Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le chantier colossal de Theresa May

Theresa May devient la deuxième femme première ministre dans l'histoire de la Grande-Bretagne... Elle ne sera pas vraiment légitime, et cela pour au moins deux raisons.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Theresa May devient donc la deuxième femme première ministre dans l'histoire de la Grande-Bretagne. Mais celle qui prend les rênes du pays mercredi après la dernière séance de questions au gouvernement pour David Cameron et après que ce dernier aura donné sa démission à la Reine d'Angleterre, arrive au 10 Downing street dans une situation extrêmement grave pour son pays.

Elle ne sera pas vraiment légitime, et cela pour au moins deux raisons. C'est David Cameron qui avait remporté haut la main les élections législatives au printemps 2015 et le mandat lui avait été confié. Par ailleurs, celle qui est censée gouverner le pays jusqu'aux prochaines élections législatives soit jusqu'en 2019/2020, accède au pouvoir en pleine crise liée au Brexit.

Une négociation difficile avec l'Union européenne

Il va lui revenir la lourde tâche de négocier avec l'Union européenne pour la sortie de son pays alors que la question a divisé et traumatisé le peuple britannique. Elle a d'ores et déjà annoncé que la Grande-Bretagne allait devant de graves difficultés économiques et sociales. La City de Londres, tout en étant forte, a déjà subi les conséquences de ce referendum, certaines banques ayant placé leurs avoirs financiers sur le continent, beaucoup de services de finances ayant également commencé à délocaliser leurs activités.

Le plus gros défi de la nouvelle première ministre, eurosceptique qui n'avait soutenu David Cameron que par solidarité gouvernementale, va être de négocier ce retrait de l'Union européenne. «Brexit means Brexit» (sortir signifie sortir) a-t-elle déclaré à la presse. Oui mais à quelles conditions? Theresa May a dit vouloir faire de cette sortie de l'Union européenne un succès. On ne va tout de même pas en faire une success story! En d'autres termes, Theresa May est en train de dire qu'elle va tenter d'arracher aux autres pays de l'Union européenne le meilleur de l'Europe sans en avoir les inconvénients.

Tout ne se passera pas forcément de la façon qu'elle l'envisage, et cela au moment où François Hollande entame une mini tournée en Europe pour faire front face au Brexit... Sera-t-il le premier responsable européen à rencontrer Theresa May? Ce qui est sûr d'ores et déjà est que la procédure sera longue et difficile.

«Il s'agirait, de façon plus triviale, de vouloir «le beurre et l'argent du beurre» avec le sourire de la crémière ou du crémier ce qui, au pays du lait matinal, n'est pas à négliger...»

Les divergences au sein de l'Union européenne

Pour préserver les intérêts de son pays, Theresa May a dit que le déclenchement prévu par l'article 50 du traité sur l'Union européenne prendrait du temps, soit au mieux au mois de décembre 2016, période qui pourra aller jusqu'au mois de décembre 2017. Il n'est pas certain que les pays membres acceptent d'attendre un tel délai pour le retrait officiel de la Grande-Bretagne. Par ailleurs, M.Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne, a clairement fait savoir qu'il n'était pas question de négocier autre chose que le seul retrait de la Grande-Bretagne avant de travailler sur les accords à venir.

Il est vrai, il n'est pas certain que tous les pays seront d'accord sur la façon de négocier avec Londres entre les «durs» qui auront une vision punitive et les modérés qui pourraient tenter de négocier un accord permettant d'éviter l'isolement de ce pays et les effets les plus néfastes du Brexit pour le peuple britannique.

Après tout, l'article 50 n'est pas d'une clarté à toute épreuve puisqu'il entrouvre une porte. L'accord devra certes fixer les modalités du retrait de la Grande-Bretagne, mais il faudra «tenir compte du cadre de ses relations futures avec l'Union européenne». En d'autres termes on pourrait tout à fait imaginer une première négociation sur le type de relations que ce pays souhaitera nouer avec l'Union européenne (par exemple sur le modèle de l'Espace économique européen ou l'Association européenne de libre-échange qui a toujours eu les faveurs de la Grande-Bretagne) avant d'en tirer les conséquences sur les modalités du retrait.

Il s'agirait, de façon plus triviale, de vouloir «le beurre et l'argent du beurre» avec le sourire de la crémière ou du crémier ce qui, au pays du lait matinal, n'est pas à négliger... Il n'est pas sûr que tous les pays apprécient et cela promet de longues discussions en perspective!

Ressouder les Britanniques

L'autre gros défi de Theresa May sera d'ordre intérieur. Le Brexit a créé une crise de «leadership» au sein du parti conservateur comme au sein du parti travailliste où Jeremy Corbyn n'a jamais fait l'unanimité. Un récent sondage montre que si des élections législatives avaient lieu au mois de septembre, Theresa May les remporteraient haut la main, 60% des Britanniques estimant qu'elle ferait un bon premier ministre contre environ 20% pour le Jeremy Corbyn...

Mais plus que cela, il va lui falloir réunifier: réunifier ses troupes complètement secouées et désorientées par l'issue du référendum d'une part et mais aussi et surtout, d'autre part, le peuple britannique lui-même.

Le défi sera donc de rassembler à la fois les pros-UE, plutôt jeunes et diplômés de façon générale et les personnes plus âgées et la classe ouvrière qui ont abandonné le parti travailliste en votant pour le Brexit. Il lui faudra aussi combler la fissure territoriale entre d'un côté l'Écosse, l'Irlande du Nord et Londres très européens et, de l'autre, la quasi-totalité du pays eurosceptique. La tâche est immense et la stupeur n'est pas près de retomber, notamment celle des Écossais bien décidés à en découdre quitte à provoquer une crise institutionnelle.

Si Theresa May a le temps électoral devant elle, elle devra de toute façon chercher à se légitimer auprès du peuple britannique en provoquant tôt ou tard, des élections législatives anticipées, même si cette possibilité a été écartée par des proches de l'intéressée.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Manifestation anti-Brexit à Londres (2 juillet 2016)

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.