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La valeur du bitcoin: entre des millions et rien!

Achetez une dizaine de bitcoins et partez en vacances quelques années, à votre retour, vous pourrez vous payer des vacances encore plus belles.
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Le bitcoin est un peu malmené ces derniers temps.
Benoit Tessier / Reuters
Le bitcoin est un peu malmené ces derniers temps.

Que pourrait-on faire du Bitcoin si son cours dégringolait à 0? Quand vers 1947-48, le cours de la cigarette s'est effondré en Allemagne, conséquence de la mise en circulation du DeutschMark, les porteurs de cigarettes ont vu leurs encaisses partir en fumée. Plus exactement, la cigarette ne valant plus que son prix de marché et ne valant plus rien en tant que moyen de paiement, les détenteurs de cigarettes, spéculateurs autant que citoyens de base ne perdirent pas tout : ils purent soit la fumer, soit revendre sur le marché les paquets dont ils avaient fait des réserves dans les années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans les deux cas, ils perdirent beaucoup d'argent !

Curieuse entame pour un article sur la valeur du bitcoin ? N'entend-on pas de toutes parts que la monnaie-star, la monnaie-reine ne va pas cesser de monter et qu'il y a de multiples raisons pour cela.

Support des Ransomwares ou ressources d'utilité courante?

Le bitcoin est un peu malmené ces derniers temps. D'aucuns lui attribuent la montée de son cours aux exigences formulées dans les Ransomwares. On notera en effet que les bandes de malfrats qui sévissent sur le Net ne demandent pas de paiements en ether, litecoin ou autres monnaies cryptées, mais en bitcoin. Soyons pratiques, la raison n'est-elle pas que les voleurs ont toujours préféré les valeurs sûres ? Quand on voit l'évolution des cours du bitcoin, on comprend cette préférence.

"Look! There is a finite supply," dit Mr Blodget "There is no intrinsic value. "It has a use.... There are uses for it. The transactions are steadily increasing. That's a good sign...if you are going to use it."

Et la littérature autour du Bitcoin, d'en montrer les progrès. Le FMI en recommanderait l'achat à ses États Membres. L'Allemagne aurait reconnu le Bitcoin et même la Cour de Justice Européenne n'a pu s'opposer à pareille reconnaissance qui le mets sur le même pied que toutes les monnaies européennes, euro compris. L'Inde aurait décidé de se débarrasser des billets de banque et donnerait une sorte de priorité au Bitcoin. Et la Corée viendrait d'en accepter l'usage dans les échanges extérieurs.

« Je pense qu'Internet sera l'un des vecteurs principaux dans la réduction du rôle de l'État. La seule chose qui manque, mais sera bientôt développée, c'est une e-monnaie fiable » Ainsi parlait, en 1999, Milton Friedman, cité par Madame Alfieri.

Et quand on n'en loue pas les qualités monétaires, il faut entendre le concert de louange quant à ses qualités financières : comme le faisait remarquer Mr Blodget, « there is no intrinsic value ». Il n'est pas « corrélé ». « This is a finite supply » : pas de liens avec le PIB, avec la valeur du Dollar ou de n'importe quel panier de devises, ou avec un quelconque indice boursier. C'est le produit de couverture parfait, il faut en mettre dans son portefeuille.

L'argument serait savoureux si on ne faisait cependant pas remarquer qu'un capitalisme qui s'appuie sur une non-valeur pour gagner de l'argent ou éviter d'en perdre trop confine l'aberration et oblige à se poser des questions sur la vraie valeur du Bitcoin. Ce qui a conduit à de drôles d'observations.

Les millions du bitcoin

Il est loin le temps quand le bitcoin valait des clopinettes, quand sa production par les mineurs était un pur acte de foi et quand, enfin, une monnaie sans banque, sans tiers de confiance « avide » et sans régulations étatiques, émergeait des tréfonds de calculs compliqués et subtils. Le bitcoin qui ne valait que 0,001 dollar est passé en 5 ans à 1000, puis à 2000 et puis on l'a même vu tutoyer les 3000 dollars. Il s'est ressaisi, disent ses adulateurs : « trop vite, c'est trop ». Il faut souffler, prendre du recul (et prendre aussi ses bénéfices) avant que le prochain enchainement de hausses propulse le bitcoin vers de nouveaux « plus hauts ».

