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Comprendre le terrorisme avec Clausewitz

Carl von Clausewitz était un officier prussien durant les guerres napoléoniennes et il fut peut-être le plus grand théoricien de la guerre. Il décrit la stratégie comme les moyens employés et jugés nécessaires pour atteindre un objectif. Objectif qui est déterminé par la politique d'un pays ou d'un groupe quelconque. En suivant Clausewitz, on peut en déduire que le terrorisme est un moyen utilisé pour accomplir un objectif particulier qui lui a été défini par des acteurs politiques.
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FILE - In this Saturday, March 17, 2012 file photo, Syrian security officers gather in front the damaged building of the aviation intelligence department, which was attacked by one of two explosions in Damascus, Syria. A new al-Qaida-style group claimed Wednesday, March 21, 2012 that it carried out the double suicide bombing that killed dozens. Foreign Islamic militants fighting Syria's regime pose a dilemma for the country's rebels, and nothing typifies the problem more than Jabhat al-Nusra, a shadowy group of veterans of jihad in Iraq, Libya and elsewhere. Some rebels worry the group is too radical, using al-Qaida-style tactics of suicide bombings. (AP Photo/Bassem Tellawi, File)
File/AP
FILE - In this Saturday, March 17, 2012 file photo, Syrian security officers gather in front the damaged building of the aviation intelligence department, which was attacked by one of two explosions in Damascus, Syria. A new al-Qaida-style group claimed Wednesday, March 21, 2012 that it carried out the double suicide bombing that killed dozens. Foreign Islamic militants fighting Syria's regime pose a dilemma for the country's rebels, and nothing typifies the problem more than Jabhat al-Nusra, a shadowy group of veterans of jihad in Iraq, Libya and elsewhere. Some rebels worry the group is too radical, using al-Qaida-style tactics of suicide bombings. (AP Photo/Bassem Tellawi, File)

Les cendres ne sont pas retombées et les débris jonchent encore les rues de cette ville historique qu'est Boston, sans parler de la douleur des victimes et de leurs proches qui ne fait que commencer. Déjà plusieurs se posent la question: comment et pourquoi un tel geste?

Notre réaction initiale est souvent de se demander comment une personne saine d'esprit peut faire quelque chose d'aussi horrible - s'attaquer à des civils innocents - et, du coup, instaurer un climat de peur et de paranoïa qui affecte la société en entier.

Malgré nos pulsions à ne voir que violence et destruction sans but, le terrorisme n'est pourtant pas aléatoire et il n'est pas non plus purement qu'une tuerie sans distinction entre les innocents et les coupables d'un crime qui n'est pas en premier lieu.

Carl von Clausewitz (1780-1831) était un officier prussien durant les guerres napoléoniennes et il fut peut-être le plus grand théoricien de la guerre. Il décrit la stratégie comme les moyens employés et jugés nécessaires pour atteindre un objectif. Objectif qui est déterminé par la politique d'un pays ou d'un groupe quelconque.

En suivant Clausewitz, on peut en déduire que le terrorisme est un moyen utilisé pour accomplir un objectif particulier qui lui a été défini par des acteurs politiques. C'est ce qu'on appelle donc de la stratégie: faire le lien entre les moyens et l'objectif politique peut prendre place soit au niveau national, au niveau géostratégique international ou, comme on le constate, au niveau même de groupes terroristes de tout genre.

La définition de la stratégie nous aide donc à comprendre des attentats comme ceux d'Oklahoma City en 1995, les attaques dans le métro de Londres le 7 juillet 2005, le 11 septembre 2001 à New York et à Washington, les campagnes de l'Armée républicaine irlandaise (IRA) durant les années 70, 80 et 90 et bien sûr la Crise d'octobre et le Front de Libération du Québec en 1970, ainsi que les nombreux autres attentats commis par le FLQ.

