Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Vous, un massage, ça vous détend?

Je constate à chaque fois que les massages, ce n'est pas pour moi. Mais comme à chaque fois, j'y retourne.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Ça semble assez évident comme question, vous me direz. On ne se fera jamais assez masser. Bien que moi, c'est une fois par année, ou deux si j'en reçois un en cadeau. Par contre, pour prendre soin de ma voiture, eh bien là, c'est autre chose. Je lui fais son changement d'huile quatre ou cinq fois annuellement et je la lave deux fois par mois pour bien l'entretenir. Allez comprendre. (Quoique ça me relaxe, dix minutes dans un lave-auto à regarder le savon multicolore et les languettes de tissus virevolter.)

Je fais ces entretiens parce que je veux tenter d'éviter les problèmes et pour qu'elle se porte bien, mais aussi et surtout parce que le p'tit maudit collant du garage dans le coin en haut à gauche me le rappelle constamment. Je me souviens l'avoir déjà enlevé en me disant : «C'est pas vrai qu'tu vas m'dire quand le faire avec ton p'tit sticker de rappel!» J'ai été pris d'un remords, j'avais perdu mon repère.

Pourquoi je vous parle de changement d'huile? Parce qu'entretenir mon corps pour les mêmes raisons avec un massage, pourquoi, hein? Pas le temps, pas l'argent, à la prochaine paie, trop de stress ces temps-ci! Trop de stress?

Mais pas cette fois. Je me suis enfin décidé à prendre rendez-vous pour un massage d'une heure. J'ai commencé à être détendu à la minute où la secrétaire de la clinique m'en a fait attendre vingt en écoutant leur musique «ambiance-camomille-spa-détente». J'ai pu avoir rendez-vous à neuf heures le lendemain matin. Le lendemain? Si vite? L'industrie du massage est en danger? Si les cliniques de massages étaient plus achalandées, peut-être que les médicales le seraient moins, parce que le stress, c'est mauvais, et j'y allais justement pour R-E-L-A-X-E-R et l'éliminer.

Ça, c'est ce que je me dis à chaque fois, mais j'ai la mémoire courte.

Ça partait mal, j'étais ben juste à l'heure. J'avais un œil encore à moitié collé, résultat d'avoir snoozé trois fois à cause d'une trop courte nuit de sommeil, une bouteille de Jack Daniel's en moins avec quelques amis et un trio Big Mac et dix croquettes en plus. Soirée festive de dernière minute avec l'intention de ne pas revenir tard. La phrase à dire pour revenir tard.

En entrant, c'est comme dans une église. Silencieux, relaxant, apaisant et avec, en prime, une face de carême à l'accueil. Des odeurs, dites de détentes, qui me font sentir comme dans Le Vampire à la Ronde. (Ça me donne des nausées, les manèges.)

Ma thérapeute se pointe dans la salle d'attente, où la musique et la chaleur avaient déjà eu pour effet de me faire cogner des clous à en construire un cabanon. Je la suis. Prérequis de massage oblige, elle me pose les questions d'usage. Je lui réponds : «Je veux me faire démolir les tensions» à sa question «Quel genre de massage voulez-vous?»

Et je réponds avec un haussement d'épaules et un air désinvolte à «Vous pouvez garder ou enlever vos sous-vêtements, c'est à votre guise.» Même si je les enlève à chaque fois, je me dis toujours que si j'ai trop d'enthousiasme à cette question-là, je passe pour un pervers fini, donc je me la joue nonchalant. Elle sort.

Je me déshabille. Je vérifie et contre-vérifie si j'ai des mousses sur mes orteils. Je m'apprête à m'installer. Sur le dos? Ah non, sur le ventre. Non, sur le dos? Elle me l'a dit, je m'en souviens pu. Je l'écoutais pas tant. Ah non, l'envie me pogne. Trop tard, ça va passer. Vite avant qu'elle revienne et me pogne tout nu. Je m'étends. Toujours un beau moment celui d'essayer de remonter la couverture en étant sur le ventre. Je n'ai pas encore acquis cette flexibilité. Je la place à peu près avec le bras plié du mauvais bord. J'entends la thérapeute revenir, vite ma face dans l'trou à essayer de trouver un confort parfait après plusieurs petits mouvements de la tête de gauche à droite et de bas en haut.

À chaque fois, c'est pareil. Lorsque mon visage se retrouve dans le beigne de la table à massage, mon cerveau, déjà hyperproductif, se met à capoter encore plus avec ma face entourée d'une serviette sur fond d'éponge fixant le plancher. La thérapeute entre, mon cerveau s'emballe, elle pose ses mains sur moi et c'est parti, et dans mes pensées aussi.

- Bon massage Monsieur Laperrière.

- Merci, vous aussi.

Vous aussi?

