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Contrairement à ce que de nombreux Québécois pensent, le métier d'historien ne s'improvise pas. Pour revendiquer ce titre, il faut minimalement avoir fait une maîtrise en histoire. Or, à la lecture du livre du sénateur Serge Joyal,, on se rend compte qu'on est loin du compte.
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Contrairement à ce que de nombreux Québécois pensent, le métier d'historien ne s'improvise pas. Pour revendiquer ce titre, il faut, minimalement, avoir fait une maîtrise ou encore, avoir obtenu un doctorat en histoire. Or, à la lecture du livre du sénateur Serge Joyal, Le Mythe de Napoléon au Canada français, on se rend compte qu'on est loin du compte.

Si M. Joyal démontre un réel talent d'écriture, si son style est captivant, il n'en demeure pas moins que l'ouvrage souffre d'un manque d'analyse des faits que la richesse des informations et de l'iconographie ne saurait masquer.

Dans un premier temps, dans l'introduction, quelle ne fut pas ma surprise en lisant que «l'histoire des mythes au Québec reste à faire.» Je regrette de le dire, mais cette affirmation péremptoire dénote une méconnaissance flagrante de l'historiographie canadienne. En effet, Marcel Trudel, pour ne citer que cet éminent historien, a publié Mythes et réalités dans l'histoire du Québec dans les années 2000 ; une œuvre monumentale de cinq tomes qui totalise près de 1000 pages. Excusez du peu!

Dans la même veine, alors que l'auteur affirme en substance que même Champlain n'est pas un mythe pour les Québécois contrairement à Napoléon, je suis passé de la surprise à l'effarement. Pour appuyer cette assertion, il écrit : «Il aura fallu un historien américain pour s'intéresser véritablement au personnage visionnaire qu'était Champlain.» Si M. Joyal se réfère exclusivement à l'historien David Halkett Fischer, il ignore peut-être que des études récentes ont été menées à terme par des historiens québécois. Je pense notamment à Mathieu d'Avignon qui a publié en 2008 aux Presses de l'Université Laval, Champlain et les fondateurs oubliés. Les figures du père et le mythe de la fondation et aussi, à Raymonde Litalien et Denis Vaugeois, qui ont publié chez Septentrion l'ouvrage Champlain : la naissance de l'Amérique française.

En dépit du fait que les chapitres qui ponctuent le livre sont intéressants, instructifs et bien construits, en particulier sur la période qui va de 1792 à 1821, je déplore qu'il n'ait pas poussé plus loin l'analyse sur la politique d'assimilation prônée par le gouverneur Craig à l'encontre des Canadiens. Une politique qui, faut-il le rappeler, est alors motivée par l'état de guerre entre l'Angleterre et la France impériale. Et pourtant, les études et les articles ne manquent pas sur le sujet. Évidemment, l'ouvrage étant par trop volumineux, il me serait impossible de recenser l'ensemble des erreurs factuelles et des carences sur le plan de l'analyse. C'est pourquoi j'ai choisi de m'attarder sur un exemple très précis. Il s'agit du passage sur Henri Guillemin qui, dans les années 60 et récemment en reprise sur les ondes du Canal Savoir, a violemment déconstruit le mythe de Napoléon.

Dans son ouvrage, M. Joyal se limite essentiellement sur le contenu véhiculé par le célèbre polémiste; mais, s'il avait fait preuve de plus de méthode dans la recherche, et c'est là le travail de l'historien, il aurait su identifier ses motivations les plus profondes. Il faut savoir que M. Guillemin était un socialiste chrétien, un ami de François Mitterrand. C'est donc sans surprise que, dans ses émissions, il en arrive à défendre la thèse que Napoléon était l'ami des financiers et le promoteur du capitalisme sauvage. Un moyen pour Guillemin de fustiger cette droite gaullienne qui se préparait, avant les évènements de mai 68, à utiliser le bicentenaire de la naissance de Napoléon à des fins politiques.

Néanmoins, malgré mes réserves qui ne sont pas toutes exprimées dans cet article, ce livre a toutefois le mérite de poser un jalon important dans l'étude du mythe de Napoléon au Québec. Il servira très certainement de point départ pour des historiens qui souhaiteront étudier ce sujet.

Pascal Cyr, PhD en histoire, spécialiste de la révolution française et de période napoléonienne

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