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Où en est la reconnaissance de la dignité humaine?

Malgré les coupures budgétaires mettant en péril les couches de la population les plus vulnérables, le Canada a participé aux activités guerrières de la coalition menée par les États-Unis contre le terrorisme. On peut douter que ce soit là la meilleure manière de soutenir les populations locales dans leur quête de dignité et des droits humains.
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Le 10 décembre 1948, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Nations unies adoptaient à Paris la déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH). Un Canadien, John Peters Humphrey, en fut un des principaux artisans.

Dans son préambule, la DUDH précise que «la reconnaissance de la dignité et des droits égaux et inaliénables de la famille humaine constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde».

Le respect de la valeur humaine, des libertés et de l'égalité des droits représentent les éléments centraux des droits de l'homme, dont on peut retrouver des origines dans les anciens codes de nombreux pays, notamment en Perse. Ce sont ces principes fondamentaux que Nelson Mandela rappelait en avril 1964 au régime d'Apartheid sud-africain de l'époque (qui n'avait pas souscrit à la déclaration). C'est à ces principes que les révoltes des populations ayant vécu ou vivant encore l'oppression font appel.

À l'époque de la naissance de la DUDH, les droits de beaucoup de peuples étaient largement bafoués par certains des États signataires, dont la Belgique, la France et l'Angleterre, qui régnaient encore en maîtres auto-déclarés sur une grande partie des continents africain et asiatique. D'autres comme le Canada menait alors une politique pouvant être qualifiée de «colonialisme interne» qui dépossédait les populations autochtones de leur territoire et de leur autonomie. Quant aux États-Unis, à la même époque, les droits civiques étaient encore régis par la couleur de la peau.

C'est à la lumière de ce profond paradoxe, passé et présent, qu'il convient d'examiner l'idée même de droits universels mis de l'avant dans la DUDH. Celle-ci insiste sur l'importance de la fraternité entre les êtres humains; du respect de la différence et de la liberté; du droit pour tous à la protection juridique et à la libre circulation; du droit d'asile; du droit individuel ou collectif à la propriété; de la liberté de pensée, de conscience et de religion; du droit à la sécurité, à la protection sociale, à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, et à l'éducation.

Cette déclaration insiste également sur l'interdiction de la mise en esclavage, de la torture et de la cruauté, et de la détention et de l'exil arbitraires. Il est également précisé que chaque individu a des devoirs envers la communauté dans l'exercice de ses droits.

Les défis de la DUDH

À l'échelle mondiale, l'un des défis majeurs de cette déclaration est sûrement l'adhésion à cet idéal commun dans le respect de la différence. Présentement, les actions menées dans un cadre national ou international semblent plutôt répondre à des intérêts et des alliances géostratégiques et financières, et à une logique humanitaire et/ou militaire.

La violence structurelle est encore globalement omniprésente. On observe une accentuation de la pauvreté et des inégalités sociales un peu partout, y compris au Canada. Depuis une trentaine d'années, la logique marchande s'est accentuée et avec elle, déréglementations et privatisations. Au nom du dogme de l'équilibre budgétaire, les coupures dans le domaine de l'aide sociale vont bon train. Tandis que certaines professions, les grands patrons des sociétés d'État, les multinationales ou encore les entreprises minières et les institutions financières continuent à s'enrichir.

Au Québec beaucoup ont un travail à plein temps qui ne leur permet pas de sortir de la pauvreté. Le travail temporaire s'accentue, ce qui est une aubaine pour la logique néolibérale. Est-ce de cette manière que le Canada entend répondre aux principes de la déclaration universelle des droits de l'homme qui prône pourtant le droit à un «niveau de vie suffisant». Ce n'est pas le cas si l'on en croit les nombreuses études de santé publique qui insistent sur les effets délétères de la pauvreté. Et l'on sait que les bouleversements climatiques annoncés risquent de limiter encore un peu plus les droits et les libertés si d'importantes mesures environnementales contraignantes ne sont pas prises.

La situation de beaucoup de populations autochtones dans le monde paraît également nous éloigner de ces beaux principes: faut-il rappeler le nombre de communautés des Premières nations n'ayant pas accès à l'eau potable, à des logements décents ou encore au droit à la propriété au Canada?

Le cas des réfugiés

Malgré les coupures budgétaires mettant en péril les couches de la population les plus vulnérables, le Canada a participé depuis le début des années 2000, d'une manière ou d'une autre, aux activités guerrières de la coalition menée par les États-Unis contre le terrorisme. On peut douter que ce soit là la meilleure manière de soutenir les populations locales dans leur quête de dignité et des droits humains.

Les pertes humaines militaires et civiles conjuguées aux coûts financiers de ces opérations sont énormes sans compter les centaines de milliers de réfugiés obligés d'émigrer de ces régions en guerre avec l'espoir de conditions de vie plus acceptables. À cette situation, les États-nations européens et nord-américains tantôt leur ouvrent leurs frontières pour raison humanitaire tantôt les ferment tandis que d'autres élèvent des murs et placent des barbelés entre eux et ces personnes et ces familles cherchant un refuge qui les protègerait des violences guerrières, au mépris de la dignité humaine.

Nouvellement élu, le premier ministre Justin Trudeau maintient le cap vis-à-vis de l'accueil de 25 000 réfugiés. Pendant ce temps, certains vivent au Canada sans statut migratoire ou avec un statut précaire limitant fortement leurs droits. D'autres vivent dans la peur d'être tout simplement expulsé. La décision de l'intensité et de la nature de l'implication du Canada dans la «guerre contre le terrorisme» n'est pas encore très claire même si l'on sait que les frappes contre l'État islamique continuent sans que l'on sache toutefois si celles-ci causent des victimes civiles. Nous ne croyons pas que ces actions vont dans le sens de la paix.

Dans tous les cas, nous tenons à rappeler l'importance de replacer la dignité humaine au centre de toute décision politique, publique et individuelle. Sans une véritable adoption globale de ce principe, la paix dans le monde ne sera qu'une chimère.

Patrick Cloos, Gilles Bibeau, Barthélemy Kuate Defo, Hazar Haidar, Yara El-Ghadban, Valéry Ridde et Keira Mecheri, Université de Montréal; Christiana Abraham, Université Concordia ; Ellen Corin, Université McGill; Rachad Antonius, Université du Québec à Montréal.

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