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Comment échapper à la dictature multiculturaliste?

Après avoir lu Kenneth Minogue, une question s'impose: comment échapper à la dictature multiculturaliste? Si l'on se base sur l'analyse du philospohe néo-zélandais, cela passe par la déculpabilisation occidentale et la séparation entre l'État et la doctrine multiculturelle. Reste à savoir si cela sera suffisant.
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Décédé le 28 juin dernier, Kenneth Minogue, professeur émérite du London School of Economics, originaire de Nouvelle-Zélande, est l'auteur de plusieurs livres sur la société libérale et le libéralisme. Conservateur dans la lignée de Michael Oakeshott, Minogue représentait une voix contre l'idéalisme et l'utopie politique qu'il voyait comme une menace pour la civilisation. Après son décès, c'est en faisant un peu de recherche sur Minogue, un philosophe politique oublié, même inconnu dans la francophonie, que je suis tombé sur une introduction qu'il avait écrite pour un livre de Patrick West, The Poverty of Multiculturalism, publié en 2006.

Minogue n'y va pas de main morte quand il définit le multiculturalisme comme étant une «doctrine qui impose une dictature de la vertu sur un peuple qui était libre jadis». La «dictature de la vertu» dont parle Minogue n'est pas sans nous rappeler une rectitude politique sans cesse grandissante qui règne dans nos médias mais aussi que les juges s'empressent de légiférer pour taire toute opposition. Avec une approche psychanalitique, Minogue apporte quelque chose qui manque crucialement dans le débat sur le multiculturalisme dans des pays comme le Royaume-Uni et le Canada, où existe un multiculturalisme officiel, mais aussi en France où le discours sur la «diversité» est influencé grandement par la doctrine multiculturelle.

Le philosophe explique comment cette doctrine vient du «cœur même de notre civilisation» alors que cette dernière se remet en question et se déconstruit dans un effort vain pour se purger de sa mauvaise conscience émanant des horreurs des deux grandes guerres du 20e siècle et de la contre-culture des années 60.

Certains y verront un triomphe de la tolérance occidentale, mais Minogue y voit plutôt une haine de soi même de notre civilisation:

«Le désir et l'empressement de l'establishment multiculturel à abandonner les coutumes britanniques démontrent à quel point le multiculturalisme émerge de la haine que nous avons de notre propre forme de vie que de l'affection que nous avons pour «l'autre». Aucune autre culture n'est aussi disposée à abandonner ses propres convictions avec la même insouciance et les raisons pour ceci semblent être profondément ancrées dans la nature même de notre civilisation. Ce qui explique ce phénomène en partie est aussi la facilité occidentale à s'ensorceler d'un idéalisme qui hait la réalité.»

Pour le philosophe néo-zélandais, le multiculturalisme fait donc partie des «idéologies antinomistes» qui, par définition, ne se justifient que par la croyance et la foi en sa propre vérité. Le puritanisme et le communisme sont des exemples de cette logique qui auto-justifie la «vérité» par la croyance et la «croyance par la vérité», comme l'indique Minogue.

Le résultat d'une telle autosuffisance idéologique du multiculturalisme est une «transcendance» du concept du bien et du mal par la création d'une «élite au cœur pur» qui elle, pourra «réformer» la société au point ou cette dernière pourra partager «l'idéal puritain» de l'élite multiculturel.

La création d'une «élite multiculturelle» nous ramène finalement à la dictature de la vertu, qui, pour Minogue, culmine dans le «mariage» entre la doctrine multiculturelle et l'état. L'État, perçu comme une «pieuvre aux tentacules» qui s'étendent à tous les aspects de la société a oblitéré la société civile du 19e siècle, alors qu'elle représentait «un réseau d'activités sociales qui étaient rendues possibles, car l'État se contentait de mettre en place une structure pour imposer la loi et l'ordre».

L'union entre la doctrine multiculturelle et l'État tentaculaire s'explique par «l'instrument de purification nationale» que fournit le multiculturalisme au «Big Government». Ce même État, qui aurait déjà réduit nos institutions comme l'éducation, les universités et la sante à un état de «dépendance impotente» aurait trouvé sa justification ultime avec la doctrine multiculturelle pour s'immiscer jusque dans nos esprits et nos sentiments d'appartenances ethnico-culturels.

L'État que décrit Minogue ressemble dangereusement à l'alliance médiévale entre une église guidant les esprits des croyants et du «bras séculier» de l'État comme étant l'extension de la doctrine de l'église. Si la doctrine multiculturel "guide les croyants" et cherche à convertir les infidèles, l'état s'empresse de faire loi le multiculturalisme et d'imposer cette doctrine et l'idéal multiculturel aux institutions qui sont déjà sous l'emprise de l'état.

L'idéal «impossible» que représente le multiculturalisme produit une «auto-flagellation» occidentale alors qu'on s'empresse de faire la chasse au «racisme» au nom de l'égalitarisme culturel absolu au travers de ses institutions. Minogue renchérit sur la psychologie de l'aspect inquisitoire de l'antiracisme au sein de la doctrine multiculturelle qui impose, encore une fois, un «sentiment de culpabilité» à ceux qui éprouve des sentiments contraires aux valeurs multiculturelles et qui transforme ces derniers en «indésirables» de la société multiculturelle et qui se doivent d'être réformés.

Quand vient le temps de définir le racisme, le multiculturalisme n'a donc pas besoin de préciser le concept comme tel, mais simplement d'utiliser l'émotion et l'emprise psychologique qu'il détient sur les esprits:

«L'emprise psychologique de la doctrine est renforcée par l'indifférence sinistre qu'on les gens ont à ne pas définir ce qu'est le "racisme". Toutes accusations de racisme semblent tenir. Mais est-ce un sentiment, une idée, une théorie, une politique sociale, une action ? Et peu importe ce que c'est, en quoi est-ce qu'ils se joignent entre eux ? Y a-t-il une différence entre le réflexe d'antipathie envers une culture, et la pratique de prendre d'assaut ceux qui y appartiennent ?»

Dans le contexte britannique, le multiculturalisme serait «tolérable» s'il ne faisait que «mobiliser la décence et la tolérance britannique» envers une immigration venant d'Afrique et d'Asie depuis les années 60 pour lesquelles «nous avons un devoir d'hospitalité». Mais la bureaucratie qui a été mise en place pour imposer la doctrine multiculturelle qui s'immisce dans nos vies «démontre que le multiculturalisme est quelque chose de différent de nos traditions historiques d'acceptation de l'autre qui s'est développé en Grande-Bretagne durant des centaines d'années».

Minogue conclut que l'alliance entre l'État et la doctrine multiculturelle aurait produit «une dictature de la vertu sans égal. (...) Ceci a créé une Grande-Bretagne avec un État corporatiste, dans lequel le gouvernement préside sur une série de corporations constituées des différentes catégories de la rectitude politique. Alors que le vote comme tel perd de valeur en Grande-Bretagne, la voix de ces corporations sont de plus en plus écoutés et leurs discours deviennent de plus en plus incontournable.»

Après avoir lu Kenneth Minogue, une question s'impose: comment échapper à cette dictature multiculturaliste? Si on doit se baser sur l'analyse de Minogue, une déculpabilisation occidentale et une séparation entre l'État et la doctrine multiculturelle semblent être en règle. Reste à savoir si cela sera suffisant.

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