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Sur le chemin du Compostelle québécois: Sherbrooke-Windsor (1)

Huit heures. Le grand départ. Cette fois, nous y sommes. En guise d'entrée, nous aurons droit à une marche d'environ 23 km. Le soleil est au rendez-vous, tout comme la fraîcheur matinale.
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Samedi 30 août - Sherbrooke à Windsor: 22.4 km.

Huit heures. Le grand départ. Cette fois, nous y sommes. En guise d'entrée, nous aurons droit à une marche d'environ 23 km. Le soleil est au rendez-vous, tout comme la fraîcheur matinale, qui nous tonifie le corps et les pensées. Avant de nous élancer sur les sentiers, un prêtre nous donne sa bénédiction. Dans l'église où nous sommes rassemblés, nous débutons par un petit tour de table, ou de bancs devrais-je dire. Nous sacrifions au rituel des présentations. Un prénom, un nom, un lieu d'origine et le tour est joué.

Sur les 18 participants, je constate que nous ne sommes que quatre hommes. Trois Français jurent aussi dans l'assemblée québécoise, dont un directement venu du pays des fromages. Un Savoyard, Jean-Pierre, dont je reparlerais plus tard sur ce blogue. On en profite aussi pour faire peser nos sacs à dos, juste comme ça, pour le fun, et accessoirement excommunier les mauvais élèves. Je suis de ceux-là. En fait, nous sommes deux à ne pas avoir tenu compte des consignes préliminaires. Je passe à un cheveu de monter sur la plus haute marche du sac le plus lourd. Je dois m'avouer vaincu devant les 17 kilos de Jean-Pierre, qui me font très vite relativiser mes 12 kilos et demi. Dans l'idéal, nous devrions être sous la barre des 10, et on va bientôt comprendre pourquoi...

Jean-Pierre, la force tranquille...

Quand Jean-Pierre ouvre la bouche, on se croirait téléporté en Suisse. Celui qui va devenir mon compagnon de galère, et un complice très attachant (il sera même désigné mascotte de notre groupe; la création d'une statue est en cours), parle lentement. Un débit posé, qui se la coule douce. Si la vitesse du langage était taxée, disons qu'il ferait de sacrées économies. En discutant avec ce grand gaillard d'une extrême gentillesse, j'apprends qu'il a été charcutier-traiteur une bonne partie de sa vie, avant de devenir... convoyeur de fonds. Vous parlez d'un changement de carrière ! Ou comment faire le grand écart !

Les organisateurs nous avaient mis en garde : notre sac allait peut-être devenir notre pire ennemi. Je ne pensais pas leur donner raison dès l'étape inaugurale. Pourtant, les premiers kilomètres ont été agréables, presque trop faciles. L'excitation du départ, sans doute. Et puis les premières tensions dans le dos sont apparues, au niveau des trapèzes notamment. Ma cheville gauche douloureuse, conséquence de mon addiction à la course à pied, s'est aussi rappelée à mon bon souvenir. Mon tibia gauche s'y est mis aussi, comme s'il était crispé par l'enjeu. L'entrain a fini par laisser place aux grimaces. Ce qui me rassure, c'est de constater que Jean-Pierre n'est guère mieux loti. Avec son gros sac militaire sur les épaules, fourni par son fils, engagé dans la Grande Muette, j'ai l'impression qu'il part en expédition dans la jungle amazonienne, ou qu'il a confondu marche et déménagement. Cela ne nous empêche pas d'être dans le wagon de tête jusqu'à la pause déjeuner. C'est après que nous avons levé le pied. Je ne pensais pas apprécier autant les pauses ! J'avoue : le sac à dos change tout. Il change votre perception de la randonnée, et votre allure par la même occasion. Il vous enseigne aussi l'humilité. Je me sens comme le GI américain qui part faire la guerre avec tout son barda.

Les femmes en force

Aux dires de nos « guides » - la paire Doris/Jean-Marc, j'en reparlerai aussi plus tard - nous devrions finir nos étapes vers 14-15h en moyenne, ce qui nous laisse l'après-midi pour relaxer et vaquer à d'autres occupations. Relaxer : voilà que ce mot prend soudain une autre dimension... Je le vénère ! Mes camarades ? Des retraités pour la plupart, mais aussi, je le répète, une majorité de femmes. Quatre hommes, dont moi-même, tentons de donner le change. Ça promet de belles files d'attente devant la salle de bain, avec une propension, comme nous le remarquerons assez vite, à se servir aussi des toilettes masculines. Bref, ça virait à l'annexion ! :-) Pour le reste, chacun y va à son rythme. Dans cette petite troupe de randonneurs, certains se sont déjà frottés au Chemin de Compostelle européen, dont Rolande, qui cache bien son jeu derrière sa petite taille (1,50 m à tout casser), elle qui a parcouru la totalité du mythique pèlerinage, soit 1 600 km, en 65 jours. Respect, comme on dit !

Nous allons passer la nuit dans un aréna qui paraît étrangement silencieux et morne sans ses apparats de glace. C'est d'ailleurs assis devant cette enceinte vidée de sa substance tapageuse que je ponds ma chronique du jour, en renouant avec mon bon vieux stylo. J'ai hâte de prendre ma douche et de faire quelques étirements. Ce soir, le repas nous est offert. Il s'annonce roboratif et surtout convivial.

Une anecdote à vous raconter ? Oui. Elle concerne un petit chien. Un petit chien qui a dû causer une belle frayeur à son/sa propriétaire en décidant de nous tenir compagnie sur quelques kilomètres. Assez pour que nous sollicitions l'aide d'un automobiliste pour le ramener à bon port. J'espère pour ce toutou téméraire que l'histoire s'est bien terminée...

Notre bon Jean-Pierre s'est aussi fait remarquer en extirpant un des trois saucissons, ramenés de France, que son gros sac contient. Et qui dit saucisson dit bien souvent dérapage. Ça n'a pas loupé. Les femmes ont commencé par s'extasier devant le «saucisson de Jean-Pierre», en jouant bien sûr sur les allusions grivoises. Inutile de vous dire que ce dernier a apprécié. Le coq avait pris possession de la basse-cour !

Marcher, c'est aussi déconner...

Sur la fin du parcours, nous sommes tombés sur ce véhicule de collection, bichonné par Paulin Bernier... Cette belle mécanique valait bien une séance photo !

À lire samedi: de Windsor à Richmond.

Ce billet a été initialement publié sur le blogue d'Olivier Pierson, L'écriturien

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