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Ce que vous diraient les hôtesses de l'air si elles le pouvaient...

Hôtesses de l'air et intendants sont-ils, sont-elles de simples "serveurs"? Bien sûr que non. Le passager ne le sait pas, mais il est sous étroite surveillance. Métier et pratique ont préparé ces anges gardiens de l'espace à faire face à toute situation critique.
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Ça se passe dans la cabine d'un A300 ou d'un A380, ou d'un Boeing. J'ai un complice, un intendant qui passe ma carte professionnelle à ses collègues PNC -Personnel navigant commercial-, plus connus du public sous le nom d'hôtesses de l'air. J'écris un livre sur elles, et eux, les intendants. Mais elles/ils n'ont pas le droit de parler aux journalistes : "Ils écrivent n'importe quoi", a répondu une responsable des communications d'une compagnie à une hôtesse qui passait par les voies hiérarchiques pour me parler.

Auparavant, j'avais demandé officiellement l'autorisation de suivre les PNC d'un vol. Réponse : "La direction du personnel n'est pas favorable..." Alors, comme tout journaliste opiniâtre, si l'on me ferme la porte, je passe par le hublot et... le complice interposé.

Un métier presque comme un autre

La "pêche" ne remonte pas grand monde jusqu'au moment où deux hôtesses me communiquent leur numéro de téléphone. La première, appelons-la Laura, accepte de me rencontrer. Sans plus de stress. Pour elle, il est naturel de parler de son métier, d'autant plus qu'elle l'adore. C'est plus tard qu'elle me demandera de n'apparaître que sous pseudonyme, alertée par les réticences de sa compagnie. La seconde, malgré des textos encourageants, ne donnera pas suite. Mais grâce à Laura, je vais rencontrer d'autres hôtesses. Nous nous donnons rendez-vous dans un Starbucks. Les "confessions" commencent...

Oh, bien vénielles confessions. Laura et ses amies racontent leur quotidien comme tout professionnel lambda d'un métier comme un autre. Elles ne sont ni espionnes ni agent secret, elles ne connaissent de leur compagnie que ce qu'en disent leurs syndicats. Pourtant, à flirter avec les 12 000 mètres une partie de la semaine, à servir, contrôler, surveiller, tempérer quelques centaines de passagers arrachés à leur milieu naturel, le plancher des vaches, à s'accommoder de collègues qu'ils n'ont jamais vus et qu'ils ne reverront sans doute jamais au cours de leur carrière (la planification est ainsi conçue, en partie volontairement pour ne pas créer d'habitude défavorable à la sécurité entre gens qui se connaîtraient trop), à gérer l'autorité suprême à bord, le commandant, à voler quelques heures de sommeil sur les couches secrètes enfouies dans le cœur des gros-porteurs, à organiser leurs escales de rêve tout en s'inquiétant de leur famille à l'autre bout du monde, les hôtesses et les intendants mènent une vie pas comme les autres. Au fil de nos entretiens, elles et ils m'en livreront quelques bribes que je raconte dans «La vraie histoire des hôtesses de l'air». Plus quelques autres que j'ai gardées pour moi.

Officiellement, plus de critères physiques à l'embauche

Quand les compagnies, européennes comme américaines, recrutaient - ce qui n'est plus le cas, pour le moment, à l'exception de celles du Golfe qui s'en viennent régulièrement organiser des sessions à Paris à la recherche de l'hôtesse française si prisée à bord... -, les candidats se bousculaient. La sélection, impitoyable, se joue toujours sur la possession du sésame, la CCA -Cabin Crew Association-, que les postulantes décrochent à l'issue d'un stage de formation dans une école privée -et chère. À défaut de rejoindre les "majors", hôtesses et intendants visent la myriade de compagnies, à rabais ou privées, locales, qui recrutent régulièrement. Il leur faut connaître sur le bout du doigt les règles de sécurité, passer des épreuves de sauvetage en piscine (très inutiles, un crash en mer ne laissera aucun PNC survivant capable de porter secours à des passagers déjà morts, mais il ne faut pas le dire...), savoir porter secours à un malade à bord, pratiquer très bien l'anglais et si possible d'autres langues et... arborer un look compatible avec l'emploi. Officiellement, plus aucun critère physique ne doit prévaloir, comme naguère, quand les compagnies exigeaient, outre le célibat, une taille et un poids précis. Et, accessoirement, jusqu'en 1958, la couleur de peau blanche sur les compagnies occidentales!

