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Diminuons l'intérêt des tueurs de masse de passer à l'acte: arrêtons de parler d'eux

Arrêtons de faire la publicité incessante de ces événements tragiques et nous réduirons l'intérêt du passage à l'acte. Ces auteurs recherchent à devenir des stars planétaires, ne leur donnons pas ce plaisir.
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Le 10 décembre, la radio française France Inter a réalisé une émission spéciale sur la plus célèbre tuerie de masse aux États-Unis, la tuerie de Columbine, tuerie provoquée le 20 avril 1999 par deux adolescents, Eric Harris et Dylan Klebold, qui entrèrent sur un campus universitaire munis de plusieurs armes à feu et qui provoquèrent la mort de douze personnes.

France Inter donna pour titre à son émission: la tuerie de Columbine, l'épidémie des armes à feu en Amérique, reprenant la thèse de Michael Moore dans son documentaire sorti en 2002 sur le sujet: Bowling for Columbine.

Il ne fait pas de doute que le renforcement de la législation sur les armes réduirait substantiellement le nombre de fusillades aux États-Unis, mais à mon sens, seize ans après la fusillade de Columbine, on peut dire que la question centrale de cette tuerie n'est pas tant l'accès aux armes que l'hypermédiatisation de cet événement. Que se serait-il passé si les médias de l'époque n'avaient pas autant parlé de ce massacre? Aurions-nous eu une telle reproduction de ce phénomène depuis? Ma réponse est sans ambigüité: Non.

Les deux assassins, à l'époque, ont cherché à faire le buzz comme on a tendance à le dire maintenant et ils sont parvenus à leur fin. Entre 1980 et 1999, il y a bien eu des tueries de masse et certaines plus sanglantes que celle de Columbine. En 1982, une tuerie de masse en Corée du Sud entraina la mort de 57 personnes (qui s'en souvient?) Alors pourquoi la tuerie de masse de Columbine a fait autant parler d'elle? La réponse est simple: les médias sont tombés dans le piège tendu par leurs auteurs. Klebold et Harris ont cherché à faire parler d'eux en se mettant en scène à la fois par leur tenue militaire mais aussi en diffusant avant la tuerie des minis films sur internet. Ils ont scénarisé leur intervention et ont esthétisé leur acte et ils y sont parvenus : deux films célèbres ont relaté l'événement (Bowling for Columbine, Elephant), des millions de fans clubs sur les médias sociaux et une médiatisation année après année.

Il y a, sans aucun doute, un avant et un après Columbine en matière de tuerie de masse et même d'actes terroristes de manière plus générale. Depuis, les tueries de masse en occident et les actes terroristes ne sont en effet plus les mêmes. Ils sont plus nombreux et leurs auteurs recherchent à faire comme Harris et Kebold. De Cho Seung-hui, auteur de la fusillade de Virginia Tech, à Breivik en passant par Merah, le modus operandi repose sur une volonté frénétique de faire parler d'eux. Ils se mettent en scène, produisent des mini films de leur intervention ou avant leur intervention, écrivent des manuscrits pour expliquer leur acte, envoient à la presse leur testament vidéo... Ils parviennent alors à devenir des vedettes planétaires.

Ma thèse est qu'il faut arrêter de rentrer dans le jeu de ces criminels et on limitera cette spirale de la mort. Peu de gens le savent, la Chine a été confrontée au début des années 2010 à une épidémie de mass stabbing, c'est-à-dire de tueries à l'arme blanche (couteaux, haches...). Cela nous rappelle d'ailleurs qu'il n'est pas nécessaire de disposer d'armes à feu pour tuer. Le phénomène s'est arrêté depuis. Pourquoi? Parce que l'Etat chinois a imposé le block out en interdisant la médiatisation de ces phénomènes et en supprimant toute trace sur le net. Depuis notre livre sur les tueurs de masse publié en 2012, nous recommandons aux gouvernements occidentaux d'interdire aux médias de faire leur une sur ces événements. Sans être aussi extrême que la Chine, il est indispensable que les médias soient contraints à une certaine réserve ou tout du moins comme le note l'Organisation mondiale de la santé à «un comportement responsable» en évitant une couverture sensationnaliste de l'acte (éviter tout langage qui dramatise ou normalise la tuerie ou le présente comme une solution à un problème, en évitant les photos et toute description de la méthode employée). Les terroristes de janvier et novembre 2015 ont cherché à nouveau à faire parler d'eux en reprenant les codes des médias: stupéfaction par la violence de l'acte, scénarisation par la mise en place d'un road movie, etc. Arrêtons de faire la publicité incessante de ces événements tragiques et nous réduirons l'intérêt du passage à l'acte. Ces auteurs recherchent à devenir des vedettes planétaires, ne leur donnons pas ce plaisir.

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