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Wall Street, l'économie et l'élection aux États-Unis

Les excès et la cupidité du secteur financier ont grandement contribué à l'émergence de candidats atypiques comme Bernie Sanders et Donald Trump et ont accentué le ressentiment de la population envers les élites économiques.
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Depuis la fin des primaires, la campagne présidentielle semble vidée de sa substance et se limite souvent aux attaques personnelles. Pourtant, l'économie demeure la préoccupation principale de l'électorat. Les Américains n'ont pas oublié que Wall Street était directement responsable pour la crise financière de 2007-2008, pour des millions de pertes d'emplois, de saisies, d'expulsions et de pertes matérielles en tout genre.

Les excès et la cupidité du secteur financier ont grandement contribué à l'émergence de candidats atypiques comme Bernie Sanders et Donald Trump et ont accentué le ressentiment de la population envers les élites économiques.

Même si la « reprise » post-crise aux États-Unis a propulsé les bourses à des niveaux record, et que le taux de chômage oscille maintenant autour du 5%, 81% des Américains ont vu leurs revenus stagner ou diminuer depuis 2009, en plus de voir leur sécurité d'emploi s'évaporer, leurs dettes augmenter et leurs avantages sociaux diminuer. À l'inverse, en 2015, le 1% le plus riche cumulait 22% du revenu des ménages, comparé à 10% en 1980. Si la diminution du chômage a entraîné des gains modestes pour la classe moyenne, elle n'a pas relancé la consommation de manière significative et n'a pas réussi à redynamiser l'économie, qui croît en moyenne de 1,4% par année depuis 2008, bien en deçà du 3 ou 4% espéré.

Dans le contexte d'une concurrence mondiale sans précédent, d'une baisse générale du revenu disponible pour les particuliers, d'une automation toujours plus étendue et d'investissements anémiques dans le secteur corporatif, rien ne permet de croire à une reprise vigoureuse de l'économie américaine à court ou moyen terme.

«Selon un sondage du New York Times en 2014, 61% des Américains disaient ne pas faire confiance aux banquiers de Wall Street»

Depuis le début des années 1980, époque à laquelle on a favorisé la renaissance du secteur financier en relâchant la réglementation, la finance exerce une influence économique et politique de plus en plus importante aux États-Unis. La promesse initiale que les sommes astronomiques qui changent de mains sur les marchés boursiers ou lors de transactions majeures allaient éventuellement ruisseler jusqu'aux citoyens ordinaires et engendrer une richesse collective ne s'est pas réalisée. Dans le sillage de la crise financière, la monopolisation des recettes par une infime minorité, l'éthos des bénéfices à très court terme et les fraudes répétées ont plombé Wall Street dans l'estime populaire.

En effet, selon un sondage du New York Times en 2014, 61% des Américains disaient ne pas faire confiance aux banquiers de Wall Street. Cette hostilité a été alimentée par plusieurs productions culturelles (films, documentaires, etc.) qui ont fait état de la corruption et de l'avidité du secteur bancaire et aussi par plusieurs manifestations et mouvements comme Occupy Wall Street. L'ascension de Bernie Sanders, qui n'a cessé de qualifier les représentants de Wall Street de « criminels » et de « prédateurs » durant les primaires, n'est certainement pas étrangère à cette perception collective.

Donald Trump et Hillary Clinton ont aussi critiqué le milieu financier à nombreuses reprises. Si le programme économique de Trump semble a priori plus favorable aux mieux nantis, notamment par l'entremise d'un allègement fiscal pour les entreprises et les plus fortunés, Wall Street est généralement effrayée par son tempérament et ses penchants nationalistes et protectionnistes.

Malgré son appropriation du discours de Sanders lors de son investiture, Clinton bénéficie du soutien quasi indéfectible de Wall Street. Encore une fois, la proximité apparente entre la candidate démocrate et l'un des principaux boucs émissaires du moment, n'aide pas sa cause, particulièrement auprès des jeunes (les fameux « millennials ») qui ont lui ont largement préféré Sanders.

