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Vers une Corée unifiée?

La guerre de Corée aura lieu, c'est inévitable. Les chances que le continent américain soit fortement touché sont cependant faibles. Il reste que cette guerre pourrait marquer le pas: comme le 11 septembre aura confirmé la fin de l'État-nation comme unique détenteur de la capacité de projection de la force, la guerre de Corée pourrait confirmer la fin de l'hégémonie onusienne américaine.
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Map of North Korea. Selective Focus.
Getty Images
Map of North Korea. Selective Focus.

Depuis maintenant plusieurs semaines les hostilités grimpent entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, le monde retient son souffle. Les «memes» Internet se font un plaisir de ridiculiser Kim Jong-un et ses inhabilités alors que certains chroniqueurs expriment déjà leurs craintes et leurs paniques.

Mettons d'abord une chose au clair: le Québec ne craint rien. Les seuls territoires québécois que les missiles à longue portée nord-coréens pourraient atteindre, dans le pire des cas, c'est Rouyn-Noranda et les environs. Loin de moi l'idée d'insulter les Abitibiens, mais Rouyn-Noranda n'est pas une cible stratégique pertinente pour Pyonyang.

L'analyse de la situation trace un portrait complexe qui porte à croire que les risques de confrontation intercontinentale sont quasi inexistants.

Au niveau du système international, la Corée du Nord est un pays marginal. Son poids démographique est faible, son économie quasi inexistante et sa capacité de projection de la force, limitée. Bien sûr, il y a les têtes d'ogives nucléaires qui donnent à ce pays un côté un peu plus menaçant. Globalement, la Corée du Nord est un état belligérant, un peu provocateur, qui se permet de menacer les États-Unis et le Japon. Un regard rapide sur la situation dégage une impression d'irrationalité. Pire, elle laisse craindre des comportements nucléaires irresponsables de la part de la Corée du Nord.

Et pourtant, la Corée du Nord, malgré son dictateur à l'égo démesuré, n'a toujours pas tiré ses missiles sur l'occident et les obus ne pleuvent pas sur Séoul, pour l'instant. Il faut croire que le pays irrationnel n'est pas si fou que ça.

Le billet d'Olivier Grondin se poursuit après la galerie

Des images des manoeuvres militaires nord-coréennes

J'avance ici une idée, une possibilité: peut-être que la Chine ne souhaite pas voir ses voisins s'irradier, peut-être plutôt que le principal partenaire commercial de la Corée du Nord voit dans cette tension péninsulaire une bonne manière de changer la dynamique systémique des relations internationales actuelles. La Chine travaille déjà depuis un bon moment à la mise en place d'institutions internationales indépendantes de l'occident. Or, si économiquement la Chine pèse énormément dans le système international, militairement elle n'a pas développé une force de frappe capable de lui assurer une supériorité hégémonique sur les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN.

La situation économique mondiale ne permet pas non plus à la Chine d'entretenir un conflit ouvert avec les États-Unis et l'occident. Tout aussi puissante que soit la Chine, il reste que son économie s'est construite sur la financiarisation de ses rapports internationaux et l'investissement de ses capitaux dans des entreprises étrangères. La Chine est un géant au pied d'argile, son économie se spécialise dans le secteur secondaire et dépend énormément de l'ouverture des marchés mondiaux. Or, advenant un conflit militaire majeur, l'une des premières actions des belligérants est de saisir les propriétés étrangères sur son territoire. En aucun cas, la Chine ne peut se permettre de perdre ses investissements étrangers.

Si la position de la Chine est dominante dans le système financier, l'ONU reste un organisme où la puissance militaire assure la hiérarchie, à preuve: l'incroyable pouvoir du conseil de sécurité et le veto accordé aux membres permanents qui y siègent.

Contrairement à l'Union soviétique, tout porte à croire que la Chine cherche à muter le système international actuel afin d'y prendre une position hégémonique plutôt que de simplement favoriser l'émergence d'un système parallèle où elle tiendrait les rênes d'office. Pour permettre cette mutation, la Chine doit s'imposer comme un hégémon crédible en démontrant sa capacité d'intervention et d'influence militaire.

Elle ne peut cependant pas prendre le risque d'être ouvertement en conflit avec l'Occident. La péninsule coréenne offre donc une belle ouverture à cette démonstration de puissance. En fournissant des armes et des fonds à l'armée Nord-coréenne sans fournir d'assistance directe, la Chine peut passer un message sans que des sanctions économiques ne puissent lui être imposées. Tout comme elle le fait actuellement avec le régime syrien de Bachar al-assad.

On croit souvent que la Corée du Nord est un état dépourvu de raison, complètement soumis à l'égocentrisme et au narcissisme de son dictateur. Pourtant, un regard plus posé porte à croire que la Corée du Nord Est, comme tant d'autres pays, soumise à la raison d'État. Cette raison d'État lui impose d'attendre l'aval de la Chine avant d'entamer quelques frappes nucléaires que ce soit. C'est cette même raison d'État pour laquelle la Chine proscrira formellement toute forme d'agression intercontinentale de la part de son voisin. C'est encore pour cette même raison d'État que les États-Unis ne lanceront pas de frappe nucléaire sur la Corée du Nord.

La guerre de Corée aura lieu, c'est inévitable. Les chances que le continent américain soit fortement touché sont cependant faibles. Il reste que cette guerre pourrait marquer le pas: comme le 11 septembre aura confirmé la fin de l'État-nation comme unique détenteur de la capacité de projection de la force, la guerre de Corée pourrait confirmer la fin de l'hégémonie onusienne américaine.

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