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Sur le chemin du Compostelle québécois: Drummondville à Sainte-Brigitte-des-Saults (5)

Nous avons humé la campagne aujourd'hui, nous nous sommes enfoncés dans l'authenticité québécoise, au sens agricole. Les paysages : plats. Les routes : droites et longues, très longues...
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Olivier Pierson

Mardi 3 septembre - Drummondville à Sainte-Brigitte-des-Saults : 27 km

C'est bizarre, l'étape de ce jour m'a paru plus facile que celle d'hier. Pourtant, à un kilomètre près, c'était la même distance (27 km). À titre personnel, j'ai eu l'impression de survoler cette journée, comme si mon corps s'était soudainement acclimaté aux longues sorties. En un peu moins de 5 heures, j'étais arrivé à Sainte-Brigitte-des-Saults.

compostelle quebecois 5

L'air et le parfum de la campagne fut d'un grand réconfort...

Nous avons humé la campagne aujourd'hui, nous nous sommes enfoncés dans l'authenticité québécoise, au sens agricole. Les paysages : plats. Les routes : droites et longues, très longues... Curieusement, cette monotonie ne m'a pas dérangé. Avec la symphonie des grillons dans les oreilles, j'ai savouré cette virée ensoleillée, flanqué de cette bise permanente qui a ventilé corps et pensées. Par endroits, j'étais cerné de champs de maïs s'étalant à perte de vue. J'ai pris une pause de temps à autre, au hasard de mes inspirations, pour immortaliser cette platitude réconfortante. C'était aussi pour moi la journée des boîtes aux lettres. Dans ce registre, certains particuliers ne manquent pas d'imagination lorsqu'il s'agit d'embellir ce conteneur si utile. Je me suis dit que ça pourrait d'ailleurs faire l'objet d'une série, si j'en photographie beaucoup...

En quittant Drummondville, nous nous sommes arrêtés à la fromagerie Lemaire, dont on nous avait vanté la qualité des produits. L'occasion pour moi de siroter un café - mes camarades de marche ont vite saisi mon appétence pour cette boisson -, mais aussi pour Jean-Pierre de faire connaissance avec le fameux fromage en grains québécois, celui qui agrémente la folklorique poutine provinciale et dont on dit par ici qu'il fait « skouik skouik » sous la dent. Son verdict, attendu comme une parole messianique, fut lapidaire: « Ça n'a pas de goût. » Notre Jean-Pierre fétiche n'avait pas été convaincu, se demandant désormais comment il allait pouvoir se débarrasser de cet aliment fade et encombrant. Il a aussi ajouté, comme pour enfoncer le clou : « En plus, on a l'impression de manger du chewing-gum... » C'est pas faux (mais un chewing-gum en fin de vie alors). ;-)

J'ai installé ma table de pique-nique (c'est une image, mon sac était assez lourd comme ça) à l'ombre de résineux dans une propriété privée sise en bordure de route, avec l'accord du propriétaire, un Québécois pure souche, bien plus avenant que cet Anglophone bourru qui ne voulait pas que je massacre sa pelouse permanentée avec mes chaussures de bouseux. Jean-Pierre s'est joint à moi, quelques minutes plus tard (je n'ai pas réussi à le semer, le Savoyard est endurant et coriace !) Nous nous sommes allongés dans l'herbe encore fraîche, histoire de faire honneur à cette halte méritée. En clair, il ne nous manquait plus qu'un brin d'herbe entre les lèvres, l'oisiveté du moment renforçant ce sentiment de bien-être. Comme une bonne sieste, mais sans les paupières closes... Il ne nous restait que 5 km à accomplir, autant dire une formalité.

Arrivés au centre communautaire de Sainte-Brigitte-des-Saults, nous avons installé nos chambres de fortune. Nous procédons souvent ainsi : la mise en place des matelas de sol et sacs de couchage précède la douche, ou le lavabo, quand cette dernière ne figure pas dans les installations (à quatre reprises durant notre pèlerinage). Après une nuit passée dans de vrais lits, nous renouons avec la précarité, nous perdons quelques centimètres de hauteur, au grand dam du confort et du sommeil, souvent chahuté par cette sobriété forcée. Comme précisé plus haut, ce soir sera un soir sans douches. Quelques femmes ont décidé d'aller se rafraîchir dans une rivière toute proche.

La plupart d'entre nous ont passé commande dans un petit commerce tout proche pour le souper. C'est dans cette boutique sachant recevoir le client et prônant le terroir et la qualité, que nous avons croisé une employée originaire de Suisse, très sympa au demeurant. Jean-Pierre s'est presque senti chez lui, ils ont d'ailleurs échangé quelques mots... à la vitesse réglementaire des gens normaux ! Je suis reparti avec un assortiment de poulet et de légumes, mais aussi, par gourmandise, une délicieuse mousse au chocolat qu'il me tardait de libérer de sa verrine. Nos fidèles bergers - Doris et le « Godfather » Jean-Marc - avaient aussi prévu une salade composée gargantuesque (j'ai cru qu'ils avaient invité le village à manger), sans oublier quelques morceaux de saucisson - gracieuseté de JP - et autres amuse-gueules pour l'apéro. La consistance du menu explique sans doute pourquoi nous avons dormi comme des loirs. Un classique. Si la fatigue accumulée apporte son écot à notre sommeil profond, gageons que nos repas familiaux facilitent aussi notre fuite vers le monde des rêves.

Marcher, c'est aussi manger...

compostelle quebecois 5

À notre arrivée à Sainte-Brigitte-des-Saults, au terme d'une côte assez raide merci bien!

À lire dimanche: Sainte-Brigitte-des-Saults à Nicolet.

Ce billet a été initialement publié sur le blogue d'Olivier Pierson, L'écriturien

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