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E.coli frappe encore: faut-il faire confiance à l'agence d'inspection des aliments?

Dans mon dernier billet,s'il fallait faire confiance à Santé Canada au sujet des additifs alimentaires dans l'élevage. Cette fois, la question se pose à l'égard du travail de l'Agence Canadienne d'Inspection des Aliments (ACIA) après que celle-ci n'ait pas été en mesure de détecter la présence de la bactériedans la viande produite depuis la fin août par l'abattoir XL Foods inc. d'Alberta.
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Dans mon dernier billet, je me demandais s'il fallait faire confiance à Santé Canada au sujet des additifs alimentaires dans l'élevage. Cette fois, la question se pose à l'égard du travail de l'Agence Canadienne d'Inspection des Aliments (ACIA) après que celle-ci n'ait pas été en mesure de détecter la présence de la bactérie Escherichia coli dans la viande produite depuis la fin août par l'abattoir XL Foods inc. d'Alberta.

Une réaction tardive

Rappelons les faits : le 23 août dernier, des bovins sont abattus et transformés en viande, qui est vendue dans une kyrielle d'établissements d'alimentation au Canada, Québec y compris, et aux États-Unis; le 3 septembre, la bactérie est détectée par les inspecteurs américains; l'ACIA est avertie, mais présume un cas isolé et ne prend aucune mesure préventive même si la bactérie est à nouveau détectée le lendemain; le 12, lorsque deux nouveaux échantillons sont positifs, les États-Unis demandent la cessation des exportations; le 13, les inspecteurs canadiens se présentent chez XL Foods; le 16, l'ACIA annonce finalement le rappel de certains produits; ce premier rappel est suivi de huit autres, entre le 17 et le 27 septembre, date à laquelle l'abattoir est fermé. Pendant au moins douze jours, de la viande contaminée a donc été expédiée dans les supermarchés canadiens sans que les consommateurs et les commerçants ne soient avisés. Cette viande a même été vendue jusqu'au 24 septembre.

C'est en fin de compte une liste d'environ 250 produits vendus notamment au Québec du 27 août au 28 septembre dans des établissements aussi divers que IGA, Marchés Tradition, Bonichoix, Costco, Délectable, l'Entrepôt des Viandes, Marché Richelieu, Maxi, Metro, Provigo, Loblaws, Super C qui fait l'objet des rappels décrétés par l'ACIA.

À ce jour, il a été possible d'établir un lien direct avec la consommation de steaks provenant de XL Foods pour quatre des neuf Albertains tombés malades en septembre d'une infection à E. coli. L'ACIA a pour sa part émis depuis huit mois cinq demandes d'actions correctives à l'égard de XL Foods et six depuis le 4 septembre seulement. Ces avis concernent des déficiences dans le contrôle et l'échantillonnage.

Un processus déficient

Pour Richard Arsenault, directeur du programme d'inspection de l'ACIA, les délais n'ont pas été déraisonnables, mais néanmoins le processus n'a pas fonctionné correctement, car autrement, la viande contaminée «n'aurait pas franchi la porte». M. Arsenault promet que l'ACIA apportera des correctifs s'il y a lieu. XL Foods est en théorie surveillée par une quarantaine d'inspecteurs et six vétérinaires, mais pour Bob Jackson, ancien inspecteur qui travaille maintenant au syndicat agricole de la Fonction publique du Canada, un élément important du problème réside dans le fait que les inspections quotidiennes sont maintenant menées par les employés des compagnies et non plus directement par les inspecteurs de l'ACIA.

Après le drame de la contamination à la listériose en 2008 chez Maple Leaf qui avait entraîné la mort de vingt-trois personnes, le gouvernement s'était fait rassurant et avait promis de protéger la santé des consommateurs. Le 11 avril dernier pourtant, le gouvernement Harper annonçait une réduction de 56 millions au budget de l'ACIA, susceptible d'entraîner la mise à pied d'une centaine d'inspecteurs. Questionné vendredi dernier sur ses politiques douteuses, le ministre de l'Agriculture Gerry Ritz a bien sûr défendu l'efficience du processus d'inspection et passé sous silence l'impact des coupures en se retranchant derrière le Projet de loi S-11, censé entre autres modifier des aspects liés à l'inspection et à l'étiquetage des aliments, et hausser les amendes maximales aux contrevenants.

Que valent ces mesures si le nombre d'inspecteurs en poste est réduit? Les agents de l'ACIA peinaient déjà à remplir leur mandat, délaissant souvent les infractions liées à l'éthique et à la cruauté envers les animaux. Le rapport Weatherhill, commandé par le gouvernement après l'épidémie de listériose, indiquait en 2009 que le système d'inspection de l'ACIA comportait des lacunes inacceptables et que le public était mal informé. L'équipe de Mme Weatherhill recommandait notamment que l'ACIA revoie ses programmes de surveillance en adaptant les fréquences d'échantillonnage de chaque usine selon leurs antécédents et modifie son système d'inspection des viandes afin d'avoir les ressources humaines appropriées pour satisfaire aux exigences de la charge de travail. Sur son site, l'ACIA se targue d'avoir donné suite à ses recommandations. Pourtant, les mêmes lacunes semblent encore persister.

La stratégie du gouvernement Harper de laisser les abattoirs et les producteurs de viandes s'inspecter eux-mêmes, sous la supervision de l'ACIA est non seulement déplorable, mais dangereuse. Ce même gouvernement qui n'hésite pas à investir massivement dans la promotion de la royauté britannique et de la guerre de 1812 préfère laisser à l'industrie le soin de gérer les questions de santé et sécurité. Il aurait intérêt à recentrer ses priorités.

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