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Israël, de la fragmentation à la recomposition: logique de la future coalition gouvernementale

Les dernières élections législatives ont laissé apparaître un paysage politique fragmenté. C'est une tendance lourde et un phénomène intrinsèquement lié à l'organisation politique. Néanmoins, nous assistons, dans ce second tour que constitue la construction d'une coalition gouvernementale, à des recompositions tout à fait inédites.
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Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu attends the annual memorial ceremony for David Ben-Gurion, Israel's first Prime Minister, in Sde Boker, southern Israel, Tuesday, Nov. 20, 2012. Israel's prime minister says Israel would be a
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Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu attends the annual memorial ceremony for David Ben-Gurion, Israel's first Prime Minister, in Sde Boker, southern Israel, Tuesday, Nov. 20, 2012. Israel's prime minister says Israel would be a

Les dernières élections législatives ont laissé apparaître un paysage politique fragmenté. Ce n'est pas une nouveauté dans l'histoire électorale du pays.

C'est même une tendance lourde et un phénomène intrinsèquement lié à l'organisation politique. Néanmoins, nous assistons, dans ce second tour que constitue la construction d'une coalition gouvernementale, à des recompositions tout à fait inédites. Décryptage.

Le paysage politique éclaté des élections à la XIXème Knesset.

A droite, si l'alliance Likoud-Beitenou d'Avigdor Lieberman est arrivée en tête du scrutin avec 31 sièges à la Knesset loin devant le gagnant symbolique qu'est Yair Lapid avec ses 19 sièges, cette réalité masque mal la faiblesse de la droite et du Likoud en particulier, qui à lui seul ne réunit que 20 sièges contre 11 pour son allié de circonstance, allié versatile.

De son côté, le centre, avec ses 27 sièges au total, est divisé entre Yesh Atid, le nouveau parti de Yair Lapid en position de force avec 19 sièges. Mais il doit aussi compter aussi sur des individualités qui ont déjà étalé leurs inimitiés sur la place publique et fait preuve de leur incapacité à s'unir, Tzipi Livni d'un côté avec 6 sièges (à la tête de Hatnouah) et Shaul Mofaz, avec deux sièges, dirigeant Kadima, parti moribond pourtant vainqueur des élections de 2009.

Les religieux ont obtenu, toutes tendances confondues, le plus haut score de l'histoire d'Israël: 30 sièges dont 12 pour les sionistes religieux d'Habaït Hayehudi dirigé par Nafatali Bennett représentants les colons, 11 sièges pour le Shas représentant les orthodoxes séfarades, et 7 pour le parti unifié de la Thora représentant les ultra-orthodoxes ashkénazes.

La gauche est encore une fois affaiblie. Le parti travailliste a obtenu 15 sièges et le Meretz (gauche pacifiste) 6. À eux deux, ils sont dans l'incapacité de peser sur la formation du futur gouvernement. La représentante des travaillistes, Shelly Yashimovitch ayant de ce fait exclu toute participation à la future coalition.

Alliances et désalliances.

En théorie et en arithmétique, les choses sont assez simples. Les deux partis arrivés en tête, Likoud-Beitenou et Yesh Atid ont lancé les pourparlers pour former une coalition autour d'eux. Ne restant plus en pratique qu'à associer un des deux partis religieux, soit le parti de Naftali Bennett (sionistes religieux), soit le Shas (parti gouvernemental prêt aux alliances à gauche comme à droite), pour former le cœur du nouveau gouvernement. Libre ensuite aux autres partis à rentrer dans la coalition sans être en mesure d'exiger un prix fort.

C'est à ce stade que toutes les recompositions sont possibles. Kadima avec ses deux sièges, pourrait fusionner son parti soit avec le Likoud (pour peser 22 sièges), ou avec Y. Lapid pour permmettre à son parti d'atteindre 21 sièges et dépasser d'un cheveu le Likoud. Plus encore, les trois partis du centre (Yesh Atid de Lapid, Kadima de Mofaz et Hatnouah de Livni) pourraient fusionner et constituer la première force de la Knesset avec 27 sièges, loin devant le Likoud.

Les Harédim (Shas et Parti unifié de la Thora), ont senti le vent mauvais. Ils pèsent beaucoup moins que les centristes dans la nouvelle assemblée. Ils ont donc annoncé leur alliance, unifiant ainsi leurs 17 sièges pour négocier conjointement face à un Benjamin Netanyahou affaibli et écartelé entre les exigences des religieux qu'il voudrait intégrer, puisqu'une partie de sa base électorale en est proche, et Avigdor Libermann, l'allié encombrant qui à tout moment menace de quitter le cartel électoral pour s'allier avec qui voudra de lui, laissant le Likoud seul au milieu du gué avec ses 20 sièges menaçant Benjamin Netanyahou de lui faire perdre sa couronne de Premier ministre.

Logiques institutionnelles, illogiques politiques

Au-delà des manœuvres tactiques qui sont de bonne guerre dans ces périodes de négociations souterraines, il est intéressant de soulever ce paradoxe: plus le paysage politique est éclaté en forces divergentes, plus la recomposition s'impose naturellement au moment de la constitution du gouvernement. Plus les forces centrifuges de l'avant scrutin sont puissantes, plus les forces centripètes qui poussent aux unions d'après élections sont fortes. Plus l'éclatement est important entre les forces qui n'ont pas su s'unir pendant la campagne, plus s'imposent les regroupements se faisant sous la pression du réalisme de l'entrée au gouvernement.

Ainsi, la logique institutionnelle et la logique politique se compensent: la première, liée au mode de scrutin proportionnel, pousse les partis à l'éclatement extrême au motif que chaque force cherche à exister et à compter. La prime majoritaire va alors à ceux qui savent s'unir avant le scrutin. Ceci a été le cas de Netanyahou qui a réalisé une jolie opération tactique en formant une alliance électorale avec Israël Beitenou. La seconde est liée à la pression politique qu'exerce la conquête du pouvoir. Le pragmatisme de la démocratie israélienne pousse les représentants des partis à former des coalitions larges, parfois hétéroclites vu d'ici, parfois improbables. Elle force à la recomposition au motif de la nécessaire constitution d'un gouvernement.

Ainsi va la démocratie israélienne. Avec une réforme du mode de scrutin sans cesse souhaitée par les forces politiques et jamais réalisée à l'Assemblée, elle est condamnée à cet incessant va-et-vient entre fragmentation et recomposition, sinon partisane, au moins politique, qui dure toujours le temps d'un mandat, pas plus. Comme Sisyphe, le système politique israélien doit toujours se réinventer. Faut-il pour autant, comme Camus, imaginer Sisyphe heureux?

Israeli Elections

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