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Mensonges d’État et tas de mensonges

La débandade actuelle des institutions américaines est accentuée par l'accident historique et politique que représente l'élection de Donald Trump.
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La grossièreté du personnage, si on la compare au charme suave d'un Bill Clinton, a tendance à nous donner l'impression du jamais vu. Mais, sur le fond, plutôt que la forme, le président actuel ressemble beaucoup à son prédécesseur démocrate des années 1990.
Leah Millis / Reuters
La grossièreté du personnage, si on la compare au charme suave d'un Bill Clinton, a tendance à nous donner l'impression du jamais vu. Mais, sur le fond, plutôt que la forme, le président actuel ressemble beaucoup à son prédécesseur démocrate des années 1990.

J'ai traité précédemment des professionnels du mensonge, ces entrepreneurs du sabotage politique organisé ou purement malicieux. S'ils agissaient en vase clos, on pourrait les laisser dans les marges où ils méritent de végéter. Mais leur action est répercutée par le président américain à un niveau, sinon complice, parfaitement irresponsable.

Crise de confiance envers la présidence

Certes, tous les présidents, depuis 1960, chacun à sa façon, ont miné l'édifice de confiance des Américains envers la présidence. Certains, je pense ici à Jimmy Carter et Barack Obama, ont surtout déçu compte tenu des énormes attentes placées en eux, alors que d'autres, Nixon et Clinton, ont causé plus de dommages moraux que d'autres.

Gerald Ford, en accordant la grâce présidentielle à Nixon pour le Watergate, a miné sa propre présidence. Bush père tentait d'être droit, son fils a eu un parcours plus sinueux et la débâcle irakienne, fondée sur un immense mensonge, a aussi contribué à la crise de confiance actuelle envers la présidence.

La raison d'État a amené des présidents à mentir. Les Pentagon Papers ont révélé que le mensonge officiel pouvait s'étendre d'un parti à l'autre et traverser des décennies. Wikileaks en a démontré la pratique généralisée.

Le cynisme grandissant de la population est à la mesure de la déception de celle-ci.

Le cynisme grandissant de la population est à la mesure de la déception de celle-ci, face à des hommes et des femmes politiques surpris de plus en plus souvent par une langue fourchue et par de grosses affaires où se mélangent corruption, vénalité et attrait pour l'argent ou pour les petits bénéfices matériels du pouvoir.

Ce n'est guère mieux ici. Les principes, pour lesquels on démissionnait autrefois, sont devenus «marchandables». Une limousine ministérielle vaut bien quelques convictions personnelles passées au tordeur!

Aux plus hautes marches de l'État

Traiter du mensonge officiel et discuter de sa justification, ou non, dans certaines circonstances, prendrait plus de place que cette chronique ne le permet. Il faut nous limiter à mentionner la situation unique créée par une présidence où le mensonge personnel, quotidien et répété, déborde sur les affaires de l'État pour en faire des affaires d'État.

On voit, simplement à lire ce qu'il écrit sur lui-même, que le président Trump a un besoin maladif de se faire dire qu'il est le plus grand et le plus intelligent. Les manifestations de cette pathologie semblent augmenter à mesure que le mandat présidentiel avance. Dans le cas présent, l'extraordinaire pouvoir de répercussion de la parole de tout président américain donne à ces mensonges personnels, qui se fondent dans l'actualité et se distillent jusque dans les politiques et les déclarations officielles, un écho qui les rendent crédibles à une proportion inquiétante de la population américaine.

Donald Trump est-il un phénomène unique ou l'aboutissement d'une dégénération de la classe politique américaine?

Donald Trump est-il un phénomène unique ou l'aboutissement d'une dégénération de la classe politique américaine? La grossièreté du personnage, si on la compare au charme suave d'un Bill Clinton, a tendance à nous donner l'impression du jamais vu. Mais, sur le fond, plutôt que la forme, le président actuel ressemble beaucoup à son prédécesseur démocrate des années 1990. Plusieurs Américains font maintenant le parallèle entre les deux, notamment sur leur comportement à l'égard des femmes.

Il faut remonter à la présidence de Bill Clinton (et à sa campagne présidentielle) pour voir le mensonge occuper autant de place. Bill Clinton mentait sur son dossier de conscription et ses efforts pour éviter de servir au Vietnam, sur les scandales financiers l'ayant impliqué avec son épouse Hillary (l'Affaire Whitewater), sur plusieurs affaires de harcèlement qui nous rappellent les raisons du mouvement «MoiAussi».

Il en vint même à se parjurer, ce qui amènera sa destitution par la Chambre dans un premier temps, dans l'affaire Monica Lewinsky. Le couple Clinton, ambitieux et parvenu, s'est forgé une place sur la scène politique tout en trainant bien des casseroles, comme diraient les Français.

La situation se détériore

La débandade actuelle des institutions américaines est accentuée par l'accident historique et politique que représente l'élection de Donald Trump.

Déjà la perception du président, comme ayant un rapport compliqué avec la notion de vérité, avait été au cœur des primaires et de l'élection présidentielle de 2016. Mais, depuis son inauguration, la crise de confiance et la montée du cynisme de la population sont en hausse constante.

Il vaut la peine de visionner les 15 minutes de PBS Newshour du mercredi 25 juillet.

En fait, selon un récent sondage, l'image du président comme étant un menteur habituel est fermement établie dans la majorité de la population américaine. Certains médias font le relevé quotidien des mensonges et déclarations trompeuses du président Trump depuis son inauguration et celles-ci dépassent, en 18 mois, le chiffre de 4200! Plus inquiétant encore, la moyenne quotidienne des affirmations mensongères ou trompeuses est passée de 4,9 par jour, pendant les 100 premiers jours de la présidence, à plus de 16 par jour depuis le début de l'été!

M. Trump peut se féliciter, à force de turpitudes et de bassesses de toutes sortes, à coup de politiques qui ne cessent de laisser le reste du monde pantois, il est en train de remporter la palme du plus grand sapeur de l'édifice politique américain.

Pour comprendre où en sont arrivés les États-Unis et comment la vérité est devenue une victime de plus du système politique américain actuel, je vous recommande de lire The Death of Truth: Notes on Falsehood in the Age of Trump de Michiko Kakutani, une journaliste réputée du New York Times.

La fin de l'innocence

Pendant longtemps, les présidents des États-Unis étaient admirés par les enfants de leur pays pour les valeurs qu'ils incarnaient. À tort ou à raison, on leur prêtait des vertus de droiture, d'intégrité et d'honnêteté. On ne s'imaginait pas qu'un président puisse sciemment mentir au peuple américain.

Qui les écoliers américains peuvent-ils admirer aujourd'hui?

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