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Cecil le lion: l'importance du storytelling

Contrairement à Mohamed, Rosa qui était enceinte ou le petit Touffik qui ont récemment péri en Méditerranée sans avoir pu être identifiés, Cecil avait un nom. Il avait donc une histoire.
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À moins d'avoir passé les dernières semaines dans le bois ou au fin fond de la savane, loin du Zimbabwe et des médias sociaux, vous savez qu'un dentiste a tué un lion qui s'appelait Cecil.

Nous n'allons pas ergoter sur la pertinence de la chasse, la sensibilité des fauves et l'importance de manger végétarien, d'autres l'ont fait à profusion avant nous. Nous allons plutôt nous intéresser à la personnalité de Cecil et à celle de son meurtrier.

Ce n'est plus un secret pour personne, le chasseur sachant chasser le lion en déboursant plus d'une fois le salaire annuel d'une hygiéniste dentaire est Américain, arracheur de dents, vient du Minnesota et s'appelle Walter.

Walter chasse pour tuer le temps, comme d'autres lisent l'œuvre d'Orhan Pamuk, cultivent les rosiers ou traquent les aubaines dans les centres d'achats. Walter chasse et c'est son droit. Le problème, pour certains, c'est qu'il ne chasse pas n'importe quoi. Il chasse le gros gibier. Pire, il chasse le roi des animaux.

Cecil est Africain. Il est, ou plutôt, il était lion dans un parc national du Zimbabwe, comme d'autres sont dentistes à Bloomington dans le Minnesota. Cecil fait ce que tous les lions font, il roupille, il regarde passer les antilopes, il prend les lionnes par derrière, il déchiquette les cadavres de ses confrères les mammifères, et dévore les chairs fraîches avant de laisser les restes à ses femmes et ses enfants. C'est sa vie.

Cecil est une vedette dans son coin de pays à cause de sa jolie crinière noire. Notez que, à moins d'avoir eu les moyens de faire un safari au Zimbabwe, vous n'aviez jamais entendu parler de Cecil avant ce matin de juillet où votre mur Facebook s'est mis à s'agiter demandant la mort du dentiste, la protection des lions, l'interdiction de la chasse en Afrique, la mise sous tutelle du Zimbabwe et l'abolition des vignettes de stationnement sur le Plateau Mont-Royal.

Pourquoi toute cette agitation alors que chaque année des centaines d'animaux sont tués par des chasseurs, des milliers de réfugiés à la recherche d'un monde meilleur meurent dans d'horribles naufrages, des centaines de milliers de personnes sont tuées dans des conflits armés, l'Ebola décime encore des populations et des millions de gens souffrent entre les mains des dentistes? Contrairement à Mohamed, Rosa qui était enceinte ou le petit Touffik qui ont récemment péri en Méditerranée sans avoir pu être identifiés, Cecil avait un nom. Il avait donc une histoire.

C'est la force du storytelling, la magie de l'identification, la puissance du marketing.

L'humanité a versé une larme sur l'histoire de Cecil le lion. S'émouvra-t-elle un jour pour tous les Mohamed, Rosa ou Touffik anonymes? Fera-t-elle aussi un geste pour tous ces inconnus qui meurent en silence?

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