L'époque des longueurs de cheveux strictes, des ongles manucurés, des bas inconfortables ou des coiffes posées sur le chef avec une précision toute militaire -le tout passé en revue de détail par des chefs de cabine style "oui-chef"-, est certes révolue. Pourtant, toute compagnie prévoit dans ses clauses de contrat une petite phrase suffisamment vague pour autoriser la discrimination: "La présentation de la personne doit se montrer compatible avec sa mission auprès du public", par exemple. Un intendant à dreadlocks en a fait les frais, récemment.

Il n'empêche qu'hôtesses et intendants, longtemps habillés par de grands couturiers, se doivent de porter un uniforme impeccable, sentir bon, présenter des ongles nets et offrir un visage toujours souriant, ce qui se conçoit de la part de tout "serveur" dans un milieu confiné.

Des cours de gardes du corps

Mais justement, sont-ils, sont-elles de simples "serveurs"? Bien sûr que non. Le passager ne le sait pas, mais il est sous étroite surveillance. Métier et pratique ont préparé ces anges gardiens de l'espace à faire face à toute situation critique. À commencer par l'agression physique. Laura me racontait en riant que des spécialistes de la sécurité rapprochée s'en viennent leur donner régulièrement des leçons d'attaque-défense face à des individus agressifs. Il s'agit, notamment, de reculer savamment devant la brute - avinée ou pas - qui s'apprête à frapper, ouvrir un porte-bagages, s'emparer d'un sac ou d'une valise, et dès lors foncer sur l'agresseur le bagage en pare-buffle tandis que les collègues venus en renfort derrière le passager méchant s'apprêtent à cueillir l'individu déséquilibré. Heureusement, aucun de mes "témoins" n'a jamais eu à mettre en pratique les "leçons" des gardes du corps.

Mais ils et elles ont souvent dû secourir un passager malade ou victime d'une crise aiguë de quelque chose. Alors jouent les réflexes des séances de sauvetage régulièrement répétées en formation. Comme me l'a dit un intendant, "le meilleur endroit où subir une crise cardiaque, c'est l'avion!" Et pour cause : le défibrillateur, désormais obligatoire, est à portée de main, et une main de PNC formé pour l'utiliser à bon escient, avant l'appel à un passager médecin qui, statistiquement, est présent à bord.

Buveurs d'alcool sous surveillance

Les passagers sont souvent odieux. L'altitude, le confinement, la privation de tabac tapent sur le système. Un phénomène de pression conduit à ce danger permanent : les effets de l'alcool sont doublés. Un verre, bonjour les dégâts chez certains. Les hôtesses veillent. Votre consommation est mesurée. Et d'un PNC à l'autre, on se passe l'info : "Untel, siège tant, en est à son deuxième whisky et commence à parler beaucoup. Tu ne lui sers plus rien..." Plus facile à dire qu'à appliquer. Une bonne dose de psychologie suffira parfois à éviter la surdose d'alcool. Mais comment convaincre un type -ou une petite nana- désinhibé(e) qui estime avoir tous les droits puisqu'il/elle a payé sa place, de se montrer raisonnable? Un ancien pilote, Otelli, a écrit sur les situations critiques à bord plusieurs livres édifiants. On y apprend -et mes confidentes me l'ont confirmé- que les "première classe" et les vedettes sont souvent les plus déchaînés. Sous l'effet de l'alcool ou d'un rail de coke, ils/elles risquent de mettre tout un avion en danger. Du commandant de bord et des PNC dépend alors la mise hors d'état de nuire du fou furieux. C'est bien simple : sans en arriver à ces situations extrêmes, le moindre conflit à bord transformerait tout un avion en ring ou en rixe sans l'intervention permanente, anticipée, discrète, mais ferme, de ces anges gardiens qui nous convoient.

