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Nécessaire révolution énergétique: la classe politique sera-t-elle à la hauteur?

Il est évident que si le Québec ouvre la porte à ces projets de pipelines et à l'exploitation pétrolière, il en résultera des augmentations d'émissions planétaires en raison de l'expansion de la production du pétrole des sables bitumineux et de schiste qui sont non conventionnelles.
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Ce billet est cosigné par Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada, et Christian Simard, directeur de Nature Québec.

Quelques jours avant le déclenchement des élections le gouvernement du Québec a dévoilé dans la confusion et un relatif anonymat le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec qu'il avait mandatée pour consulter la population et formuler des recommandations. Plusieurs organisations dont les nôtres avions demandé à maintes reprises un véritable débat public sur l'énergie au Québec. Ce rapport est une importante étape qui exige des suites immédiates, car il contient d'intéressants constats et recommandations dont la société québécoise doit débattre. Chose certaine, il interpelle la classe politique qui ne peut désormais se contenter de « clips de presse » face à la révolution énergétique que nous devons opérer quant à notre consommation et notre production d'énergie.

Il est temps que le Québec se dote d'une véritable politique énergétique, une véritable « Charte de l'énergie ». Lors des élections, les partis politiques provinciaux doivent nous partager leur vision des enjeux énergétiques et climatiques et élever le débat. Trop souvent, ces enjeux cruciaux sont à peine abordés alors qu'ils sont indissociables d'une utilisation durable des ressources et de nos modes de vie. D'ailleurs, n'hésitez pas à demander aux candidat(e)s dans votre circonscription et aux partis politiques qu'ils s'engagent en ce sens.

Manque d'ambition et potentiels reculs dans la lutte aux changements climatiques

Selon la Commission, notre société doit « résolument mettre le cap sur la réduction de la consommation d'hydrocarbures fossiles [...]» et « Québec n'atteindra pas ses objectifs de réduction de GES à moins d'un virage majeur ». Ce constat l'amène à exiger, tout comme nous d'ailleurs, qu'une reddition de comptes rigoureuse soit réalisée sur la mise en œuvre et l'atteinte de ces objectifs. Un autre important constat émerge : il faut questionner la production inutile d'énergie, même renouvelable, compte tenu des surplus d'électricité énormes et du grand potentiel en économie d'énergie. Cette production inutile entraîne des coûts énormes, véritables subventions aux producteurs qui dépassent le milliard de dollars annuellement.

La Commission recommande également que le Québec « adopte une cible intermédiaire de 20 % de réduction de la consommation provenant des produits pétroliers d'ici 2025 » ce qui serait un grave recul alors que le gouvernement vise actuellement - 30% en 2020. La Commission recommande aussi une réduction de 15 % des émissions de GES associées à l'énergie ce qui serait un autre dangereux recul alors que l'objectif du Québec est de moins 25% en 2020 par rapport à 1990. Rappelons que le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) recommande que les pays industrialisés réduisent globalement de 25% à 40% leurs émissions d'ici 2020 (par rapport à 1990).

Face à la crise climatique, le Québec doit redoubler d'ardeur et réaliser une rapide révolution énergétique. Or, la Commission propose de faire moins et le faire plus tard. La Commission recommande aussi de suspendre le système de plafonnement et d'échange d'émissions (SPEDE) que le Québec a mis en place avec la Californie le temps que l'Ontario y adhère. Selon nous, le Québec doit tout faire pour que d'autres régions se joignent au SPEDE alors que s'en retirer signifierait sa mort.

La Commission recommande également que Québec « adopte une cible de réduction des émissions de GES de 75 % pour le secteur énergie à l'horizon 2050 ». Adopter une cible à long terme est important, mais cette dernière doit respecter les recommandations scientifiques (GIEC) et plutôt se situer entre -80 et -95% si l'on souhaite éviter le pire pour le climat. Pourquoi ne pas s'inspirer des meilleurs comme l'Allemagne par exemple qui vient de publier un scénario de neutralité des émissions de gaz à effet de serre pour 2050?

Critiques des solutions proposées

Pour ce qui est de la consommation d'énergie, la Commission propose une panoplie de solutions intéressantes pour la réduire, et ce, dans différents secteurs névralgiques. Par exemple, elle propose d'améliorer la performance des bâtiments, de lutter contre l'étalement urbain, de favoriser le déplacement des personnes plutôt que celui des véhicules, de réduire le nombre de kilomètres parcourus par véhicule par personne, de réduire les émissions de GES pour le secteur du transport des marchandises, d'investir massivement dans les infrastructures de transport collectif des personnes, etc. En bref, elle recommande de « maitriser l'énergie » en choisissant, entre autres, les modes de consommation les plus efficaces et les sources d'énergie dont le cycle de vie minimise les émissions de GES.

Du côté de la production d'énergie, nous voyons d'un bon œil la proposition pour une évaluation environnementale provinciale-fédérale sur l'exploitation du pétrole dans le Golfe Saint-Laurent. Nous sommes toutefois étonnées que la Commission ne fasse pas preuve de la même prudence et ne recommande pas d'évaluation qui permettrait d'encadrer l'exploration du pétrole de schiste à Anticosti alors que la technique de la fracturation présente elle aussi d'importants risques environnementaux.

Du côté de l'approvisionnement, la Commission juge que le projet d'oléoduc de sables bitumineux Énergie Est de TransCanada - qui ferait passer 1,1 million de barils de brut par jour par le Québec - doit être soumis au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). Nous appuyons fortement cette demande, mais trouvons pour le moins paradoxal que la Commission donne son appui au projet d'Enbridge qui lui, n'a pas été soumis à une véritable évaluation environnementale. Il est important de rappeler que les pétrolières voient ces projets d'oléoducs comme essentiels pour permettre l'expansion de la production du pétrole des sables bitumineux qui est considéré comme le plus sale de la planète par la revue Nature.

Il est évident que si le Québec ouvre la porte à ces projets de pipelines et à l'exploitation pétrolière, il en résultera des augmentations d'émissions planétaires en raison de l'expansion de la production du pétrole des sables bitumineux et de schiste qui sont non conventionnelles.

Le Québec a tout à gagner à réduire drastiquement sa consommation de combustibles fossiles et à choisir les pétroles les moins polluants et tout retard en ce sens ne fera qu'augmenter les coûts sociaux, environnementaux et économiques. Or, verrons-nous les partis politiques s'engager courageusement à relever le principal défi auquel se voit confronter l'humanité, la lutte aux changements climatiques, ou simplement démissionner pour des considérations électorales à courte vue? En ce faisant, ils trahiraient sûrement leurs responsabilités de leaders et les véritables valeurs des Québécois.

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