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Les secrets du sommeil

Le sommeil modifie fondamentalement le fonctionnement de tous les organes et pas seulement celui du système nerveux central.
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Ce billet a d'abord été publié sur Le HuffPost France, qui est partenaire de la Villa Gillet pour Mode d'emploi: un festival des idées

Le sommeil modifie fondamentalement le fonctionnement de tous les organes et pas seulement celui du système nerveux central. Depuis 50 ans, l'évolution du mode de vie et du rythme de travail (plus de 15% de travailleurs postés ou décalés dans le monde) a considérablement réduit la quantité de sommeil moyenne de la population. C'est environ une heure et demie de sommeil qui a été perdue durant cette période. Quelles sont les principales fonctions du sommeil? Quelles sont les conséquences de cette « privation » de sommeil?

Les fonctions du sommeil

Le sommeil est l'occasion d'une modification profonde des connexions synaptiques au niveau cortical. Le sommeil lent permet un processus homéostatique de restauration neuronale par l'activation de gènes responsables de synthèse et transport de macromolécules. Mais dans le même temps, il survient une diminution majeure ('global downscaling') des connexions synaptiques. Ceci permet une véritable maintenance énergétique cérébrale, indispensable notamment au maintien des fonctions cognitives. Par ailleurs, en sommeil paradoxal, il existe une réactivation majeure de l'activité synaptique. En particulier, au niveau de l'hippocampe, différents éléments sont impliqués dans la consolidation de la mémoire et la reviviscence d'activités neuronales correspondant à des vécus de l'éveil.

Mais ce n'est pas la seule fonction majeure du sommeil. Un certain nombre de sécrétions endocriniennes sont électivement sécrétées au cours de certains stades de sommeil. C'est le cas de l'hormone de croissance par exemple. Par ailleurs, la production de cortisol de même que la production de catécholamines est significativement augmentée en cas de réduction du temps de sommeil.

Enfin, le sommeil lent est associé à une réduction du tonus sympathique et une augmentation du tonus parasympathique. Ceci est associé à la diminution de la pression artérielle et du débit cardiaque, deux éléments essentiels pour la préservation de la santé cardiovasculaire.

Les enjeux de la privation de sommeil

Ainsi, la privation même partielle de sommeil est associée non seulement à un déclin des performances cognitives, mais aussi pour partie à un risque d'obésité, de diabète de type II et d'hypertension. Un enjeu majeur de prévention primaire pour les années qui viennent.

Les données scientifiques et médicales confirment toutes sans exception le rôle déterminant du sommeil pour la santé et la prévention mais aussi la part considérable qu'il prend dans l'émergence de maladies ou leur aggravation.

Ainsi, plus de 25% des Français se plaignent de troubles du sommeil, et plus de 10% présentent une insomnie chronique entraînant une souffrance psychique importante, une détérioration marquée de la qualité de vie et une consommation d'hypnotiques et autres sédatifs.

Par ailleurs, la somnolence diurne excessive affecterait 2,5 millions de sujets et constitue une des causes significatives d'accidents sur la route (environ 1/3 des accidents sur autoroute, au travail et au domicile).

Pour une maladie aussi répandue que le Syndrome d'Apnées du Sommeil, qui touche 5 à 15% de la population générale selon l'âge, il est avéré que moins de 20% des sujets atteints ont été diagnostiqués. Cette pathologie comporte à la fois des risques de somnolence et d'atteinte cognitive et une atteinte cardiovasculaire et métabolique associée à une surmortalité.

Nous sous-estimons notre besoin de dormir

Ceci conduit à s'interroger sur l'attention portée à la question du sommeil par les individus et la société. Alors que la nutrition, l'activité physique, les comportements addictifs par exemple l'objet de recherches, de préoccupations quotidiennes et d'interventions préventives suivies, le sommeil n'est pas considéré avec la même détermination. Un rapport complet de plusieurs centaines de pages auquel nous avions largement contribué a été remis en 2006 à Xavier Bertrand, ministre de la Santé de l'époque. Malgré ce plaidoyer qui décrivait parfaitement le sommeil, son importance et les implications pour la santé publique des maladies du sommeil, il n'a eu pratiquement aucune conséquence concrète. Bien que représentant un enjeu majeur d'éducation et de prévention, et malgré les initiatives de l'Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV) et de l'Inpes, le sommeil reste le parent pauvre de la politique nationale de prévention et d'éducation pour la santé.

Il n'est pas surprenant que les Français sous-estiment cette dimension de leur santé.

Le public ne détient pas suffisamment d'informations qui lui permettraient de faire siens les éléments de connaissance sur la structure et les fonctions du sommeil, ses bienfaits et les conditions à réunir pour satisfaire à ses besoins dans sa vie quotidienne. Toutes les enquêtes montrent l'importance de la privation de sommeil, notamment chez les adolescents et jeunes adultes.

Bases génétiques et influences du mode de vie

Manifestement, l'évolution générale par l'accélération des rythmes de vie liée aux contraintes sociales fait de l'hyperactivité une valeur positive (gain de temps et productivité accrue)... et nombre de personnes verraient ainsi se creuser l'écart entre le besoin réel de sommeil et le temps qui lui est effectivement consacré.

Il existe une base génétique du temps de sommeil propre à chacun. L'existence de 'court' et de 'long' dormeurs génétiquement déterminés, fait qu'il faut déterminer individuellement son temps de sommeil optimal. Si une majorité de sujets dort un temps moyen de huit heures par nuit environ, certains ont besoin de 9 à 10 heures de sommeil (les longs dormeurs), et un petit nombre de moins de six heures jusqu'à 4 heures exceptionnellement (les courts dormeurs). Il existe une autre variabilité génétique, certains « du soir, » s'endorment tard avec des difficultés de réveil le matin et d'autres plutôt « du matin » qui ont sommeil tôt le soir (mais se réveillent sans difficulté et en forme le matin). Il a été démontré que certains gènes de notre horloge biologique déterminent ces caractéristiques physiologiques. Il reste cependant que ces caractéristiques peuvent être très aggravées par les modes de vie et de travail.

En somme, le sommeil est mieux compris et notamment les fonctions fondamentales qui impactent non seulement sur le cerveau, mais sur l'ensemble des organes. Il reste à la société de se convaincre de la nécessité de développer cette dimension comme élément essentiel de qualité de vie et de prévention primaire.

Patrick Lévy interviendra dimanche 23 novembre à "Mode d'emploi", dans le cadre de la conférence intitulée "Pourquoi dort-on?".

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