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Se plaindre pour pas grand chose, et pourtant...

On se demande toujours comment ça peut arriver, on regarde l'Iran et l'on souhaite qu'ils avancent, qu'ils se démocratisent. Peut-être que Manu Militari et les autres avaient raison, peut-être que nous nous plaignons de presque rien, ou alors de si peu, mais peut-être que non, peut-être qu'il faudrait aussi tendre l'oreille, penser que c'est parfois dans la subtilité qu'une démocratie devient un état policier.
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AFP

On se demande toujours comment ça peut arriver. Comme si les choses se précipitaient sur nous sans préavis, comme si tous se déroulaient dans le momentané.

Puis, on passe notre temps à regarder ailleurs, à se dire qu'en Afrique, en Grèce, en Chine, en Libye, ils l'ont vraiment moins facile qu'ici. C'est un peu ce que Manu Militari énonçait dernièrement. Les choses sont tellement pire là-bas. Ici, on est bien!

Sauf que les frais de scolarité augmentent, les gouvernements se succèdent et se ressemblent, les voix du peuple sont peu à peu réduites au silence et il ne reste que peu de possibles à ceux qui souhaite dénoncé les injustices de notre société-pas-si-injuste-que-ça-si-on-l'a-compare. Mais tranquillement, quelques choses s'installent, les policiers n'usent même plus du prétexte des vitres brisées pour arrêter par centaines, ils arrêtent et c'est tout. Qu'importe que la constitutionnalité de leurs arrestations soit avérée, qu'importe si les policiers remettent des milliers de constats d'infraction qui seront presque tous contestés.

Les policiers remettent le constat d'infraction, mais n'en répondent pas, si l'accusation est abandonnée, si la culpabilité n'est pas démontrée, alors le policier continue son chemin sans plus d'embêtement. On regarde la Libye, on regarde la Russie, on regarde la Corée du Nord et l'on se dit qu'ils sont des farces, des trucs grotesques et totalitaires. Pourtant leurs médias les rassurent, ils vivent en démocratie. Tout comme on nous le dit ici.

Le billet d'Olivier Grondin se poursuit après la galerie

Manifestation à Montréal - 15 mars 2013

Manifestation contre la brutalité policière

Il faut parfois regarder loin pour mieux se voir. La République romaine fut une démocratie, par sa forme participative, l'organisation de ces débats, Rome avait mis en place une idée de collectivité. Puis dans une crise, on a réduit le pouvoir du peuple, pas énormément, suffisamment pour assurer la cohésion et la paix. Au début, les citoyens étaient même contents. La démocratie complexifie les choses, l'opposition, la discussion, la négociation, c'est lourd, c'est parfois même emmerdant. En cas de trouble, le facile est attrayant, l'indifférence, confortable et la délégation, aisée.

La démocratie romaine n'aura pas duré, elle aura brillé quelques années avant de s'éteindre tranquillement.

Ce qui est triste, c'est que personne, ou alors si peu contestèrent la mort de cette démocratie, ceux qui si risquèrent furent rapidement marginalisés et chassés. Au point d'en être presqu'effacé des livres d'histoire. Après tout, sans démocratie, la population vivait plus tranquillement.

Nous ne sommes pas les Romains, nous ne sommes pas non plus la Libye. Les manifestants ne se battent pas pour survivre, mais pour vivre. Sauf qu'il semble déjà si loin l'idéal énoncé par Voltaire lorsqu'il disait: «Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire».

Je sais, je paraphrase, reste que dernièrement, c'est la Russie que se moquait de nous parce qu'une jeune fille est arrêtée après avoir diffusé une photo. Notons en contrepartie que d'insinuer son intention d'atteindre à la vie de ses confrères relève plutôt du désespoir selon le même service de police, qui laisse par la suite tomber des charges face à la policière Stéphanie Trudeau. Dans les mêmes temps, un porte-parole du SPVM niait l'existence du «droit de manifester».

On se demande toujours comment ça peut arriver, on regarde l'Iran et l'on souhaite qu'ils avancent, qu'ils se démocratisent. Peut-être que Manu Militari et les autres avaient raison, peut-être que nous nous plaignons de presque rien, ou alors de si peu, mais peut-être que non, peut-être qu'il faudrait aussi tendre l'oreille, penser que c'est parfois dans la subtilité qu'une démocratie devient un État policier.

Parce que si l'on ne peut plus protéger si peu, rien ne garantit que demain, ce ne soit pas tant plus qu'on nous retirera.

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