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Des centres d'entretien du CSeries et de ses moteurs au Québec: un pari fort risqué

La réalité économique joue contre l'établissement d'un centre d'entretien dédié au CSeries au Québec. La commande d'Air Canada ne justifie pas à elle seule d'un tel investissement. Les ventes totales de la gamme du 100 places de Bombardier ne le justifient guère plus.
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Dans un communiqué de presse passé relativement inaperçu, l'américaine United Technologies annonçait le 13 juillet dernier, en plein Salon de Farnborough, l'octroi par Air Canada de l'entretien pour quinze ans des moteurs Pure Power qui propulseront ses 45 CSeries en commande ferme et ses 30 en option.

Il est à noter que le transporteur canadien n'a émis aucun communiqué sur le sujet, contrairement à son annonce de jeudi matin, faisant état de la signature d'ententes avec des partenaires commerciaux pour favoriser la création d'un centre d'excellence en matière de maintenance d'avions au Manitoba.

Nous nous rappellerons qu'en février dernier, Air Canada avait promis d'effectuer l'entretien de ses nouveaux biréactés de 100 places à Montréal, au centre d'entretien du CSeries, qui reste encore à voir sortir de terre.

Quant à la réalisation ici même au Québec, dans la région de Montréal, de l'entretien des moteurs Pure Power de Pratt & Whitney qui propulsent les CSeries d'Air Canada, elle pouvait difficilement se justifier.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La famille de réacteurs de nouvelle génération Pure Power du motoriste de Hartford, au Connecticut, n'équipe pas seulement le dernier né de Bombardier, mais aussi la famille Airbus A320neo commandée à 4583 exemplaires (58 A319neo, 3396 A320neo et 1129 A321neo) et dont 40% des motorisations annoncées reviendraient au Pratt & Whitney PW1100G et, en monte exclusive, le Mitsubishi MRJ (243 commandes fermes et 204 options) avec les PW1200G, l'Embraer E-Jets E2 (272 commandes fermes et 398 options) avec les PW1700G et PW1900G et l'Irkut MC-21 (192 commandes fermes et 88 options) avec le PW1400G.

En comparaison, le CSeries qui est propulsé en monte exclusive par le PW1500G a obtenu 370 commandes fermes assorties de 242 options.

Bien que le lieu de la réalisation de l'entretien des PW1500G d'Air Canada n'a pas été précisé dans le communiqué du 13 juillet dernier, il est fort à parier qu'elle se fera aux installations de Pratt & Whitney à Columbus, en Georgie, à 90 miles au sud d'Atlanta, construites il y a une trentaine d'années et qui emploient environ 1100 personnes. Selon un communiqué de presse du motoriste daté du 30 juin dernier grâce à un investissement de 65 millions de dollars américains, le Columbus Engine Center sera le premier à se voir confier l'entretien de réacteurs Pure Power: les PW1100G et PW1500G en plus de celui des moteurs civils V2500 et PW2000 et des turbines militaires F100 et F117.

Il est vrai comme le souligne Jean Poirier, dernier président du syndicat des travailleurs d'Aveos, qui représente maintenant les quelque 1800 ex-travailleurs québécois de l'entreprise fermée suite à sa faillite, le 19 mars 2012, que l'entretien des cellules, moteurs et accessoires des avions d'Air Canada était réalisé aux ateliers des services techniques d'Air Canada devenus en 2008 Aveos, situés aux abords des pistes de l'aéroport Montréal-Trudeau.

Mais la réalité économique joue contre l'établissement d'un centre d'entretien dédié au CSeries au Québec.

La commande d'Air Canada ne justifie pas à elle seule d'un tel investissement. Les ventes totales de la gamme du 100 places de Bombardier ne le justifient guère plus. Delta Air Lines, qui possède un immense centre de maintenance couvrant 63 acres et employant 9600 personnes à l'aéroport Hartsfield - Jackson Atlanta International Airport, TechOps, se chargera certainement de l'entretien de la cellule de ses CSeries ainsi que de celles de tiers. Plus de 150 transporteurs aériens ont recours aux services de TechOps, ce qui représente de 20 à 25% de son chiffre d'affaires. Quant à l'entretien des moteurs, la proximité des installations de Pratt & Whitney à Columbus, en Georgie poussera vraisemblablement le transporteur américain à y avoir recours.

De plus l'adoption et la sanction de la Loi C-10 par le gouvernement Trudeau, le 22 juin dernier, à la satisfaction d'Air Canada, libère le transporteur d'exigences en terme de maintien d'emplois au Canada pour l'exécution de l'entretien de sa flotte tel que contenu dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada de 1988, qui scella la privatisation du transporteur national. Ainsi ont disparu les obligations quant au nombre d'emplois au Québec, en Ontario et au Manitoba et aux types de tâches.

En cas de non-adoption de cette loi, Air Canada menaçait déjà de renoncer aux centres d'excellence destinés à l'entretien du CSeries.

De surcroit, lors du Salon de Farnborough, le 11 juillet dernier, le chef des services techniques de Swiss, Peter Wojahn, a révélé que le géant de la maintenance Lufthansa Technik, filiale du groupe auquel appartient Swiss, songe à offrir la maintenance lourde du CSeries sur le continent européen.

Dans un tel contexte, créer des centres de maintenance de la cellule, des moteurs ou des accessoires du CSeries au Québec est hautement risqué, à moins que le gouvernement provincial délie les cordons de sa bourse comme il l'a fait pour le développement du CSeries.

D'une part, il faudrait un parc de CSeries suffisant pour justifier un tel investissement qui, selon la ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation du Québec, Dominique Anglade, devrait accueillir au moins cent appareils par année pour devenir rentable.

D'autre part, advenant que Delta TechOps et Lufthana Technik se lancent dans l'entretien des cellules de CSeries, comment faire face à de tels mastodontes?

Quant à l'entretien de ses moteurs, il ne serait guère aisé de concurrencer les ateliers du motoriste qui partent avec une longueur d'avance.

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