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Syrie: la Russie ne quitte pas, elle reconfigure son empreinte

Le bilan de 5 mois et demi d'opérations russes est plus que positif.
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On le sait, le chef du Kremlin a annoncé le 14 mars 2016 le retrait partiel de Syrie. Celui-ci coïncide du reste avec la reprise des négociations de Genève sur l'avenir de la Syrie. «Vladimir Poutine montre ainsi que c'est lui qui imprime le tempo de la crise syrienne» sur le terrain militaire comme sur le plan diplomatique, souligne Georges Malbrunot dans Le Figaro.

Quand le retrait des Russes de Syrie était annoncé

Pour autant, ce retrait partiel était prévisible, comme l'atteste la déclaration d'Alexeï Pouchkov, président de la Commission des Affaires étrangères de la Douma, interrogé sur Europe1 le 2 octobre 2015: «les frappes russes en Syrie dev(r)aient durer trois ou quatre mois».

Un retrait qui sonne comme un parfum de victoire pour Moscou

Par ce retrait partiel, Vladimir Poutine fige l'état actuel du rapport de force militaire. De fait, Bachar Al-Assad contrôle aujourd'hui «la Syrie utile». Par «Syrie utile», on entend ainsi tout à la fois la bande côtière de Lattaquié au nord, la majeure partie de la région de Damas et le couloir permettant de relier ces deux points, notamment les villes de Hama et de Homs.

Dans les même temps, les rebelles sont réduits à la portion congrue, tandis que les Kurdes syriens s'enracinent au contraire dans le nord de la Syrie pour former somme toute un mur à la frontière avec la Turquie.

La Russie en position de force pour les négociations à venir avec Washington et les États du Golfe

Dans ces conditions, la Russie est plus que jamais en position de force pour les négociations avec les États-Unis et les puissances sunnites afin de pouvoir garantir ses objectifs stratégiques, à savoir les enjeux pétroliers et gaziers, bases militaires, contrepoids à l'influence iranienne, sans risquer un enlisement du conflit voire une «montée aux extrêmes» dangereuse avec Ankara, souligne Caroline Galactéros, experte en géopolitique, dans son blogue Bouger les lignes.

Qu'on y songe à Genève, la Russie a réussi à sauver Bachar Al-Assad et à peser dans une certaine mesure sur la composition de l'opposition. Cette influence a été marquée par l'adoubement d'interlocuteurs, autour des Kurdes syriens, qui furent trop longtemps évincés sur pression d'Ankara, et d'autres «opposants» jugés respectables, formant avec eux le «groupe de Khmeïmim».

La Russie ne quitte pas la Syrie, elle reconfigure son empreinte locale, régionale et globale

On aimerait indiquer que Moscou ne quitte pas la Syrie, mais elle reconfigure son empreinte locale, régionale et globale.

Le bilan de 5 mois et demi d'opérations russes est plus que positif. Moscou a ainsi réalisé près de 9 000 vols, des tirs massifs jusqu'à 1 500 kilomètres de distance avec missiles air-sol et mer-sol.

Il a œuvré pour que le ralentissement de l'approvisionnement des terroristes soit effectif. Dans ce contexte, on pense à la coupure des voies principales de transit des hydrocarbures vers la Turquie et des canaux essentiels d'approvisionnement en armes et munitions, la remise en fonctionnement de gisements pétroliers et gaziers, la libération de la majeure partie des provinces de Hama et de Homs, la levée du blocus de la base aérienne de Kuweires qui était assiégée depuis trois ans.

Et on ne saurait oublier la neutralisation de plus de 2 000 djihadistes, notamment russes, et 17 chefs de guerre ; la destruction de 200 sites d'extraction, de traitement et de transfert du pétrole ; la libération avec les forces syriennes de 400 villes et villages et de plus de 10 000 kilomètres carrés de territoire, fait remarquer Caroline Galactéros.

Le soutien à certaines opérations en cours est toujours de mise

Mais qu'on se le dise, le soutien à certaines opérations en cours se poursuit, comme la reprise de Palmyre, et les bases de Tartous et de Khmeimim conserveront leur régime actuel de fonctionnement et de protection.

Palmyre et Tartous incarnent la permanence de l'intérêt de Moscou sur la région et son implication dans le respect du cessez-le-feu.

Et il y a plus. Le chef du Kremlin a annoncé un coût total de l'opération d'environ 635 millions de dollars (NdT: canadiens) déjà budgétés par le ministère de la Défense pour les exercices militaires et l'entraînement des troupes en 2015. Qu'on y songe, le cessez-le-feu proclamé par Poutine et Obama n'a été rendu possible que par le revirement dans les combats induit par l'intervention russe.

Quant au bilan stratégique, il laisse sans voix. Il met fin à une série d'humiliations et de provocations émanant tout à la fois de l'Europe et de Washington, ou encore du Moyen-Orient, depuis 15 ans.

Dans ce contexte, le Kremlin a notamment réaffirmé son statut d'acteur politique et militaire global et bousculé le jeu occidental au Moyen-Orient.

De fait, Moscou a assurément enrayé pour longtemps le projet américain soutenu par Riyad, Doha et Ankara, qui vise à renverser le régime de Bachar Al-Assad pour s'emparer de ce verrou énergétique stratégique quant à l'alimentation de l'Europe en pétrole et gaz eurasiatique et moyen-oriental.

Le retrait de partiel de la Syrie de la Russie est réversible à tout moment

Le processus de négociations sera long, il peut s'interrompre à tout moment. Quoiqu'il en soit, les combats vont se poursuivre. Et il va sans dire qu'en cas de reprise généralisée de la guerre, et sans un soutien massif russe, l'armée syrienne pourrait perdre la guerre à nouveau.

Dans cette perspective, on soulignera volontiers, à l'instar de Caroline Galactéros, que le retrait partiel de la Russie en Syrie est réversible à tout moment. Dés lors ses forces peuvent se redéployer si nécessaire.

Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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