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Jean Zay, président effectif du premier Festival de Cannes en 1939

Qui sait que Jean Zay fut l'initiateur et le premier Président du Festival de Cannes en 1939? Que signifiait la création de ce festival international des nations libres face à lafasciste de Venise?
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AFP

Le 23 mai 2013, une plaque "à la mémoire de Jean Zay qui, décida en 1939 de créer à Cannes le Festival international du Film" sera dévoilée dans le Palais des Festivals en présence de Gilles Jacob, Président du Festival de Cannes.

Qui sait que Jean Zay fut l'initiateur et le premier Président du Festival de Cannes en 1939? Que signifiait la création de ce festival international des nations libres face à la Mostra fasciste de Venise?

Le premier Festival de Cannes n'a pas eu lieu, mais il a existé, organisé jusqu'au moindre détail. Au début du mois d'août 1939, La cinématographie française, journal professionnel au service du cinéma français, annonce le programme des fêtes prévues du 1 au 20 septembre 1939. Le premier jour, le 1er septembre, est annoncé le "grand dîner d'inauguration au Casino Palm Beach, sous la présidence effective de M. Jean Zay". À la fin de ce même mois d'août, Cinémonde, revue de kiosque, consacre un numéro spécial de 32 pages, le 30 août 1939, au "Festival international du cinéma" dont les titres des deux éditoriaux -un en français, "Festival et liberté" par Maurice Bessy et l'autre en anglais, "Welcome to free nations" par le rédacteur en chef Jean-Michel Pagès- ne laissent aucun doute sur le sens politique de l'événement. En août 1939, dans un climat d'affrontement culturel entre dictatures et démocraties, Jean Zay est donc considéré comme le président effectif du premier festival de cinéma des nations libres, ou, pour reprendre le vocabulaire de Cinémonde, entre pays et films totalitaires et pays et films desnations libres. À la date du 3 février 1942, de la cellule où la dictature de Vichy l'a jeté dès 1940 -avant que des miliciens ne viennent l'y chercher pour l'assassiner en juin 1944- l'ancien ministre de l'Éducation nationale et des beaux-arts du Front populaire rappelle que le premier Festival International du Film de Cannes ne put se tenir, -"hélas"-, car la guerre éclata en septembre 1939.

Jean Zay nous rappelle aussi que "cette manifestation française" avait pour but de concurrencer "la fameuse Biennale de Venise", c'est-à-dire la Mostra fasciste fondée en 1932. Cependant, que recouvre au juste la création de ce "Festival de Cannes qui n'a pas eu lieu", cet épisode fondateur inabouti de la toute fin des années 1930? Le vocabulaire de guerre froide antifasciste employé par Jean-Michel Pagès en dépeint-il bien l'esprit, et quel rôle "effectif" y joua Jean Zay derrière la reconnaissance officielle qu'il obtient en mai 2013 par l'inauguration d'une plaque à sa mémoire dans le palais des festivals de Cannes?

Les affiches du festival de Cannes

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Les 67 affiches du Festival de Cannes

Décision. L'idée, surgie à l'automne 1938, divisa pendant tout l'hiver le Conseil des ministres...À l'été 1938, lorsque sous la pression de Berlin, la coupe Mussolini -le grand prix de la Mostra- est attribuée à deux films de propagande nazie (Les Dieux de stade de Leni Riefenstahl) et fasciste (Luciano Serra, pilote de Goffredo Alessandrini), les délégations occidentales sont froissées, car l'intervention allemande est patente. En 1938, le régime fasciste est entré dans l'orbite nazie jusqu'à importer son antisémitisme d'État. Goebbels a ouvert le Festival à la tête d'une forte délégation et a pesé sur le choix final, faisant écarter, entre autres Quai des brumes de Marcel Carné afin de prendre une revanche sur le triomphe en 1937 de La grande illusion, son caractère trop pacifiste, front populaire et français. Naît alors l'idée d'un contre festival chez les Américains et les Français.

Le Gouvernement est sollicité pour l'organiser, en particulier par un délégué français revenu de Venise, l'historien et haut fonctionnaire Philippe Erlanger, futur Délégué général de Cannes de 1946 à 1951. Jean Zay, en charge du cinéma, y est d'emblée favorable. Anti-munichois notoire il mène déjà une politique de diplomatie culturelle antifasciste de valorisation des démocraties qui se traduit dans ses voyages ministériels et par la création d'une revue publiée en français et en anglais dont le titre vaut là aussi programme: Monde libre. Toutefois, comme le note Erlanger, "L'idée, surgie à l'automne 1938, divisa pendant tout l'hiver le conseil des ministres, où les uns voulaient une grande manifestation du monde libre, tandis que les autres craignaient d'irriter Mussolini. On était au lendemain de Munich".

En effet, l'affrontement entre Munichois et anti-Munichois fait rage et la création d'un festival international du film ne l'emporte qu'au printemps 1939, lorsque la duplicité hitlérienne éclate avec l'invasion de la Tchécoslovaquie en violation des accords de Munich. Mais si le principe en est accepté, grâce aux efforts de Jean Zay et d'Albert Sarraut, ministre de l'Intérieur et président de l'Association française d'action artistique, tout reste à faire. À la fin du mois de mai encore, le lieu même n'a pas été choisi, on hésite entre Biarritz, Cannes, Deauville ou...Vichy. Les journalistes de La cinématographie française, revue qui fournit le plus d'informations à ce sujet, ne croient pas possible la tenue du Festival en septembre 1939, qu'ils y soient favorables comme le correspondant local Edmond Eparnaud, "il nous semble bien téméraire d'envisager quoi que ce soit pour cette année", ou qu'ils y soient défavorables comme son rédacteur en chef Paul-Auguste Harlé pour qui "l'idée m'en paraît enfantine".

On le voit, trois mois avant qu'il ne se déroule, le Festival reste à inventer totalement, son idée ne va pas de soi-même chez les professionnels. Il faudra tout l'effort de Jean Zay et tout le soutien de l'industrie cinématographique américaine pour le mettre sur pied. Car Cannes est né du couple atlantique formé de l'effort du ministère Jean Zay, qui prit effectivement les choses en mains, et du désir du cinéma américain, bien plus que britannique, de contrer la Mostra et les Italiens. Pour les Américains la motivation est double, il s'agit de s'opposer au contrôle du palmarès par les nazis et les fascistes et de contrer les restrictions d'importation et d'exploitation des films US imposées par l'Italie "autarcique". L'enjeu économique et l'enjeu diplomatique se nourrissent et déterminent les Américains à refuser toute participation à Venise pour 1939. Dès lors Cannes peut exister.

Les films en compétition

Michael Kohlhaas d'Arnaud Despallieres

Les films en compétition à Cannes 2013

La composition du jury

Steven Spielberg

La composition du jury du 66e festival de Cannes

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