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Pour une fois, le président Trump trouve chaussure à son pied!

La Chine a quelques milliers d'années d'expérience diplomatique, le président Trump est un néophyte en ce domaine et on ne peut pas dire qu'il soit naturellement porté sur la chose...
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Le président américain Donald Trump et le président chinois Xi Jinping en novembre dernier, à Beijing.
Thomas Peter / Reuters
Le président américain Donald Trump et le président chinois Xi Jinping en novembre dernier, à Beijing.

Jusqu'à présent, les bravades et « sparages » du président américain portaient peu à conséquence. C'est une chose de s'en prendre à un lilliputien économique, comme la Corée du Nord ou faire les gros bras face au régime iranien, dont le capital international de sympathie est minime, mais, maintenant qu'il s'attaque à la Chine, deuxième puissance mondiale, les balles politiques et économiques reviennent rapidement.

Déjà, les marchés boursiers réagissent de façon négative au climat créé par la politique commerciale agressive de Washington à l'endroit de la Chine et on peut facilement imaginer un recul boursier majeur si la situation ne se stabilise pas rapidement entre Beijing et Washington. Ce sera un premier, mais patent exemple du caractère automutilant des politiques économiques trumpiennes.

Une guerre commerciale Chine États-Unis

S'alimentant mutuellement, des mesures de représailles commerciales et le danger constant d'une escalade verbale, surtout en provenance des États-Unis, risquent de conduire à une rapide détérioration de l'ensemble des relations sino-américaines et à de multiples complications de la situation internationale, en débordant, notamment, sur des enjeux de sécurité comme le dossier de la Mer de Chine!

Outre les deux principaux protagonistes, presque tous les pays (sauf la Corée du Nord, ironiquement) feraient les frais d'une guerre commerciale sino-américaine!

Outre les deux principaux protagonistes, presque tous les pays (sauf la Corée du Nord, ironiquement) feraient les frais d'une guerre commerciale sino-américaine!

Je m'attendais personnellement à ce que l'administration Trump frappe la Chine en 2019-2020 en prévision des présidentielles de 2020. Mais la Corée du Nord semblant lui filer entre les doigts, comme levier de ralliement derrière le président en prévision de l'échéancier électoral des élections de mi-mandat de novembre prochain, il faut bien que le président et ses conseillers politiques se tournent vers l'autre cible, « l'éléphant dans la pièce commerciale », si je puis dire.

Comme il fallait s'y attendre, la Chine a réagi fermement par des mesures de rétorsion, proportionnelles à celles annoncées par Washington, parce que son statut de grande nation commerciale ne lui laissait pas d'autres options. Certes, s'il est vrai que la Chine possède une proportion importante des Bons du Trésor américains en circulation dans le marché international et qu'à ce titre elle peut influencer sur le cours de la devise américaine, une chute du dollar, dans les faits, nuirait à la Chine. L'Empire du Milieu a encore besoin du marché américain pour écouler sa production manufacturière et un dollar plus faible nuirait aux exportations chinoises. Les millions d'emplois créés par l'accès aux consommateurs américains sont essentiels, à court terme, à la stabilité économique et politique du pays et la Chine ne peut se permettre, maintenant, une guerre commerciale totale, car aucun autre pays ou marché ne pourrait servir à écouler la production chinoise sans avoir recours à du dumping à grande échelle. Elle va donc chercher, à court terme, à limiter les dégâts et négocier avec Washington, un peu comme le Japon a négocié des limites dans ses exportations de certains produits, notamment des automobiles, vers les États-Unis, dans les années 1970, pour éviter une guerre commerciale débridée. D'ailleurs ne parle-t-on pas déjà de négociations en coulisses entre les deux pays ?

La Chine va aussi réagir par un discours interne suffisamment nationaliste pour répondre à sa propre clientèle domestique qui n'en attend pas moins! Surtout au lendemain de l'investiture illimitée que le président Xi Jinping a obtenue, notamment parce qu'il répond aux attentes des plus nationalistes du pays, dont l'Armée.

Beijing va tenir un discours modéré pour consommation internationale, afin de se conformer à son nouveau statut de pays raisonnable et de leader des pays libre-échangistes, statut assumé depuis Davos 2017. Ainsi, la Chine pourra habilement faire contraster son discours raisonnable avec celui souvent perçu, il faut bien le dire, comme irrationnel en provenance de Washington depuis 16 mois.

Une mémoire d'éléphant (ou de dragon!)

Surtout, la Chine va se souvenir ! Le comportement américain va laisser des traces. La Chine a quelques milliers d'années d'expérience diplomatique, le président Trump est un néophyte en ce domaine et on ne peut pas dire qu'il soit naturellement porté sur la chose...

La diplomatie chinoise a toujours été empreinte de mille subtilités, contrairement à celle des États-Unis, surtout depuis l'an dernier.

La diplomatie chinoise a toujours été empreinte de mille subtilités, contrairement à celle des États-Unis, surtout depuis l'an dernier. La Chine est adepte du « linkage » en tout ! Pour elle, tous les enjeux sont liés. Il y aura donc des répercussions sur des dossiers bilatéraux et un refroidissement du climat diplomatique qui se fera sentir par mille petits soucis quotidiens dans les relations bilatérales.

La Chine va aussi faire sentir à Washington qu'elle peut peser lourd dans certains dossiers et que sa bonne volonté n'est pas inconditionnelle. La rencontre surprise Xi-Kim de la semaine dernière doit être vue en ce sens. J'écoutais les nouvelles chinoises lors de mon passage en Chine, il y a quelques jours, et le président Xi vantait la relation historique de son pays avec la Corée du Nord, alors que depuis six ans il n'avait jamais rencontré Kim, car Beijing était mystifié par la trajectoire adoptée par le petit-fils de Kim Il-Sung! Et bien sûr, tous les médias chinois faisaient écho au tournant diplomatique du jour! Bref, au moment où les É.-U. s'imaginaient que la Chine travaillait pour eux dans le dossier nord-coréen, cette rencontre, alors que M. Trump espère toujours de son côté toujours un sommet avec Kim, lance un véritable pavé dans la marre diplomatique américaine. La stratégie américaine d'isolement de Pyongyang est ainsi court-circuitée en quelques heures et ce timing, au lendemain de l'annonce des taxes américaines sur certaines importations chinoises, n'est pas fortuit.

Au plan économique, il faut s'attendre à ce que la Chine cherche à diversifier ses marchés et ses appuis politiques en négociant de nouveaux accords commerciaux bilatéraux ou régionaux.

Les gestes posés récemment par l'administration américaine feront peut-être prendre conscience, dans les couloirs du pouvoir de la capitale chinoise, que la compétition économique, politique et militaire, attendue avec les États-Unis, pour la suprématie mondiale, pourrait être lancée plus tôt que prévu. Jusqu'ici, le pouvoir chinois, dans la plus pure tradition de ce pays, s'est attardé à gagner du temps, à se constituer des forces militaro-industrielles, en cherchant à repousser le plus tard possible une confrontation jugée, cependant, probablement inévitable. Mais peut-être les dirigeants chinois auront-ils compris, en observant ce qui se passe depuis seize mois, que le grand sablier de l'Histoire, brassé par un président américain qui bouscule tout, se vide plus rapidement qu'escompté et que l'heure de l'épreuve de force a déjà sonné.

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