Ah ! Ça fait du bien. Bon je me détends, faut que je me détende, faut que je me... faut pas que je pète. Elle l'espère assurément aussi. Et si je m'endors et que je ronfle? Faut que je relaxe, mais relaxer ne doit pas s'appliquer à mes fesses. Si je m'assoupis trop, ça pourrait arriver. La dernière chose que je veux dans cette position c'est d'en échapper un flottant au travers d'un arôme d'huiles essentielles. L'eucalyptus n'est pas reconnu pour sa puissance à camoufler une vesse de lendemain de veille au-dessus de la face d'une massothérapeute.

Je pense qu'il n'y a pas un massage où la thérapeute ne m'a pas dit: «J'ai rarement vu un nœud comme ça.»

Je sais toujours où il est, ce nœud, avant même qu'elle ne me le dise. C'est l'endroit qu'elle masse où mes muscles tentent de se défendre par eux-mêmes et essaient de quitter mon corps. Ils voient bien que je me concentre à ne pas bouger et tenter de passer pour un dur. Par chance qu'elle ne peut pas me voir, les yeux plissés remplis d'eau, disant dans ma tête «CHANGE DE PLACE!»

«Est-ce que la pression est correcte, M. Laperrière?»

«Oui, parfaite», que je réponds. PARFAITE? J'ai dit «PARFAITE»?

J'me mords les lèvres et j'encaisse en serrant les dents.

Viens le moment de ma fixation à suivre la démarche prévue et acrobatique de tout massothérapeute. C'est à dire celle de ne jamais lâcher le contact corporel avec son client du bout d'au moins un de ses doigts. J'imagine chacun de ses gestes. Elle reprend de la lotion d'UNE MAIN. Elle me couvre une jambe et me découvre l'autre d'UNE MAIN. Oh? Je la sens indécise sur son prochain mouvement. Elle va me lâcher! Change de main, replace la serviette, rechange de main, remet de l'huile, ne me lâche jamais. Ce sera pour une autre fois, j'en prendrai bien un par défaut.

Elle me masse les pieds. J'ai peut-être encore des mousses de bas? Je ne crois pas, j'ai vérifié deux fois. Je pue peut-être des pieds? Non, je pue jamais des pieds. Mais peut-être que cette fois-ci... Bof, avec un soupçon de lotion aux pommes, ça doit camoufler.

Dans une ambiance feutrée et lumières tamisées où le seul bruit présent était un frottement de peau recouvert de bruits de mouettes et de vagues frappant des rochers, surgit un bruit me rappelant aisément le film Le Parc Jurassique : c'étaient mes intestins. À cet instant précis, je me suis vu sortir de mon corps avec un gros plan sur ma face étirée dans l'trou, les yeux sortis de leurs orbites, me rappelant ce qui se passe avec mon corps les lendemains de veille où alcool et McDo se rencontrent. Je crois avoir déjà lu que, lorsque le corps est soumis à une telle détente et manipulation, l'effet gastrique et intestinal est triplement stimulé. Tout pour me détendre. La descente d'un chinook provenant de la région abdominale était déclenchée. Selon mes calculs, le massage achève. Elle a pas mal fait le tour. Mon tyrannosaure interne se manifeste encore...

Faut que je me relaxe, que je me détende. Trop tard, ça achève. Maintenant hâte qu'elle me dise: «Votre massage est terminé. Vous pouvez rester étendu, je reviens dans quelques minutes.» Justement, elle vient de me quitter des mains. «Le massage est terminé, M. Laperrière. Vous pouvez prendre le temps qu'il faut, je reviens dans quelques minutes.»

Sitôt le bruit de la porte qui ferme, le tyrannosaure est né. Malheureusement, il devait être mort-né si je me fie à l'odeur. Sentant venir que c'étaient des jumeaux, je ne me suis jamais habillé aussi vite que ça. (Oui, peut-être une fois dans le sous-sol d'une amie en quatrième année quand son père était revenu plus tôt du travail...) J'arrive à l'accueil, la chemise encore sortie des culottes, ma thérapeute me dit : «Oh, vous auriez pu m'attendre dans la salle M. Laperrière. Tout a bien été?»

J'ai figé. Je crois qu'elle a senti la peur dans mon regard. (Content que ce soit juste la peur qu'elle ait sentie.) Je paie, elle me donne mon reçu et me dit: «Voulez-vous qu'on regarde pour un autre rendez-vous?» J'aurais dû lui dire oui et lui demander un p'tit collant de rappel afin de me rappeler que je n'aime pas tant ça, les massages. «Non merci, je vous rappellerai.» J'étais déjà dehors.

Bien que mes muscles soient détendus, j'étais plus crispé que lorsque je suis entré. Je constate à chaque fois (même à mon meilleur) que les massages, ce n'est pas pour moi. Mais comme à chaque fois, j'y retourne. En attendant, mon char est sale. Je vais passer au lave-auto, question de me calmer...

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Le calme
Getty
La méditation
Getty
Le sommeil
Getty
S'allonger
Getty
Gym
Getty
Massage
Getty
Les odeurs
Getty
La respiration
Getty
Shopping
Getty

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.