Wells Fargo

La semaine dernière, Wall Street s'est invitée dans la campagne. Wells Fargo, la troisième banque en importance aux États-Unis, a été condamnée par le bureau américain de protection des consommateurs (CFPB) à verser une amende de $185 millions. Depuis 2011, des conseillers financiers de la banque ont ouvert plus de 2 millions de comptes bancaires à l'insu de leurs clients. Wells Fargo aurait perçu des frais sur ces comptes et versé des primes et des bonus à 5300 employés (qui viennent d'être licenciés), supposément partie prenante de cette gigantesque fraude.

Au moment où Élizabeth Warren, figure emblématique de la gauche démocrate, se prépare à interroger Wells Fargo mardi en comité sénatorial, les candidats devront éventuellement aborder cet enjeu d'ici au 8 novembre.

Dans le contexte d'une faible croissance économique, et face à la forte probabilité que le Congrès (et peut-être même le nouveau président) s'oppose à toute augmentation des impôts ainsi qu'à toute tentative de règlementer Wall Street et réduire les inégalités, on peut déjà prévoir que la gauche américaine et le populisme anti-establishment de droite vont poursuivre sur leur lancée après l'élection.

Le puissant Senate Banking Committee a convoqué une audience sur l'affaire Wells Fargo pour le 20 septembre. Une confrontation épique entre le président de Wells Fargo et la redoutable sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren est à prévoir. Spécialiste de la finance qui a joué un rôle important dans la supervision du plan de sauvetage des banques de $700 milliards, farouchement opposée au PTT, véritable bête noire de Wall Street, membre influente et populaire de la gauche démocrate, Warren est le cerveau de la création du CFPB en 2011 (dans le cadre de la loi Dodd-Franks), et est appelé a jouer un rôle de premier plan dans les prochaines années, soit comme leader de l'opposition contre Donald Trump, ou comme chien de garde pour le programme démocrate inspiré par Bernie Sanders. Warren a qualifié l'affaire Well Fargo de «fraude colossale (staggering)», tandis que Clinton a dénoncé le comportement «outrageux». Donald Trump, qui a promis d'abolir le CFPB s'il est élu, s'est abstenu de tout commentaire jusqu'à maintenant.

«Malgré ses déclarations anti-Wall Street, le programme économique de Trump est nettement plus favorable pour les plus nantis»

Malgré ses liens étroits avec Wall Street, et se sentant talonné par Sanders, Hillary Clinton a elle aussi enfourché le cheval de bataille: «On ne peut jamais permettre à Wall Street de menacer "main street" de nouveau, et je vais me battre pour une réglementation plus forte, a-t-elle promis (14 avril, 2016). Elle a aussi dénoncé le peu d'impôts payés par les gestionnaires d'hedge funds, qui paient moins d'impôts que les infirmières et les camionneurs.

Malgré ses déclarations anti-Wall Street, le programme économique de Trump est nettement plus favorable pour les plus nantis, y compris des baisses d'impôts pour les entreprises et les particuliers, l'abolition de la taxe sur les successions, et l'abrogation de Dodd Frank, cette loi bipartisane adoptée par le Congrès pour tenter de réglementer les banques, afin d'éviter une nouvelle crise financière.

Hillary Clinton, de son côté, a promis de renforcer la réglementation, y compris Dodd-Frank, de faire un enforcement plus musclé de la réglementation (poursuites criminelles), d'augmenter les impôts des plus nantis et d'éliminer les échappatoires/déductions fiscales qui permettent à un grand nombre d'acteurs du monde financier de payer des impôts dérisoires. De prime abord, Donald Trump, le milliardaire new-yorkais de l'immobilier, devrait susciter l'enthousiasme de Wall Street.

Pourtant, à quelques exceptions près, Wall Street appuie massivement l'élection de Hillary Clinton. Ces appuis se traduisent par des contributions importantes au financement de la campagne de Hillary Clinton et des super-Pacs qui font sa promotion, mais aussi par la participation active de plusieurs dirigeants financiers qui - fait inusité - n'ont pas hésité à endosser la candidature de Clinton sur la place publique. Alors que la candidate du Parti démocrate (et ex-sénateur de l'État de New York) est considérée comme une alliée de Wall Street, ou à tout le moins prête à discuter, l'imprévisible Donald Trump n'inspire pas confiance, et son élection susciterait de fortes inquiétudes sur les marchés. Son opposition au libre-échange et sa désinvolture face aux grands problèmes internationaux font peur.

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