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Qui pour succéder à Abdou Diouf à la tête de la Francophonie?

Alors que les candidats à la succession d'Abdou Diouf se comptent sur les doigts d'une main, les enjeux de cette élection sont cruciaux.
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Les 29 et 30 novembre prochains, lors du 15e sommet la Francophonie, les 57 chefs d'États membres de l'Organisation internationale de la Francophonie choisiront parmi 5 candidats qui est le plus à même de succéder à Abdou Diouf à la tête de l'OIF. Alors que le manque de rayonnement international de Jean-Claude l'Estrac et Agustin Nze Nfumu joue en leur défaveur, la Canadienne née à Haïti Michaëlle Jean fut représentante de la reine d'Angleterre pendant 5 ans et connaît mal la Francophonie. Laissant ainsi le champ libre à Henri Lopes, une énième fois candidat, et Pierre Buyoya, ancien chef d'État africain dont le profil semble à la hauteur de la tâche.

Michaëlle Jean, Jean-Claude l'Estrac, Henri Lopes, Agustin Nze Nfumu et Pierre Buyoya. Alors que les candidats à la succession d'Abdou Diouf à la tête de l'Organisation internationale de la Francophonie se comptent sur les doigts d'une main, les enjeux de cette élection sont cruciaux. Entre la mondialisation et les mutations que connaissent de nombreux pays d'Afrique aujourd'hui, l'OIF est à une période clé de son existence et le charisme d'Abdou Diouf sera difficile à égaler. Les 5 candidats au poste de Secrétaire général de l'organisation sont ainsi l'objet d'une attention d'autant plus particulière que les 57 chefs d'État qui décideront du résultat de cette élection semblent avoir chacun une idée bien spécifique du profil qu'ils souhaitent mettre à la tête de l'OIF.

Un secrétaire général non africain ? « Une défaite diplomatique africaine »

Des critères officiels existent, comme le fait de parler français, mais les recommandations officieuses sont nombreuses, et parfois contradictoires. Alors qu'une source proche de l'OIF évoque « quelqu'un qui soit à la fois secrétaire et général », un diplomate interrogé par l'AFP décrit son profil idéal : « un ancien chef d'État ayant "l'oreille" de ses anciens collègues ». Un portrait à l'opposé de celui que propose le Quai d'Orsay qui émettrait l'idée d'un « chanteur, écrivain, artiste, etc. » Finalement, une règle semble mettre tout le monde d'accord : le poste de secrétaire général de l'OIF doit rester une chasse gardée africaine. En effet, si aucune règle écrite n'interdit aux candidats non africains de se présenter, « un secrétaire général non africain pourrait être perçu comme une défaite diplomatique africaine. En plus, cela bouleverserait la géopolitique de l'institution » précise un diplomate africain.

La plupart des postes haut placés de l'Organisation internationale de la Francophonie sont aujourd'hui occupés par des personnes originaires de l'hémisphère nord. En parallèle, les 4 opérateurs de l'OIF - TV5 Monde, l'Agence universitaire de la francophonie, l'AIMF et l'Université Senghor d'Alexandrie - sont également gérés par un pays du Nord, la France. Réserver le poste de Secrétaire général à une personne originaire du Nord, alors même que l'Afrique regroupe une grande majorité des enjeux de l'OIF et qu'elle doit se sentir représentée par l'organisation, serait maladroit et surtout, mal interprété.

Dans ce contexte, la candidature de Michaëlle Jean, 27e gouverneure du Canada, pays majoritairement anglophone rappelons-le, paraît compliquée. Née à Port-au-Prince, en Haïti, elle vit au Canada depuis le début de ses études à l'Université et a été pendant 5 ans représentante de la reine d'Angleterre. Ses connaissances sur la Francophonie semblent limitées et il est fort probable que de nombreux pays africains opposent un véto à sa candidature. D'autant que l'administrateur de l'OIF, Clément Duhaime, reconnu pour ses performances, est lui aussi canadien. L'organisation peut difficilement avoir deux Canadiens au poste de secrétaire général et administrateur. La nomination de Michaëlle Jean à la tête de l'OIF signifierait donc probablement l'éviction d'un homme qui n'a rien demandé à personne et a montré à maintes reprises son talent pour exercer sa fonction.

Pierre Buyoya, le médiateur de l'Union africaine : un profil idéal ?

Michaëlle Jean n'est cependant pas la seule à voir son accession au poste de Secrétaire général de l'OIF entravée. Jean-Claude l'Estrac originaire de l'île Maurice et président de la Commission de l'océan indien se voit fréquemment reprocher son absence de notoriété dans la sphère diplomatique internationale. L'ancien ministre du Développement économique, de l'Industrie et des Affaires étrangères de l'île Maurice n'est en effet connu que dans l'océan indien, un défaut de taille pour un candidat qui axe sa campagne sur la mise en place de partenariats interentreprises. Pour Henri Lopes, écrivain congolais, c'est son âge qui pourrait faire pencher la balance du mauvais côté. L'homme de lettres a 78 ans et se présente au secrétariat général de l'OIF à chaque élection depuis sa création. Une persévérance louable certes, mais qui ne joue pas forcément en sa faveur. L'auteur est de plus pressenti pour la présidence du Conseil supérieur de la langue française, rattaché au premier ministre, Manuel Valls. Son avenir semble tout tracé.

Si les candidatures de Michaëlle Jean, Jean-Claude l'Estrac et Henri Lopes présentent le risque de ne pas aboutir, elles ont toujours plus de chances de réussite que celle d'Agustin Nze Fumu, incontestablement dernier de cette élection. Son pays, la Guinée Équatoriale ne pèse que très peu en terme démographique et le français y est très minoritaire. Il n'est de plus pas un grand exemple de paix et de démocratie, étant dirigé depuis 1979 par la même personne, Teodoro Obiang Nguema. Reste finalement l'ancien président du Burundi, Pierre Buyoya, dernier candidat, mais pas des moindres. L'ancien militaire a la taille exacte pour enfiler le costume de Secrétaire général de l'OIF. Africain, ancien chef d'État, mais également ancien militaire et désormais médiateur de l'Union africaine au Mali et dans le Sahel, si l'on réalisait un portrait-robot du successeur idéal d'Abdou Diouf en suivant les recommandations des diplomates et autres sources proches de l'OIF, Pierre Buyoya en serait à coup sûr le sosie.

En deux mandats à la tête du Burundi, il a réussi le coup de maître de ramener le calme entre Tutsis et Hutus - se mettant cependant à dos les extrémistes des deux camps - avant de céder pacifiquement le pouvoir à son vice-président en 2003 et de devenir président du Panel de haut niveau de l'OIF. Il connaît les chefs d'états africains ; il a été observateur pour plusieurs élections présidentielles sur le continent (Afrique du Sud, Guinée-Bissau, République Démocratique du Congo, Mauritanie, etc). Il concentre d'ailleurs un tiers de son programme pour le secrétariat général de l'OIF à la prévention et à la résolution pacifique des conflits. À l'heure où la majorité des pays africains est en sortie de crise ou gangrénée par le terrorisme, cet argument pourrait faire pencher la balance de son côté.

Si la vocation première de l'Organisation internationale de la Francophonie est de promouvoir la langue et la culture française, cette dernière développe de plus en plus sa dimension politique et choisir Pierre Buyoya comme Secrétaire général pourrait être une manière d'asseoir définitivement cette volonté de construire un espace politique francophone solide.

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