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Le cul-de-sac politique de Donald Trump

Une chose semble certaine, la tentative de réformer la santé n’aidera pas le taux d’approbation du président.
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Dans les faits, les réformes de la santé et de la fiscalité envisagées par l’administration actuelle constitueraient le plus grand transfert de richesses des plus pauvres vers les plus riches dans l’histoire des États-Unis.
Yuri Gripas / Reuters
Dans les faits, les réformes de la santé et de la fiscalité envisagées par l’administration actuelle constitueraient le plus grand transfert de richesses des plus pauvres vers les plus riches dans l’histoire des États-Unis.

Alors que tous les yeux sont tournés vers les multiples enquêtes sur les liens entre l'administration Trump et la Russie, les républicains travaillent discrètement à éliminer et remplacer le Affordable Care Act (ACA) ou Obamacare. À la suite de l'accueil pour le moins tiède du projet de loi déposé par la Chambre des représentants en mai dernier, les sénateurs républicains s'efforcent d'adoucir la législation, qui risque de laisser environ 23 millions de personnes sans couverture santé.

Jusqu'ici, la conception de ce projet de loi s'est faite dans le plus grand secret. Seuls 13 sénateurs, tous des hommes, ont participé aux discussions et il n'y a eu aucune audience, comparée aux 100 audiences au Sénat et aux 161 amendements républicains pendant la mise en place du ACA. L'ébauche du projet de loi, diffusée publiquement le 22 juin, devrait passer au vote vers la fin de la semaine prochaine, ce qui laisse très peu de temps pour la délibération.

Cette ébauche montre une volonté de rallier les modérés en conservant une partie du ACA, notamment le maintien des protections pour les individus qui ont déjà des problèmes de santé et des subventions aux assureurs qui desservent les patients à faibles revenus. Mais elle tente surtout d'amadouer les conservateurs en coupant dans le budget du Medicaid, l'un des programmes gouvernementaux les plus imposants et les plus coûteux, en éliminant presque toutes les taxes liées au ACA. La loi pourrait du même coup éliminer les subventions au Planned Parenthood, un programme financé par le gouvernement fédéral dédié à la santé des femmes (incluant l'avortement et la contraception).

La stratégie des républicains pour éviter un ressac immédiat est d'amortir l'abrogation et le remplacement de l'ACA sur 7 ans. En parallèle, le Congressional Budget Office (CBO), qui calcule les coûts associés aux différents projets de loi, estime que la première version de la loi réduirait le financement du programme Medicaid de 880 milliards sur dix ans. De telles coupures auraient des effets dévastateurs sur les 74 millions d'Américains, dont des parents à faible revenu, des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, qui dépendent du programme. Certains croient que cela marquerait le début de la fin pour l'un des programmes phares de l'ère Kennedy-Johnson.

Dans les faits, les réformes de la santé et de la fiscalité envisagées par l'administration actuelle constitueraient le plus grand transfert de richesses des plus pauvres vers les plus riches dans l'histoire des États-Unis.

La raison derrière ces coupures est simple; il faut contrebalancer les baisses d'impôt promises par Donald Trump. Dans les faits, les réformes de la santé et de la fiscalité envisagées par l'administration actuelle constitueraient le plus grand transfert de richesses des plus pauvres vers les plus riches dans l'histoire des États-Unis. Ces mesures ne manqueraient pas d'accroitre les inégalités de façon marquée, un enjeu pourtant très sensible aux États-Unis, comme l'a rappelé Obama lors de son récent passage à Montréal. Les plus cyniques croiront que les républicains sont prêts à prendre un tel risque parce que les Américains les plus démunis ne votent pas.

Une chose est sûre, les discussions vont être très animées au Sénat dans les prochains jours. À l'écriture de ces lignes, 5 sénateurs disaient vouloir voter contre le projet de loi. Pour certains, cette stratégie ne serait que du bluff, et les sénateurs de la droite dure comme Ted Cruz et Rand Paul seraient plutôt satisfaits de la loi. En revanche, les choses pourraient se compliquer à la suite de la publication du rapport du CBO en début de semaine. Rappelons que les républicains détiennent une majorité étroite au Sénat (52-48) et qu'ils ne peuvent se permettre de perdre plus de deux votes. Dans l'éventualité où le Sénat approuve la nouvelle version de la loi, celle-ci devra repasser par la Chambre, donc c'est bien loin d'être gagné.

Depuis 2010, les républicains tentent désespérément de torpiller Obamacare et répètent que la loi est un « désastre ». En parallèle à leurs démarches pour abroger et remplacer Obamacare pour de bon, les républicains vont sans doute continuer de saboter le programme en laissant plâner le doute quant aux subventions fédérales. C'est cette incertitude qui a poussé Anthem, une grande compagnie d'assurances, à se retirer récemment des marchés dans l'Indiana et le Wisconsin. Cette tactique pourrait facilement porter l'administration Trump à blâmer Barack Obama pour la débâcle.

Quoiqu'ils décident, les républicains se retrouvent dans un cul-de-sac. S'ils ne réussissent pas à faire adopter la loi, ils briseront leur promesse d'abroger Obamacare tout en faisant baisser les coûts de l'assurance maladie et en élargissant la couverture. Si la loi est adoptée, le fait de priver des millions d'Américains de couverture santé entrainerait des coûts politiques importants. Rappelons que le projet de loi est extrêmement impopulaire auprès de l'électorat. Moins de 20% des Américains sont favorables à la première mouture de la loi et Donald Trump lui-même l'a qualifiée de « méchante ». Ironiquement, Obamacare n'a jamais été aussi populaire qu'aujourd'hui (taux d'approbation d'environ 50%).

Déjà aux prises avec les multiples enquêtes sur les liens avec la Russie, l'administration Trump pourrait bien se passer d'un autre boulet à trainer. Une chose semble certaine, la tentative de réformer la santé n'aidera pas le taux d'approbation du président, qui oscille près de la barre des 40%, et risque grandement de nuire aux chances des républicains aux élections de mi-mandat de 2018 et à la présidentielle de 2020.

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