Le billet de Philippe Labrecque se poursuit après la galerie

Qu'est-ce que ces attaques ont toutes en commun? Elles ont une motivation politique derrière leurs actions. Elles ne sont pas gratuites. Elles ne sont pas que violence, mais elles sont aussi un langage, une monnaie d'échange, un moyen de faire pression pour obtenir quelque chose d'un gouvernement ou d'une institution. À travers le prisme de Clausewitz, on peut faire le lien entre les moyens employés - le terrorisme - et leurs objectifs.

Le FLQ se croyait un groupe révolutionnaire combattant une force coloniale et pensait obtenir l'indépendance du Québec par les armes. Al-Qaïda voulait (et veut toujours) unifier le monde musulman et ramener le Califat et croit pour cela devoir utiliser une stratégie de conflit avec l'occident qui divisera le monde entre la civilisation occidentale et musulmane, cette dernière s'étant débarrassée de ces dictateurs soutenus par l'occident.

Al-Qaïda démontre d'ailleurs comment le terrorisme n'est qu'une tactique, sans être une fin n'en soi, car cette dernière n'utilise pas que le terrorisme en sol occidental, mais aussi la guérilla contre les forces américaines en Iraq et en Afghanistan ou encore contre les forces armées syriennes plongées en pleine guerre civile . Les moyens changent, mais l'objectif politique d'Al-Qaïda de réinstaurer le Califat et d'imposer une certaine forme de théocratie reste les mêmes.

McVeigh et Nichols se sont pour leur part attaqués à un édifice fédéral à Oklahoma City, car ils croyaient (McVeigh a depuis été exécuté ) que le gouvernement américain mettait ses propres citoyens en danger et qu'ils se devaient de protéger ces mêmes citoyens américains. L'IRA voulait obtenir gain de cause dans sa dispute de très longue date en Irlande du Nord dans un conflit complexe.

Ces mouvements politiques qui ont fait usage du terrorisme n'ont pas réussi à obtenir tous les gains politiques et stratégiques qu'ils espéraient, ce qui démontre non seulement la difficulté de transformer une attaque terroriste - un acte au niveau tactique - en gain au niveau stratégique. Clausewitz pourrait expliquer le problème majeur du terrorisme comme étant des moyens insuffisants, donc inadéquats, pour atteindre les objectifs politiques choisis par les leaders de chaque groupe.

On parlera surement dans les prochains jours de ceux qui ont perpétré l'attaque, mais il faudra alors faire la distinction entre le terroriste et le terrorisme. Si le terroriste - l'individu même qui commet l'attentat - peut parfois être radicalisé idéologiquement et peut juger son geste comme étant sacré ou relié à une cause moralement supérieure, il n'en demeure pas moins que le terrorisme n'est qu'une tactique au service d'une stratégie et qu'il n'est ni «divin» en soi ou moralement supérieur. Même si cela peut nous paraître évident, ce n'est pas le cas pour tous. Cette tactique ne fait que servir un agenda politique et des objectifs bien précis.

Le terrorisme n'est pas une tactique qui peut désarmer l'ennemi et forcer une reddition dans la majorité, voire la totalité des cas. Le terrorisme ne se cantonne pas à l'acte de violence lui-même, mais exerce une violence psychologique provoquée par les images d'un attentat au sein de la population ciblée.

Voilà pourquoi le terrorisme est une tactique imprévisible au regard de ses résultats spécifiques, car nous avons toujours la possibilité de ne pas céder à la terreur qu'il cherche à provoquer. Le terrorisme fait effet sur l'esprit de l'homme. Une force armée moderne peut bien sûr faire la même chose, mais son but premier est de détruire les forces armées ennemies. Elle utilise donc une tactique complètement différente.

Pour ce qui est de l'attentat de Boston, il reste à voir qui revendiquera l'attentat et pour quelle raison. Mais une chose est sûre: ce ne sera pas un geste gratuit, mais bien calculé pour servir une stratégie qui à des ambitions politiques, comme nous le dit Clausewitz.

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