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En souvenir de Jacques Vergès: le combat d'un homme pour la justice

Ce blogue est basé sur une entrevue avec Maitre Jacques Vergès, réalisée en février 2012 sur le sujet des 50 ans des accords d'Évian et de la fin de guerre d'Algérie.
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Cet article est basé sur une entrevue avec Maitre Jacques Vergès, réalisée en février 2012 sur le sujet des 50 ans des accords d'Évian et de la fin de guerre d'Algérie.

De Londres à Alger

Le 18 mars 2012 marquait les 50 ans des accords d'Évian. Plus d'un demi-siècle de décolonisation impose un bilan pour les anciennes colonies comme pour la métropole. Qui de mieux que Maître Jacques Vergès pour nous parler de cette période qui a tant marqué la France et l'Algérie?

Rares sont ceux qui ont combattu pour la France sous les Forces françaises libres à partir de Londres lors de la Deuxième Guerre mondiale pour ensuite être avocat de la défense pour les poseurs de bombes du Front de libération national (FLN) en pleine Guerre d'Algérie.

Là où certains pourraient voir une contradiction, se battre pour la France libre et défendre le FLN est complémentaire pour le célèbre avocat. En effet, la France possède un certain dualisme pour Jacques Vergès; «celle des droits de l'homme et celle du colonialisme», ce qui explique sa défense pour la France «de Monteil, Saint-Just, et de la commune» et son combat contre «la France de Bugeaud.» Après sa plaidoirie pour les poseuses de bombes en 1957, Maître Vergès mentionne avec un sourire qui trahit son admiration que «le général (de Gaulle) m'a assuré de son fidèle souvenir et il ne voyait pas de contradiction avec le combat mené sous ses ordres.»

Citer le général de Gaulle est opportun, car ce dernier et indéniablement lié au dénouement de la guerre d'Algérie. De Gaulle peut aussi servir de point de départ pour une analyse de la situation politique de l'époque. S'il est évident que Jacques Vergès tient le général de Gaulle en estime, on pourrait croire que l'ancien avocat de Klaus Barbie serait critique de la façon avec laquelle le premier président de la Ve République a géré les «évènements» en Algérie. Il en est tout autre.

Pour expliquer les actions de De Gaulle, Jacques Vergès utilise les mots du père fondateur de la Chine communiste et le président chinois de l'époque, Mao Zedong. Mao, au cours d'une rencontre avec la délégation algérienne, avait déclaré:

Il a un héritage et il veut le garder, c'est un réflexe normal. C'est un militaire donc il utilise l'armée. Il veut rendre un grand rôle à la France dans le monde et quitter le protectorat américain. La guerre d'Algérie est donc un boulet pour lui et l'empêche d'agir, de sorte que si vous lui tenez tête politiquement, il vous accordera l'indépendance.

Cette analyse de Mao, qualifiée de «lucide» par l'avocat parisien, explique simplement et clairement une situation qui enflammait les esprits à l'époque et qui, encore aujourd'hui, ne laisse personne indifférent.

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50 ans après, quel bilan pour l'Algérie?

Jacques Vergès n'est pas étranger à l'Algérie. Non seulement il possède sa nationalité algérienne, mais Jacques Vergès fut aussi chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères algérien en plus d'obtenir sa nationalité algérienne, sans oublier qu'il avait épousé son ancienne cliente graciée de la peine de mort, Djamila Bouhired, avec qui il a eu deux enfants.

Malgré ses liens avec l'ancienne colonie française et sa connaissance de l'Algérie, en particulier la guerre et la période suivant l'indépendance, l'ancien avocat du FLN se refuse toute critique ou analyse de l'Algérie depuis son indépendance acquise en juillet 1962. Fumant son cigare cubain, résultat de sa rencontre avec le révolutionnaire cubain Che Guevara, Jacques Vergès déclare: «Alors qu'ils se battaient pour l'indépendance, je croyais le combat des Algériens juste.» Maître Vergès reconnaît que l'Algérie a «des problèmes liés à l'indépendance», mais il refuse de «critiquer et de juger de loin les autres, comme certains le font en Europe. Avec leur pays, ils font ce qu'ils veulent.» La notion de souveraineté semble donc primordiale et justifie en elle-même l'indépendance pour Jacques Vergès.

Et la métropole ?

Si un bilan des 50 ans d'indépendance algérienne s'impose, cette même période demande le même exercice pour la métropole.

S'il croyait dans la cause algérienne, Jacques Vergès croyait non seulement qu'il la défendait, mais qu'il «servait aussi les intérêts de la France, car elle n'avait pas à s'enliser en Afrique du Nord comme au Vietnam.» Les accords d'Évian ne sont bien sûr qu'une phase de cette période de l'histoire qui a été marquée par la décolonisation, ce qui, d'après Jacques Vergès, a été fait par étape.

La première étape s'est terminé avec Diên Biên Phu «et à la perte d'influence complète de la France dans cette région», alors «qu'en Afrique, la paix d'Évian était une très bonne chose, on n'a qu'à voir comment le général de Gaulle était populaire dans ces pays et comment Chirac a été accueilli à Bab El Oued.»

Le colonialisme officiel n'est plus, mais une certaine forme de néocolonialisme est toujours présente alors «qu'il y a un retour du colonialisme qui est pernicieux pour le prestige de la France» ajoute Jacques Vergès. Certains peuvent débattre de l'usage du terme "néocolonialisme", mais les ingérences françaises récentes en Libye et en Côte d'Ivoire sont pour Jacques Vergès des exemples flagrants de néocolonialismes et d'ingérence.

Le général de Gaulle, qui représente «la bonne conscience occidentale» d'après Jacques Vergès, reconnaissait tous les états et pratiquait la non-ingérence alors que son «héritage positif est en train d'être saboté» par une classe politique que Jacques Vergès voit comme représentant un déclin politique et intellectuel.

Comment imaginer un futur commun

La décolonisation a été une période difficile non seulement pour la France, mais pour l'occident tout entier. La conscience occidentale et celle des peuples des anciennes colonies en sont toujours imprégnées. Il est donc impératif de s'assurer que le dialogue entourant la révolution algérienne ne soit pas instrumentalisé par un camp ou un autre dans le but de polariser et diviser les deux pays et les deux peuples qui malgré leurs différences, partagent une histoire commune et devront donc construire un futur commun.

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