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Les attentes créées à parler de pipi

C'était la situation la plus drôle jamais vécue! Par contre, la transposer en mots, ce n'est jamais aussi drôle qu'en vrai.
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Prenez 2 minutes pour lire ça. Vous allez vous pisser dessus!

À chaque fois que cette phrase a été prononcée, y a rarement eu du pipi. Jamais en fait.

À toi qui a déjà raconté l'anecdote détenant la médaille d'or de la drôlerie ou la Coupe Stanley de l'hilarité mais qui a fait «patate» en la racontant. Je pense à toi et sympathise. Je suis le roi de cette situation.

Pourtant, au moment de la vivre, t'as cru mourir tellement tu as cessé de respirer longtemps à trop rire. Longtemps à en voir des étoiles et une barre en arrière de la tête dû au cerveau qui a manqué d'air à force de la raconter encore et encore avec la personne qui ÉTAIT LÀ QUAND C'EST ARRIVÉ. Quel souvenir mémorable! Mais SEULEMENT et UNIQUEMENT avec la personne qui ÉTAIT LÀ QUAND C'EST ARRIVÉ.

C'était la situation la plus drôle jamais vécue! Par contre, la transposer en mots, ce n'est jamais aussi drôle qu'en vrai. N'essaie pas. Jamais. Mais tu la racontes quand même. Sûrement dû à l'émotion qui te prend dans tout ton corps à la seconde où elle te revient en tête et qui te pousse à la dévoiler avant même d'y avoir réfléchi. Tu te lances alors dans une envolée oratoire spectaculaire qui te vaudrait un Oscar du «Meilleur raconteur de fait déjà vécu» avec tes gestes, tes mimiques, des citations et des effets sonores. Tout ça pour recréer le moment magique.

Raté.

Tu la vois bien la réaction que tu crées à ton public avec ton anecdote du siècle - au maximum un p'tit sourire accompagné d'une légère expiration du nez par compassion pour l'effort. Mais il est trop tard pour reculer. Et dans un geste désespéré digne d'un gars chaud dans un bar à trois heures moins cinq, tu termines avec un:

«C'était vraiment drôle! Fallait être là!» Tu te rassois. (Soupir suivi d'un silence de salon mortuaire)

«Pis à part ça vous autres? Ça va?...» (Tousse-tousse)

Je sais, je sais que tu aimerais vraiment que ce soit aussi tordant qu'à ce moment. Je le sais car moi aussi j'ai déjà été le spectateur de quelqu'un qui se donnait corps et âme à tenter de me faire revivre son moment grandiose. Je voyais bien dans ses yeux enflammés et encore humide de nostalgie à quel point il voulait que je ressente comment il s'était senti à cet instant. Je le voulais aussi croyez-moi! Mais non... pas capable. Bon ok, attendez que j'y repense à son anecdote pissante. (Réflexion intense) Non, rien à faire, seulement un petit sourire de courtoisie, désolé.

Mais c'est de ta faute et rien que de ta faute. Tu crées des attentes à parler de pipi.

Remarque qu'il y aurait peut-être tante Ginette en ménopause qui pourrait laisser échapper quelques gouttes en lui racontant ton désopilant épisode mais dans son cas ce serait dû à son sphincter lousse. Mais tante Ginette n'est pas une référence, elle dégoûte à écouter Toupie et Binou. Surtout quand Binou tombe en bas du lit. Pissant selon tante Ginette.

Bon ok, j'en ai une anecdote pissante...

Une fois, au camp musical, j'me suis coincé une flûte dans le... (Dixit Michelle dans Folies de graduation)

Non s'cusez. Je recommence...

Donc voilà.

À 6 ans, au centre d'achats avec ma mère, en passant devant le mini bar laitier en plein milieu de l'allée centrale, j'y ai demandé une «crèmaglace» et une sloche.

Légitime.

Je ne pouvais assurément pas laisser passer cette opportunité. Vous auriez fait pareil. Elle a dit oui du premier coup en plus en fouillant dans sa sacoche instantanément. Elle me donna deux dollars. Oui oui, deux dollars pour une «crèmaglace» et une sloche. Une explication: 1981.

J'pourrai peut-être même garder le p'tit change! (Me dis-je dans ma p'tite tête)

Non mini-Pat, pousse-pas ta luck (Me redis-je dans ma tête encore p'tite)

Moi et mon argent en papier sommes partis à l'aventure en gambadant pour les quinze pas qui me séparait de mes bonheurs glacés pendant que ma mère m'observait de son banc pour assurément surveiller mes lèvres dire «Svp» et «Merci».

