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Défilé de la Saint-Jean ou chronique d'une controverse annoncée

La (fausse) controverse entourant la parade de la fête nationale n'est donc qu'un spasme d'une société en fin de parcours, enfermée dans une idéologie d'autoflagellation et un climat intellectuel qui souhaite sa fin.
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« Durant des années, nous fûmes incapables de parler d'autre chose. »

Chronique d'une mort annoncée, Gabriel Garcia Marquez.

Dans sa nouvelle, l'auteur colombien Gabriel Garcia Marquez dépeint un village où tous savent que le pauvre Santiago Nasar sera assassiné, mais où personne n'ose croire à la fatalité de la chose. À l'instar du village sud-américain de Garcia Marquez, nous savions tous au Québec, sans vouloir nous l'avouer, que la Saint-Jean, ou du moins un événement lié à l'identité québécoise serviraient à nourrir une controverse autour de l'omniprésence du « racisme » au Québec.

Le Québec, tout comme le reste de l'Occident d'ailleurs, est entré dans une ère idéologique qui est constituée de façon à enligner les controverses fabriquées en rapport aux questions de racismes et de diversité. La (fausse) controverse entourant la parade de la fête nationale n'est donc qu'un spasme d'une société en fin de parcours, enfermée dans une idéologie d'autoflagellation et un climat intellectuel qui souhaite sa fin.

On ne peut comprendre la réaction en chaine causée par quelques images hors contexte sans prendre en compte le climat idéologique dominant dans lequel nous sommes, qui veut que celui qui ne crie pas au racisme systématiquement dès que l'occasion se présente, peu importe la validité d'une telle accusation, se retrouve malgré lui du côté des « racistes ».

Il ne fallait donc pas s'étonner que quelques joueurs de football noirs filmés incognito par un voyeur qui pouvait sentir venir la gloire « virale » de son vidéo sur les médias sociaux aient provoqué une telle réaction de masse avant même que les chars de la parade fussent déconstruits et que les citoyens soient rentrés chez eux.

Le scénario était écrit d'avance. Quelqu'un, quelque part, en particulier sur les médias sociaux, ce qui serait repris par la suite par les médias traditionnels, critiquerait la fête des Canadiens français pour avoir l'audace de célébrer les Canadiens français.

Le scénario était écrit d'avance. Quelqu'un, quelque part, en particulier sur les médias sociaux, ce qui serait repris par la suite par les médias traditionnels, critiquerait la fête des Canadiens français pour avoir l'audace de célébrer les Canadiens français. Cela provoquerait un effet boule de neige par tous ceux qui s'empresseraient de démontrer qu'ils sont du côté du Bien en dénonçant sans appel le « racisme » et le « manque de diversité ».

Comme une lecture des messages sur les médias sociaux l'indique, tous ceux qui n'attendent que le soupçon d'un événement qui pourrait, peut-être, potentiellement, possiblement, dépeindre les Québécois comme des ethnonationalistes, des fascistes (ajouter toute autre insulte à la mode la plus dépourvue de sens ici) ont laissé libre cours à leur propre haine viscérale envers le Québec sans s'en excuser, voir en se félicitant de leur ouverture d'esprit.

Pour prédire la réaction pavlovienne suscitée par la controverse de la parade de la Saint-Jean, il s'agissait de se rappeler de la haine déversée par les médias et réseaux sociaux s'exprimant dans la langue de Chaucer, sans oublier une frange importante de leurs congénères francophones, lors de l'élection provinciale de 2012, du tollé construit de toute pièce lors du « pastagate » ou bien encore l'indignation des gens de bonne conscience provoquée par la production d'un vidéo promotionnel « trop blanc » pour célébrer le 375e anniversaire de la Ville de Montréal cette année. Si les circonstances changent, le langage utilisé reste le même pour cracher sur le Québec.

Les voix raisonnables furent rares. Radio-Canada produit un reportage qui forçait les meutes des médias sociaux à mettre les choses dans leur contexte, donc que la parade était composée de plus que l'unique char qu'on puisse voir dans le vidéo viral et la population du Québec était plutôt bien représentée au sein de la parade. L'entraineur de l'équipe de football de l'école Louis-Joseph Papineau était le seul qui faisait preuve de calme et de sagesse alors qu'il regrettait qu'on ait « vu une couleur » au lieu de voir « des participants » qui prenaient place à la parade en tant que Québécois et non en tant que représentants ethniques.

Malgré tout, l'entraineur de l'école Louis-Joseph Papineau et le comité organisateur ne pouvaient espérer renverser les courants idéologiques dominants de notre époque à eux seuls. Maxime Laporte, président du comité, pouvait bien se défendre d'avoir organisé un défilé « qui n'a jamais autant représenté dignement la diversité québécoise » et souligner qu'il serait impensable que les organisateurs aient planifié consciemment d'utiliser de jeunes noirs comme des esclaves, il lui sera toujours impossible de laver la marque de Caïn qu'impose d'être l'organisateur d'un événement célébrant l'identité d'un peuple majoritairement « blanc » (et historiquement catholique ?) et qui résiste un tant soit peu à son assimilation à la mondialisation.

L'entraineur Sterve Lubin et ses joueurs pouvaient se dire Québécois, tout simplement et tout bonnement, ce qui est d'une logique implacable le jour de la Saint-Jean de surcroit, mais c'était de nier l'obsession de la race qui anime l'antiracisme idéologique qui ramène le concept de « race » incessamment de l'avant, faisant de Lubin et de ses joueurs des objets d'une obsession idéologique au lieu d'êtres indépendants qui possèdent leur volonté propre et représentent leur propre personne au sein d'un ensemble collectif avant tout.

La fatalité, un concept central de Garcia Marquez, au Québec, sera celui d'un futur plus rapproché qu'on ose le croire, où les citoyens du Québec devront choisir entre se dire « Québécois » et donc « raciste », alors que les deux termes deviendront synonymes (s'ils ne le sont pas déjà) ou bien ils devront nier tout enracinement et toute identité distincte pour se diluer dans les masses postmodernes. Les jours de la Saint-Jean, comme son caractère religieux d'antan, sont comptés.

L'épisode de la controverse autour de la diversité lors de la parade de la Saint-Jean sera vite oublié et remplacé par une autre controverse aussi farfelue et ainsi de suite. Au sein d'une époque qui se nourrit à la mauvaise conscience occidentale et à la pénitence, notre angoisse collective face à la fatalité au grès des controverses sera la seule chose qui restera permanente.

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Avril 2018

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