Petit secret méchant : les hôtesses savent qu'en cas de crash, les passagers de première auront moins de chances de survie que les "économiques" au fond de l'avion. Mais ça, les compagnies ne tiennent pas à ce que ça se sache!

Réquisitionnés sans le savoir

Je dévoile un autre secret dans La vraie histoire : sans qu'il le sache, tout passager est susceptible de se voir réquisitionné par tout PNC. À notre insu, quand nous montons à bord, quand nous nous installons, la poignée d'hôtesses et d'intendants nous photographient mentalement, nous analysent, évaluent notre comportement et notre condition physique. En quelques secondes. Chaque PNC se choisit un "partenaire" qui ne le saura jamais, sauf s'il est "déclenché", "réquisitionné". En cas de grabuge, d'accident ou d'agression, c'est vers cette personne, homme ou femme, que l'hôtesse va se tourner pour lui demander de l'aide. Certes, rien n'oblige le client ainsi sollicité à prêter main-forte au personnel. Mais si l'hôtesse ou l'intendant a bien évalué sa "cible", le passager mentalement choisi sera opérationnel. Combien d'entre nous ont ainsi, sans le savoir, été "recrutés" le temps du vol, "au cas où"? Du reste, l'intervention du "volontaire désigné" se montre parfois fort limitée. C'est vers un homme bien bâti, par exemple, d'apparence sociable, qu'une hôtesse va se tourner pour le prier d'aider une passagère âgée à récupérer son bagage. Comme me l'a dit l'un de mes témoins, si l'on a bien choisi au départ, il y a des chances pour que le "partenaire" se propose d'emblée pour apporter cette aide...

Zizi panpan

D'autres "secrets"? Bien sûr. À commencer par les "histoires" de cœur ou de sexe commencées à bord. Hôtesses et intendants sont des femmes et des hommes comme tout le monde. Si ces dames, notamment, paraissent inaccessibles, il n'empêche qu'il est rare qu'un passager au moins, au cours d'un vol, ne tente sa chance. Souvent, la drague se limite pour le passager à laisser sa carte. Parfois, l'entreprise se veut plus directe. Et... il arrive, exceptionnellement, qu'elle se conclue dans les toilettes, comme dirait Blanc (l'acteur, Michel, pas l'ancien patron d'Air France, Christian), au mépris de tout le règlement, intraitable sur ce point. Je raconte, dans mon livre, une affaire de cette eau entre une hôtesse et un acteur britannique, empruntée à Otelli et non pas contée par l'une de mes confidentes. L'histoire torride à 12 000 mètres s'est soldée par le renvoi de l'amoureuse. Que ces épisodes réels, du reste, n'encouragent personne à harceler l'hôtesse - ou l'intendant : toute attitude de ce type (ou d'un autre!) est susceptible de justifier un changement de cap de l'avion décidé par le commandant pour une arrestation immédiate de l'indélicat.

Parmi mes témoins hôtesses, l'une m'a raconté sans vergogne avoir connu deux vies : la première à terre avec son mari, l'autre aux escales avec son amant commandant de bord quand ils parvenaient à voler ensemble. À une époque du reste où les escales de rêve allongées, sans jeu de mots, favorisaient ce type de rapprochement. Temps révolu : les escales se sont raccourcies. Comme l'a remarqué, dans le livre, un formateur chevronné, c'est le genre de métier où hommes et femmes loin de chez eux, logés dans le même hôtel de luxe, ont du mal à ne pas céder à la tentation. Que l'on se rassure, la fréquence des aventures ne doit pas se montrer beaucoup plus grande que dans toute autre entreprise!

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