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Un monde où l’Amérique s’emmure elle-même

Il vient un temps, à force d'être odieux et fâchant, où même les amis finissent par se détourner de nous.
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La conclusion d'une entente de principe entre 11 pays signataires du partenariat Trans-Pacifique montre que le monde est en train de s'organiser sans les États-Unis. Il y a un mois, le One Planet Summit, tenu à Paris, a débouché sur des engagements concrets de la part des pays participants malgré (certains diront grâce à) l'absence des États-Unis.

Cela a quelque chose de rassurant. La Terre continue de tourner même si Washington semble penser qu'elle est plate! Les États-Unis, en se désengageant volontairement de certains accords (climat, PTP, ALÉNA, financement de l'ONU, etc.) et en prônant une approche America First qui est, en fait, America Only, semblent faire exprès pour provoquer la colère et susciter l'indignation de par le monde. Je ne dis pas qu'il est inutile de « brasser la cage » à l'occasion. Mais ne faire que cela, en semblant éprouver un malin (et malsain) plaisir à déboulonner même ce qui marche bien, cela déconcerte et laisse pantois. Surtout, il faudrait que l'administration américaine ait des plans de rechange cohérents pour les ententes ou programmes qu'elle torpille, ce qui n'est pas le cas.

Les dysfonctionnements de la société américaine (criminalité et violence – une tuerie en moyenne aux deux semaines dans les écoles américaines) et du système politique de Washington (on pense aux blocages budgétaires de 2013 et actuel ou encore à la partisanerie exacerbée qui mène au bouchon législatif au Congrès) ne laissent pas d'éberluer les observateurs étrangers. Cela aussi nuit considérablement à l'image de Washington dans le monde.

Il vient un temps, à force d'être odieux et fâchant, où même les amis finissent par se détourner de nous.

Au-delà des dossiers où les É.-U. ne sont pas retirés ou disqualifiés d'eux-mêmes, les vitupérations et les grossièretés du président ont réussi, en un an, à leur mettre à dos bien des pays qui auraient pu être disposés à accueillir favorablement l'influence américaine. Il vient un temps, à force d'être odieux et fâchant, où même les amis finissent par se détourner de nous.

Ce qui risque d'arriver, à mesure que les autres pays s'entendront sans les États-Unis, dans une foule de domaines où la concorde entre les pays est de mise, est que ces pays en viennent à la conclusion que la communauté internationale fonctionne mieux sans les États-Unis. Abandonnés et s'étant eux-mêmes mis au ban de la société mondiale, les États-Unis, s'ils poursuivent leur politique actuelle, n'auront plus qu'à retourner au splendide isolationnisme qui était le leur il y a un siècle.

Le Mur que le président américain rêve tant de construire à la frontière du Mexique, en fait, s'érige déjà, de lui-même, politiquement, affectivement, économiquement, autour des États-Unis.

Une forteresse Amérique de plus en plus repliée sur elle-même avec une mentalité de pays assiégé, voilà l'image qui se dessine. On étend au pays entier le concept des quartiers emmurés (les gated communities). On retourne au Moyen-Âge à l'époque où les villes fermaient leurs portes aux étrangers et levaient le pont-levis des châteaux le soir venu. Le Mur que le président américain rêve tant de construire à la frontière du Mexique, en fait, s'érige déjà, de lui-même, politiquement, affectivement, économiquement, autour des États-Unis.

La différence résidera dans le fait qu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, les États-Unis se sont volontairement désarmés et repliés sur eux-mêmes alors qu'aujourd'hui ils se réarment massivement, cherchant, semble-t-il, à projeter une puissance brute, au lieu de se servir de leur puissance militaire pour appuyer subtilement un softpower qui pourrait être bénéfique pour la planète.

En fait, et c'est probablement la sanction la plus sévère qui puisse être imposée au géant américain, on assistera à une situation où de plus en plus de pays et de peuples qui les habitent vont devenir simplement indifférents face à l'Amérique. D'ailleurs, la désaffection générale est déjà commencée, elle est palpable, mesurable. Ce désintéressement se traduit notamment par une importante baisse du tourisme vers les États-Unis au moment où le tourisme mondial est pourtant en forte hausse. C'est le premier prix économique payé par les États-Unis et d'autres deviendront apparents (ex. inflation et chômage en hausse), une fois que les flux commerciaux actuels auront été détournés à force d'ériger de nouvelles barrières et que le marché en aura absorbé les effets.

Bientôt, les turpitudes futures du président et les violences d'une société qui se divise sur plusieurs axes socio-politiques, du moment où on y aura été trop exposés, ne seront plus accueillies qu'avec des moues et des haussements d'épaules. Et on dira, « il y avait autrefois un grand pays qu'on appelait l'Amérique... ».

Avril 2018

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