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Il reste à déterminer si nous le regarderons dans les yeux avec courage ou si nous abaisserons le regard, terrorisés.
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L'ennemi nous a choisis et il reste à déterminer si nous le regarderons dans les yeux avec courage ou si nous abaisserons le regard, terrorisés. Plusieurs diront qu'on ne devrait pas réduire l'analyse des évènements à la dichotomie du «eux» contre «nous», que l'amalgame nous guette, ce péché ultime de notre époque. Mais voilà que les attaques contre Paris et la France ramènent soudainement les questions qui définissent un peuple: qui sont ceux qui forment le «nous», et qui sont ceux qui forment l'ennemi?

Cette question la plus fondamentale que tous les peuples et toutes les nations ont toujours eu la sagesse et l'intelligence de se poser, l'Occident d'aujourd'hui a cru bon de l'ignorer depuis quelques décennies.

Depuis la chute du mur de Berlin, notre civilisation a naïvement cru que l'Histoire, inévitablement constituée des antagonismes entre les hommes, avait pris fin pour laisser la place au triomphe de la démocratie et du libéralisme, et que l'humanité entière attendait impatiemment d'être incorporée dans cette paix perpétuelle. Alors que les morts s'empilent dans les rues de Paris, de Beyrouth et bientôt d'autres villes, il devient difficile de continuer à croire à cette paix qui n'a jamais réellement été.

Un attentat à la fois, l'illusion pacifique implose et l'ennemi ne se gêne pas pour aboyer et mordre à plusieurs reprises. Graduellement, l'Occident retrouve un certain réalisme politique et se rappelle qu'il n'est pas immortel, qu'il peut bel et bien disparaître, et que la guerre peut toujours surgir en son sol. Un tel constat impose un redressement de la pensée occidentale contemporaine marquée par le refus du réel et l'infantilisation de notre pensée collective.

Ce refus du réel et cette infantilisation de la pensée prendront la forme dans les jours qui suivront de discours nous avertissant des «dangers» d'une montée de l'«islamophobie», comme si la conséquence la plus grave du terrorisme islamique était le manque de civilité envers les citoyens musulmans. Cela reflète une façon détournée et lâche de ne pas reconnaître et faire face à l'ennemi, de ne pas prendre position. Les Kurdes, les chiites et certains sunnites d'Iraq et de Syrie n'ont pas le luxe de croire bêtement que les dangers posés par l'État islamique soient ceux de l'«islamophobie», car ils doivent combattre l'EI ou mourir. Une certaine maturité est imposée aux peuples qui subissent la guerre.

L'infantilisation de notre pensée collective prendra la forme sur les réseaux sociaux de posts «Je suis Paris», ou tout autre image ou gadget dénué de sens. Il ne faudra pas croire que cette réaction narcissique est psychologiquement adéquate, car au même moment, les plus courageux chez l'ennemi seront en train de s'armer ou de rejoindre la guerre sainte et le califat. Il ne faudra pas croire non plus que ces attaques sont des événements isolés, que les attaquants n'ont pas de sympathisants chez nous, qu'ils ne sont que des illuminés, des sauvages qui «détestent nos libertés». Au contraire, ils ont choisi leur camp en assumant toutes les conséquences que cela implique, la mort y comprise. Qui, en Occident, serait encore prêt au même sacrifice en défense de sa nation est une question qui crée un malaise assourdissant.

Inverser cette infantilisation sera de prendre conscience que l'ennemi nous a déclaré la guerre et que cette dernière ne prendra pas fin avec des marches symboliques qui finissent toujours par être récupérées par l'appareil politique.

D'ailleurs, il ne faudrait pas espérer grand-chose de la classe politique, celle-là même qui a laissé l'islamisme s'incruster et nous paralyser de l'intérieur depuis des années. Il faudra aussi cesser de se perdre lâchement dans les détails des tactiques et logistiques terroristes, pour finalement comprendre que le conflit dans lequel nous sommes n'en est pas un dont nous pouvons nous protéger que par les services de renseignements et les forces de l'ordre.

L'Occident se devra de revenir à l'âge adulte et de cesser de croire que tous les peuples souhaitent la paix. Il faudra cesser de croire que notre puissance n'est que la somme de nos forces armées technologiquement supérieures.

La puissance d'un peuple vient du courage et du sacrifice des individus qui y donnent forme. Mon pessimisme me pousse à croire que nous resterons dans cette enfance civilisationnelle que nous avons créée pour nous-mêmes, tout en refusant de nous ressaisir, de réincorporer le réel, et d'accepter les responsabilités qui nous imputent. J'ose espérer d'avoir tort.

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