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Pourquoi les femmes ne votent-elles pas pour les femmes?

Les femmes ne soutiennent pas les candidates en politique en raison du "grand fossé" entre ce que les femmes croient et leur volonté d'agir selon ces croyances. Reste que les femmes proclament vouloir l'égalité, mais le souhaitent-elles vraiment?
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Beaucoup d'études continuent de montrer que les électrices sont réticentes à voter pour des femmes. Dans une analyse de l'AP basée sur des données de l'Étude sur les élections nationales américaines de 2006, les chercheurs ont noté que le sexe du candidat à la présidence importait plus aux femmes qu'aux hommes. Et que si les femmes sont plus enclines à voter pour une candidate parce que c'est une femme, elles ont aussi plus tendance à l'évincer pour la même raison.

En août dernier, la toujours délicate chaîne Fox News a suggéré que c'était parce que les électrices "voulaient une figure paternelle". D'autres ont parlé d'une résistance au féminisme, et de l'idée que les femmes elles-mêmes s'accrochent facilement à cette vision paternaliste selon laquelle elles ne sont pas aussi douées que les hommes. Sherrye Henry a écrit The Deep Divide après son pari raté d'obtenir un siège de sénateur à New York. Dans ce livre, elle explique que les femmes ne soutiennent pas les candidates en politique en raison du "grand fossé" entre ce que les femmes croient et leur volonté d'agir selon ces croyances. Reste que les femmes proclament vouloir l'égalité, mais le souhaitent-elles vraiment ?

La vérité est qu'il existe toujours deux poids deux mesures entre femmes et hommes à des postes de pouvoir, et qu'on ne demande pas seulement aux candidates d'être aussi compétentes et intéressantes que leurs homologues masculins, mais de l'être plus encore. Tiffany Dufu, présidente de la White House Project, une organisation à but non lucratif chargée d'augmenter le leadership féminin en politique et ailleurs, a déclaré que les électrices étaient en effet plus exigeantes envers les candidates, et qu'en réalité : "tout individu qui ne correspond pas au prototype du leader - un homme, habituellement blanc et privilégié - doit mettre la barre plus haut." On retrouve cette même disparité d'attentes pour une femme ou un homme dans d'autres domaines, comme la médecine, où un chirurgien de sexe masculin aura toujours la préférence, à moins bien sûr que son homologue féminin soit sortie major de promo d'une grande école, que ses antécédents soient impeccables, qu'elle ait une liste de patients célèbres, et qu'elle soit pour le reste irréprochable.

Les femmes continuent de juger les autres femmes - autrement dit, continuent d'être considérées selon des critères créés et entretenus par les hommes. Et parce que de nombreuses femmes savent très bien ce que l'on ressent quand on est jugé, elles reproduisent ce jugement sur d'autres. Les femmes sont connues pour être plus sévères avec d'autres femmes, surtout professionnellement. Selon une étude récente du Workplace Bullying Institute, des femmes harcèlent d'autres femmes au travail - violence verbale, sabotage du travail, abus d'autorité, et relations conflictuelles - plus de 70 % du temps. Une autre étude menée par Business Environment a constaté que 72 % des femmes jugent leurs collègues féminines selon ce qu'elles portent au travail.

Hollywood n'améliore pas cette situation, en perpétuant l'idée que la femme carriériste (avez-vous déjà entendu parler d'hommes carriéristes ?) est un démon méchant, pas très féminin et qui s'habille en Prada. Beaucoup de ces films, s'adressant en majorité aux femmes, dépeignent les femmes de pouvoir, au mieux comme des femmes dont on doit se méfier, au pire comme des femmes qu'on doit mépriser.

Les femmes veulent apprécier leurs candidates. Dans les isoloirs, souhaitent-elles soutenir la chef pénible et exigeante qu'elles n'inviteraient jamais à dîner ? Ou la gentille femme attentionnée et maternelle qui se ferait descendre au Sénat ? Est-ce qu'une femme peut être les deux ? Peut-elle être ni l'un ni l'autre ? Il est malheureusement difficile de convaincre les électeurs que les femmes ne sont pas nécessairement l'un ou l'autre : douées dans leur travail ou appréciables.

Bien sûr, la résistance des femmes aux candidats de sexe féminin pourrait aussi s'expliquer par leur apparence. Cela ne sert à rien de dire que l'apparence ne compte pas. Dans son livre avant-gardiste, Survival of the Prettiest (littéralement "La survie de la plus belle"), paru en 1999, Nancy Etcoff, psychologue à la Harvard Medical School, a soutenu que les gens beaux sont mieux payés et ont la vie plus facile. En termes d'évolution, les gens beaux l'emportent. La science l'a confirmé et on constate la même chose en politique : une étude de 2006 de l'Université d'Helsinski, ayant observé le rôle de la beauté en politique, a constaté que plus un ou une candidate est beau/belle, plus il/elle est perçu(e)comme plus compétent(e), digne de confiance et appréciable.

L'étude a aussi étudié les candidats de sexe masculin, mais encore une fois, les enjeux sont plus élevés pour les femmes, qui seront jugées si elles ne sont pas attirantes et le seront encore si elles essaient d'y remédier. Regardez Nancy Pelosi : en pleine forme à 70 ans, la "grand-mère glamour" - comme la presse l'a surnommée dans des articles évoquant presque autant son visage que sa politique - a enduré d'incessants sarcasmes sur sa peau prodigieusement fraîche et ses sourcils éternellement levés. Ah oui, elle est aussi trop maquillée. Pendant ce temps, la coupe de cheveux d'Hillary Clinton est observée sous toutes les coutures, le moindre de ses brushings passés au crible. C'est l'une des plus grandes personnalités politiques de ce siècle, mais ses accessoires capillaires - chouchou ou serre-tête ? - sont toujours âprement débattus. On a même proposé à son coiffeur d'écrire un livre.

La bonne nouvelle, c'est que les Américains - hommes et femmes - sont de plus en plus habitués à la notion d'un pouvoir féminin, depuis 'la vague rose' lors des élections de 2012, jusqu'à l'interdiction, récemment levée, des femmes sur le champ de bataille. A chaque nouveau geste vers l'égalité, les femmes ayant des responsabilités ne seront plus considérées comme une aberration, le résultat d'un coup de bol incroyable, des raretés devant être examinées et analysées par des spécialistes.

Des images de l'élection de Kathleen Wynne à la tête du Parti libéral de l'Ontario

(galerie réalisée par nos collègues du HuffPost Canada)

Ontario Liberal Leadership Convention

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