse se rapproche de la complaisance gauchiste à l'égard des religions: les cartes sont emmêlées.

Une chose demeure: l'intransigeance des deux options qui a entraîné la désertion des options mitoyennes et du centre modéré. Le centre n'existe plus: on est soit multiculturaliste ou bien on est identitaire. Les extrêmes s'affrontent désormais dans un combat sans merci.

Crier au loup

Et maintenant vous pleurez face à l'avènement de Trump? Après maints avertissements, après des années de débats qui déraillent et d'insultes? J'en veux particulièrement ici à la gauche, le camp auquel je m'attachais autrefois et qui m'a vertement craché au visage pendant l'épisode de la charte des valeurs. Oui, cette gauche et ces «modérés» qui prônent le dialogue (à sens unique), le progressisme (accommodant les pires archaïsmes), et la révolution (parfaitement irréaliste). Cette gauche qui a crié au loup à chaque fois qu'une voix s'élevait pour prévenir le blocage politique à venir.

J'exagère? Ils auront traité Pauline Marois de fasciste et l'auront comparé à Hitler pour sa charte... Ils auront marqué du sceau de «l'islamophobie» toute critique de cette religion en crise qui enfante actuellement les décapités et les esclaves. Ils auront tenté d'excuser sans relâche le terrorisme islamique en lui attribuant les traits de la maladie mentale. Ils auront préféré l'anti-américanisme à la défense de nos valeurs. Ils auront préféré se vanter de leur tolérance empreinte de mépris...

Et désormais, face à un Occident exténué, ils s'étonnent de voir que oui, celui-ci a une identité, et que par désespoir, il peut enfanter l'extrême? Des aveugles! Triste de constater que l'histoire se répète, et que comme dans la République de Weimar, la gauche ne réalise pas qu'elle creuse son propre cercueil. Elle n'a pas compris qu'en forçant une lutte radicale entre le bien et le mal, on poussait surtout le peuple dans les bras du conservatisme.

Après avoir fait le vide autour d'eux, les multiculturalistes et les inclusifs se demandent pourquoi le succès sourit à Trump, ce loup qu'ils ont tant redouté. C'est bien parce que comme le petit garçon de la fameuse fable, ils se sont discrédités à voir du fascisme et de l'intolérance partout, et que désormais, face à la vraie menace, ils sont seuls. Donc oui, je suis inquiet à cause de Trump, mais vous ne me ferez certainement pas pleurer. Je m'inquiète depuis trop longtemps de l'aveuglement sans bornes qui nous a placés dans cette situation intenable.

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