Car, ils sont annoncés ces nouveaux plus hauts. Par des gens très sérieux. En général, ce sont des « chiefs strategists » américains de « grandes sociétés d'investissement ». Plus rarement des Anglais. Du côté des Français, les "chefs strategists" sont, ou bien moins nombreux, ou bien gênés par leurs habitudes de pensée retardataires. Donc les Français, se contentent en général de traduire, les propos des Anglo-saxons.

Que disent les stratèges américains (dont les compétences stratégiques furent prises en défaut en 2007, mais qui n'ont pas renoncé à voir l'avenir) ? Ils annoncent des prix qui ne sont pas rien : "Based on our model, we estimate that bitcoin's value per unit could be $20,000 to $55,000 by 2022" annonce Mr Tom Lee. C'est mieux que Nicolas Hulot, ministre français de l'Écologie, qui se contente de 2040 la fin des véhicules à essence et au diesel. Mais dans le monde financier, 5 ans c'est ce qu'on nomme « long terme ». Donc, Tom Lee fait une prévision à long terme sur la valeur du Bitcoin. Comme, c'est un stratégiste sérieux, il ne dit pas : « cela vaudra 20000 », il donne une fourchette, 22 000 à 55 000. Un peu large la fourchette ? Voilà une observation mesquine : on est à 2200-2400. Au pire, il prévoit un décuplement en 5 ans, au mieux, un double-décuplement. Franchement, il faut avoir l'esprit mal tourné pour chipoter sur l'ampleur de la fourchette. Même sa partie basse reste une bonne affaire.

Quand même, diront les esprits chagrins. Pareille ampleur dénote une bien faible capacité à prévoir ou bien la pensée de Tom Lee s'apparente à la loterie : tous les gagnants ont acheté un billet. Achetez des bitcoins.

Tom Lee a joué très petit bras ! En effet, Henry Blodget, CEO de Business Insider a prédit que le Bitcoin pourrait toucher le cours de $1 million de dollars. Mr Blodget ne s'est pas laissé aller à protéger sa crédibilité en posant une fourchette du type : « entre 1 et 2,5 millions de dollars ». Il a donné un chiffre et un seul, rond et net, un million. Sa prévision paraît pêcher sur un point : il ne donne pas de dates.

Il aurait peut-être dû indiquer que le tout n'était pas une question de dates, mais de « révolution institutionnelle et monétaire ». Dans un monde enfin libéré des banques et de la ploutocratie qui les supporte, le bitcoin reconnu comme la monnaie ouverte, transparente et infalsifiable, serait devenue LA monnaie « fiduciaire » ? Celle en laquelle le monde entier aura raison de croire, attendue depuis des millénaires : limitée 21 millions d'unités pour que les manipulations et malversations soient impossibles, chaque bitcoin vaudrait, un vingt et un millionième du PIB mondial... je vous laisse faire le calcul. Le résultat est bien au-delà des chiffres cités plus haut.

Conclusion : achetez une dizaine de bitcoins et partez en vacances quelques années, à votre retour, vous pourrez vous payer des vacances encore plus belles.

Conclusion : achetez une dizaine de bitcoins et partez en vacances quelques années, à votre retour, vous pourrez vous payer des vacances encore plus belles.

Ces écarts d'évaluation, ces prévisions qui annoncent des lendemains en or, rejoignent toutes les enchanteurs qui appellent l'épargnant a regarder enfin des promesses de rendement qui feront oublier les minables 0,5 et les 1 ou 2% qu'offrent les banquiers. Ils feront aussi oublier les banquiers, personne ne les regrettera.

Revenons à notre question initiale : et si, finalement, le Bitcoin ne valait rien (no intrinsic value), ses propriétaires n'auraient donc rien entre les mains. Et si, l'or, un jour ne valait plus grand-chose ? Perdant toute valeur, aurait-il aussi perdu ses usages industriels ?

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