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La pente glissante de l'Université TÉLUQ

Il est assez rare qu’une université se fasse épingler pour des activités antisyndicales. C’est pourtant ce qui vient d’arriver à la TÉLUQ, condamnée pour avoir exercé illégalement des mesures de représailles.
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Bonne foi dans les relations de travail, rigueur dans les aspirations organisationnelles, et surtout réalisme dans l’exécution des plans, telles sont les voies de la solution de ce conflit.
Dougal Waters via Getty Images
Bonne foi dans les relations de travail, rigueur dans les aspirations organisationnelles, et surtout réalisme dans l’exécution des plans, telles sont les voies de la solution de ce conflit.

Il est assez rare qu'une université se fasse épingler pour des activités antisyndicales. C'est pourtant ce qui vient d'arriver à l'Université TÉLUQ, condamnée pour avoir exercé illégalement des mesures de représailles à l'endroit de la présidente du Syndicat des tuteurs et tutrices en la privant de ses affectations, et donc de son salaire.

Pour la juge du tribunal administratif du travail, cette décision était vraisemblablement liée à ses interventions médiatiques qui visaient à dénoncer l'attitude de l'université et la sous-traitance avec une entreprise privée, l'Institut MATCI. Il faut dire qu'en raison de cette sous-traitance, l'encadrement d'environ 37% des étudiants avait été transféré à cet Institut, provoquant la mise à pied d'une quarantaine de postes de tuteurs et de tutrices. La juge a donc rappelé à l'Université TÉLUQ qu'elle ne pouvait se faire justice elle-même et que la présidente du syndicat avait le devoir de défendre les intérêts de ses membres, même dans les médias.

Rien d'étonnant à tout cela puisque la ministre Hélène David avait à l'époque demandé une enquête sur ce contrat en évoquant les violations de trois lois sur l'enseignement supérieur, et suspendu le directeur général de ses fonctions pour le remplacer par un directeur intérimaire. Mais il y a plus.

La présidente du syndicat des tuteurs et tutrices ne dénonçait pas seulement l'entente avec l'Institut MATCI, mais aussi l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective des professeurs, peu de temps après la signature de l'entente en question.

Cette convention collective prévoyait notamment la création d'un nouveau corps d'emploi, les «professeurs sous contrat» qui, outre leurs activités de recherche ainsi que la conception et la révision des cours, recevraient une charge d'encadrement supérieure à celle des tuteurs à plein temps, sans avoir toutefois les avantages réservés aux professeurs réguliers. Selon le porte-parole de l'Université TÉLUQ, 75% des tuteurs et tutrices devaient ainsi perdre leur emploi. Or, pour la présidente, ceci avait pour effet la mise à pied de la presque totalité de ses tuteurs et tutrices.

Le conflit est cependant loin d'être réglé avec cette décision. Car si l'entente avec l'Institut MATCI a été abolie dès l'entrée en fonction du directeur intérimaire, la convention collective en question a continué à être appliquée, contribuant à une augmentation de 44% du nombre de professeurs en un peu plus d'un an, tandis que le salaire de certains tuteurs a été réduit de 80% de ce qu'il était avant 2017. Du coup, la grève générale a été votée au début de 2019 après 17 mois de vaines négociations, malgré l'intervention de deux conciliateurs.

Comment s'explique ce conflit?

Très probablement par le désir de l'Université TÉLUQ de rattraper le terrain perdu depuis 2010 au profit de l'Université Laval en misant sur le développement et le renouvellement de sa banque de cours et de programmes, ainsi que sur l'implantation d'un nouveau modèle d'encadrement reposant essentiellement sur les professeurs. Ainsi, explique-t-elle dans un communiqué faisant suite à la décision de la juge, elle prendra davantage sa place comme chef de file en enseignement à distance, attirera de nouveaux étudiants, et les tuteurs profiteront de son développement comme tous les autres corps d'emploi.

Le problème est cependant double. D'une part, il est loin d'être acquis qu'un développement tous azimuts s'accompagne d'une augmentation correspondante des inscriptions étudiantes, comme le prouve d'ailleurs l'histoire de la Télé-université dont le nombre de cours offerts a doublé entre 1983-84 et 1991-92, alors que le nombre d'étudiants diminuait de 10%. La réponse aux besoins de formation des étudiants est ici déterminante, notamment en ce qui a trait à la formation professionnelle. À ceci s'ajoute évidemment le modèle de formation proposé, hybride à l'Université Laval et uniquement à distance à l'Université TÉLUQ, de même que les modalités de cheminement, et bien sûr l'encadrement dont dépend la réussite étudiante.

D'autre part, quelle que soit la légitimité d'un changement, elle n'autorise pas pour autant une organisation à procéder avec précipitation en faisant fi de ses engagements antérieurs, et surtout pas à se débarrasser sans cause et sans dédommagement raisonnable d'une partie importante de son personnel. À cet égard, plusieurs litiges sont en cours, auxquels l'Université TÉLUQ ne saurait se soustraire, ne serait-ce que pour faire la preuve du bien-fondé de son modèle de développement et répondre aux inquiétudes fondées des tuteurs, qui le vivent à la dure.

Bonne foi dans les relations de travail, rigueur dans les aspirations organisationnelles, et surtout réalisme dans l'exécution des plans, telles sont les voies de la solution de ce conflit.

Pour atteindre ses objectifs, l'Université TÉLUQ ne manque pas de ressources expertes, que ce soit en gestion, en communication ou en droit du travail. Elle a même, chose rare, une expertise dans les stratégies antisyndicales! Encore faut-il qu'elle les utilise à bon escient, comme ce jugement vient de lui rappeler.

La réputation et le succès de l'Université TÉLUQ n'en demandent pas moins.

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