Je me souviens encore de l'attitude que j'avais. J'étais vraiment fier... et très énervé. J'attendais en file parmi des adultes et les autres enfants qui eux, n'avaient pas eu la confiance de leur mère et qui ne pouvaient pas trop bouger considérant la proximité maternelle. Moi j'étais seul. Ils me regardaient donc pratiquer mes «moves» de ninja puisque j'avais du temps à tuer et plusieurs méchants ninjas invisibles qui tentaient de s'en prendre à moi profitant de ma vulnérabilité en l'absence de ma chef ninja assise sur son banc. Je lui jetais d'ailleurs quelques fois un coup d'œil de fierté rapide de m'avoir accordé ce périple de quelques mètres. Elle qui ne me lâchait pas des yeux à travers le mur vitré où l'on entrait d'un côté et ressortait par l'autre, tout en se demandant à quel moment elle devrait intervenir dans mon combat à finir devant grand public. Les gens assis près d'elle qui riaient de me voir, l'aidaient à me tolérer davantage que si elle avait été seule mettons.

C'est mon tour. (J'achève donc d'un dernier coup de pied l'ennemi à proximité) Je commande. Je dis «s'il vous plaît». Je paie. Pendant l'attente, j'en élimine deux de plus qui ont tenté de me surprendre pendant que j'avais le dos tourné, les lâches. (Probablement dans le but de prendre mon butin de deux cents sous) J'attends patiemment. Ok, en sautillant, fredonnant et en me tapant, d'un rythme soutenu, les mains sur les cuisses. Plus le temps pour mes adversaires masqués. Je reçois sur le bout des pieds mon turbo cornet et ma sloche aux cerises. La caissière est même venue me mettre mon change dans mes poches, mains pleines obligent. Je lui dis : « Marfi » (J'avais déjà 2 bouchées de cornet et une gorgée de sloche dans bouche) en tentant de m'éloigner et l'entraînant du même coup avec moi pendant qu'elle avait encore la main dans ma poche de pantalon. Elle la retire, enfin.

Mission accomplie! Je me retournai donc d'un pas décidé à la vitesse de l'éclair voulant aller rejoindre ma mère rapidement, ultra fier de moi qui avait fait ça « comme un grand. » Un grand maître ninja.

(Notez bien: C'est fou ce qu'une vitre ultra propre mélangée à l'excitation démentielle d'un enfant de six ans peut causer comme dommages et retenir comme attention sur lui.

BANG! La molle marbrée «écrapoutie» dans ma face et la sloche aux cerises, dont on a probablement jamais retrouvé le couvercle, partout sur le corps.

Le mur vitré s'était dressé devant moi du haut de mes 3 pieds. Mes lunettes par terre, que dis-je, mes grosses lunettes à joues par terre avec une branche en moins. Mon égo que je ne savais même pas que j'avais déjà en si bas âge s'était sauvé et a fait place à la honte avant même que je puisse avoir mal au nez et que les étoiles qui tournaient au-dessus de ma tête disparaissent.

Je me suis écrasé de plein fouet. Pas de demi-fouet ou de quart de fouet là, non. Le fouet en entier. Je ne me souviens pas d'être déjà entré aussi fort dans quelque chose ensuite. (Insérez ici une blague inappropriée à votre choix...) Je n'ai même pas pleuré, en fait je ne me souvenais pu comment faire.

Quand le mélange «vanille-choco» s'est dissipé de mes yeux aveuglés qui chauffaient, j'ai pu apercevoir à travers la vitre mouillée dégoulinante ce que je me rappelais être la silhouette de ma mère (j'ai pu de lunettes). Je l'entrevoyais elle avec ses "inconnus-complices" du spectacle burlesque et même mes ennemis ninjas, rire avec leurs épaules qui sautaient comme des marteaux-piqueurs. Là je me suis mis à pleurer. Non, pas pleurer, HURLER à en morver, sautillant jusqu'à elle, complètement hystérique.

Je tenais à lui faire savoir que je n'étais pas très heureux de son comportement.

Avec des mots? Bien sûr que non. Je trouvais qu'il était plus convenable de gesticuler dans tous les sens, en tapant dans le vide pour lui faire comprendre comment je me sentais. Mon coton-ouaté détrempé, odeur de cerises, appuyait ma démarche.

J'ai pu me calmer quinze minutes plus tard. Ses complices ne riaient plus du tout depuis au moins quatorze minutes et cinquante secondes et avaient déjà fui pour ne pas être associés à cette scène rappelant un mauvais théâtre d'été. Quant aux ninjas, je les retrouverai bien assez tôt pour me venger.

"C'était VRAIMENT TORDANT..." C'est ce que ma mère répète à chaque fois qu'elle raconte cette histoire depuis ce temps.

Le « moi » de maintenant la ris encore aujourd'hui mais au sec.

Et puis? As-tu fais pipi? Non?

J'te jure! C'était vraiment drôle! Fallait être là! Tu te serais pissé dessus.

Moi j'ai fais pipi en tout cas! Mais lors de cette journée de 1981, devant tout le monde, en plein centre d'achats. Une crise, je vous disais? On a quitté. Je ne touchais plus par terre.

Comme quoi certaines anecdotes sont pissantes finalement...

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