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Il est le seul, avec George Washington, a être commémoré aux États-Unis par un jour férié. Martin Luther King incarne l'accession des Noirs américains aux droits civiques. L'homme, pourtant, fut moins consensuel que son mythe.
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Le 3 avril 1968, à Memphis Tennessee, Martin Luther King prononce un discours prémonitoire : "Comme tout le monde, j'aimerais vivre longtemps encore [...] mais cela m'est égal maintenant [...] car j'ai vu la Terre promise. Mais je ne l'atteindrai peut-être pas. Mais je veux que vous sachiez que nous, en tant que peuple, atteindrons la Terre promise. Et je suis heureux ce soir." Le lendemain, en fin d'après-midi, alors qu'il bavarde avec ses collaborateurs au balcon du motel Lorraine, un établissement miteux du centre-ville de la capitale du blues, un coup de feu claque. King s'effondre, la nuque brisée. Il meurt une heure plus tard à l'hôpital Saint-Joseph. L'autopsie indiquera que son coeur, épuisé par treize ans de combat pour les droits civiques*, ressemblait à celui d'un homme de 60 ans, lui qui n'en avait que 39.

Alors que de son vivant King a subi les assauts de critiques virulents, que même certains de ses collaborateurs les plus loyaux se sont éloignés dans les derniers temps, King mort rassemble la nation américaine. Le 9 avril 1968, 300 000 personnes assistent à ses funérailles à Atlanta Géorgie - sa ville natale - , lors d'une journée de deuil national. Les drapeaux sont en berne, tandis que des émeutes de colère et de désespoir éclatent dans les ghettos noirs de plus de 100 villes, faisant 46 victimes.

Récipiendaire du prix Nobel de la paix, Martin Luther King est aussi le seul Américain, avec George Washington, à être commémoré, chaque année, par un jour férié le troisième lundi de janvier, et sa mémoire est honorée à travers le monde. Pourtant, que sait-on de sa vie, au-delà du fameux discours "I have a dream" ? Au-delà de la légende consensuelle et des honneurs post mortem sous lesquels son histoire disparaît ? Retour sur la vie, plus complexe qu'il n'y paraît, d'une grande figure du XXe siècle.

En 1929, année de naissance de King dans une famille de pasteurs noirs d'Atlanta, le sud des États-Unis est juridiquement et socialement régi par le système de la ségrégation qui sépare les "Blancs" des "gens de couleur" dans tous les secteurs de la vie sociale cf. p. 41 .

L'Église est une affaire de famille chez les King : sa mère, Alberta, joue comme organiste dans l'église baptiste d'Ebenezer, à Atlanta, où son propre père officie comme pasteur. Le père de King, Michael - il changera de nom dans les années 1930, préférant celui, plus respectable, de "Martin Luther" -, d'origine rurale modeste, a débuté comme pasteur dans de petites églises des environs d'Atlanta, avant d'épouser Alberta Williams en 1926 et de remplacer son beau-père à la tête de l'église d'Ebenezer en 1932.

Depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, lorsque les esclaves se sont massivement convertis au christianisme, les pasteurs noirs jouent un rôle important dans les communautés afro-américaines. Pendant l'esclavage, l'Église noire, appelée "Église invisible", était quasi clandestine puisque les esclaves avaient interdiction de se réunir indépendamment de leur maître. Les prêcheurs esclaves, souvent illettrés et peu au fait de la théologie, disaient la messe la nuit ou le dimanche, dans des lieux isolés.

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Les grandes dates de l'histoire des Noirs aux États-Unis (en anglais)

February 1

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Après la guerre de Sécession 1861-1865, les pasteurs conservèrent leur place éminente : ils représentaient leurs fidèles auprès des autorités, organisaient souvent la résistance à la ségrégation, fournissaient des services d'assistance aux pauvres, géraient des orphelinats et des écoles... Ils choisissaient dans la parole biblique des messages de délivrance, comme le récit de Moïse menant son peuple vers la Terre promise, plutôt que la litanie, habituelle chez les Américains protestants, de la dénonciation de l'immoralité des hommes. Aux sermons d'obéissance, ils préféraient donc les paroles de compassion et la promesse d'une délivrance prochaine. Les services religieux faisaient appel à l'émotion, exprimée par la danse et la musique et permettant d'établir un lien personnel avec Dieu, considéré comme un libérateur et un ami.

Depuis la fin du XIXe siècle, les Églises noires sont regroupées en associations nationales dont les plus importantes sont l'African Methodist Episcopal Church et, surtout, la National Baptist Convention, dont le père de King est un dignitaire. Celui-ci est un pasteur noir baptiste typique : bon orateur, mais aussi chef communautaire organisant des soupes populaires pendant la Grande Dépression ou mobilisant ses ouailles pour obtenir le droit de vote.

Comme tous les enfants mâles de la bourgeoisie noire locale, Martin Luther King est élève au Morehouse College d'Atlanta ; il a deux ans d'avance. Il songe alors à une carrière de juriste, tout en se faisant connaître par son caractère aimable et son peu d'appétence pour la religion : lorsqu'un de ses camarades apprend qu'il a décidé de devenir pasteur, il s'esclaffe tant la nouvelle lui paraît incroyable !

Pourtant, en 1948, son diplôme en poche, il entre au séminaire de Crozer Pennsylvanie. Ce séjour à Crozer le transforme en étudiant acharné. Peut-être, suggère son biographe Taylor Branch, parce que, pour la première fois de sa vie, il a affaire à des condisciples blancs et qu'il entend les dépasser1. King s'initie alors à l'évangélisme social, lit Gandhi. Il est déjà réputé parmi les étudiants pour l'éloquence de ses sermons, qu'il perfectionne au moyen de cours d'art oratoire ; il apprend à scander ses discours avec ses mains, à poser sa voix.

C'est 15 ans plus tard qu'il prononce, le 28 août, son fameux "I have a dream"...

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