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Cyberdépendance des jeunes en Chine

Quand ce ne sont pas les enfants, ce sont les jeunes parents eux-mêmes qui n'arrivent plus à décrocher, au point où leur vie de couple en souffre.
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Damir Sagolj / Reuters

Si, au plan individuel, le jeu en ligne peut paraître inoffensif, il en va autrement à l'échelle de la société et, pour certaines communautés culturelles, le problème est plus alarmant.

Au Québec, la dépendance au jeu a été documentée comme plus importante dans la communauté chinoise. D'autres exemples, comme Singapour, démontrent la dimension culturelle de la dépendance au jeu. Et l'État québécois, via ses casinos, notamment, ne se prive pas pour profiter de ce penchant. D'ailleurs, je me souviens avoir rencontré à Hong-Kong des représentants de Loto-Québec, venus exprès pour ramener au Québec, pour quelques jours de grande vie et de grosses mises, des millionnaires chinois et hong-kongais.

Une question de culture

Les Chinois aiment le jeu. Tous les jeux. Les jeux d'argent, les jeux de société, comme le mah-jong ou le go. Le jeu est lié à la chance et celle-ci, sa présence ou son absence, influence les comportements et les attitudes depuis des millénaires en Chine, pendant les grandes fêtes comme au quotidien. Mais, leur attention se porte aujourd'hui sur d'autres jeux électroniques et cette industrie se développe en Chine à un rythme fulgurant, comme les dépenses qui y sont associées. La Chine, en 2016, a dépassé les États-Unis comme premier marché avec des revenus de jeux en ligne dépassant les 24 milliards de dollars, contre 23 milliards. Pour donner des ordres de comparaison, les Japonais (12 milliards), le Canada (1,8 milliard), le Royaume-Uni (3,9 milliards) et la France (2,7 milliards) sont loin derrière. Certes, par personne, le Japon et les États-Unis dépensent plus, mais, comme proportion du revenu moyen et en fonction de la richesse de l'économie, on voit que le jeu vidéo en Chine est une industrie majeure. Un site internet (en anglais) vous permettra de voir des statistiques pour tous les pays.

La popularité des jeux est illustrée par une finale de jeux vidéo qui, récemment, attira 40 000 spectateurs au Stade olympique de Beijing.

Pour la Chine, avec près de 500 millions d'internautes et certains jeux étant téléchargés par plus de 100 millions de clients, la situation est particulière, car la dimension culturelle indéniable qui s'ajoute complique les choses, de même qu'un problème lié au peu de place faite aux jeunes dans une société très ordonnée, organisée par les grands. La popularité des jeux est illustrée par une finale de jeux vidéo qui, récemment, attira 40 000 spectateurs au Stade olympique de Beijing.

L'avènement des ordinateurs a rendu les jeux traditionnels comme les jeux en ligne accessibles à tous et à toute heure, que l'on soit en société ou seul devant son écran. Ces jeux sont présents sur tous les PC, iPhone ou iPad et des Gardes rouges ne pourraient plus les saisir, aujourd'hui, comme leurs jeunes prédécesseurs saisissaient les jeux de mah-jong pour les détruire pendant la Grande révolution culturelle.

Si la Révolution culturelle est un lointain cauchemar, le mauvais rêve prend la forme aujourd'hui, de l'obsession des jeux électroniques chez les jeunes. Tous ceux qui ont vécu en Chine ont pu constater à quel point les jeunes Chinois sont accrochés à leur téléphone intelligent, à leur iPad ou leur ordinateur, au sens physique comme figuré. Dans les médias chinois, on dit que plus de 90% des jeunes ne peuvent plus se passer de leur téléphone intelligent ou de leur iPad. La passion des jeunes pour ces outils devient tellement forte que certains négligent leurs études, leur travail et même leur famille. Ils en deviennent asociaux. Dans ces « bars », les gens sont cordés les uns sur les autres, mais la présence des voisins ne dérange pas, tellement on est absorbé par l'écran devant soi. Dans les restaurants, en famille ou avec les amis, on ne dialogue plus, on clique chacun de son côté! Dans le métro, tous les yeux sont rivés sur des écrans de différentes tailles. Chacun est dans sa bulle numérique.

Les jeunes sont accrochés à ces ordinateurs pendant des heures, comme les joueurs aux machines à sous, à Las Vegas ou Macao.

Pour ceux qui ne peuvent se permettre les outils sophistiqués que sont les I-phone ou même un ordinateur personnel, des cyber-bars, enfumés et surpeuplés, permettent d'avoir accès à des ordinateurs pour des sommes dérisoires. Souvent, toutes leurs économies ou leur argent de poche s'engouffrent dans ces jeux et, comme nos joueurs invétérés, on a vu des jeunes qui s'endettaient pour continuer à assouvir leur passion! Les jeunes sont accrochés à ces ordinateurs pendant des heures, comme les joueurs aux machines à sous, à Las Vegas ou Macao.

Bien que les jeunes filles ne soient pas exemptes, le problème touche très majoritairement les jeunes hommes, non mariés. Ce problème en est devenu un de société et toutes les familles ou presque sont touchées. Quand ce ne sont pas les enfants, ce sont les jeunes parents eux-mêmes qui n'arrivent plus à décrocher, au point où leur vie de couple en souffre.

Des cliniques de désintoxication électronique

Récemment, La Presse faisait état de cliniques spécialisées au Brésil visant à traiter la dépendance numérique des jeunes, en particulier. Pourtant, le problème y est beaucoup moins criant qu'en Chine.

En Chine, comme au Brésil, il faut parfois recourir aux grands moyens pour désintoxiquer les cas les plus sévères. Des centres qui se nomment 戒网瘾中心 ou 戒网中心, que l'on pourrait traduire par « Centre de dépendance des réseaux ou d'internet » ou plus élégamment par « Centre de traitement des dépendances numériques », ont été créés. La qualité des services offerts est inégale. La plupart sont privés et échappent à la surveillance des autorités, de sorte que de nombreuses plaintes sont faites pour mauvais traitements des jeunes qui y séjournent.

Beaucoup fonctionnent sur le modèle des boot-camps américains, où une discipline rigoureuse est présentée comme la meilleure façon de traiter les victimes de dépendance. Comme me disait une amie, « On dit que c'est militaire parce que ça fait joli et sérieux, mais en réalité la plupart des camps qui désintoxiquent les jeunes gens le font par la violence ».

Sans doute pourrait-on faire mieux, pour guérir et, surtout pour prévenir le mal, mais ce genre d'enjeu demeure tabou pour l'essentiel. Mais, il serait urgent d'agir, d'autant plus que, les familles ne comptent, pour la plupart, que sur un enfant unique, et qu'elles sont catastrophées lorsque, celui ou celle sur qui on comptait pour les vieux jours est transformé en zombie hypnotisé par un écran.

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