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L'ABC de la religion du Canadien de Montréal: les lettres X à Z

Malgré toute la foi dont on est capable, la puissante symbolique du chiffre XXIV fait douter que le Canadien remporte jamais un XXXV Calice d'argent.
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Inspiré par la belle Langue de puck de Benoît Melançon et pour conclure mes recherches sur la religion du Canadien de Montréal, j'ai rédigé mon ABC de la religion du Canadien, dont voici trois dernières lettres.

X comme «XXIV»

Remplacer les chiffres arabes par les chiffres romains est un moyen de donner plus d'importance à ce qui est ainsi numérisé. Les exemples sont patents: les empereurs et les impératrices, les rois et les reines, les papes (on descend ainsi à la station «Pie-dix» et non «Pie-ixe» quand on se rend au Stade olympique) et les Superbowls portent tous des numéros en chiffres romains.

On se permettra alors d'écrire que le Canadien a remporté XXIV coupes Stanley (et il ne faudrait surtout pas croire que l'on aurait pu éprouver des difficultés à trouver des mots commençant par la lettre «x»).

À la majorité des gens du dehors, ce XXIV semblera un chiffre quelconque. Mais les initiés, ceux qui non seulement connaissent la religion du Canadien, celles et ceux qui ont découvert ses arcanes, sa cabale, sa mystique, savent bien que ce chiffre ne doit rien au hasard.

Car XXIV, ce sont les XII tribus d'Israël plus les XII disciples du Christ. Ce sont les VII jours de la création multipliés par les IV Èvangiles. Mais XXIV, c'est encore bien plus que cela. XXIV, c'est aussi Patrick Roy moins Maurice Richard; c'est Émile Bouchard plus Jean Béliveau plus Howie Morentz plus Guy Lafleur; c'est Jacques Plante et Bob Gainey; ce sont deux Yvan Cournoyer.

On comprendra alors que, malgré toute la foi dont on est capable, la puissante symbolique du chiffre XXIV fait douter que le Canadien remporte jamais un XXXV Calice d'argent.

Y comme «Youppi!»

«Est-ce que le Canadien reste une religion quand il perd?» La question témoigne d'une méconnaissance profonde de ce qu'est une religion. Croire en un Absolu n'est jamais la garantie du succès, toujours une manière d'assumer ses limites, ses manques, ses défaites et sa mort. Et c'est pour cela que le christianisme peut reconnaître Dieu dans un crucifié, qu'il a fait de la croix son emblème. Nietzsche l'avait bien perçu, lui qui reprochait au christianisme de faire l'apologie de la faiblesse.

«La croix, signe de ralliement pour la conspiration la plus souterraine qu'il y ait jamais eu, - conspiration contre la santé, la beauté, la vigueur, la bravoure, l'esprit, la qualité de l'âme, contre la vie elle-même.» Nietzsche, F. (1993). L'Antéchrist. Imprécation contre le christianisme. Aphorisme 62.

On peut alors évoquer Youppi! (le point d'exclamation fait partie intégrante de son nom) et indiquer que, de toutes les mascottes, Youppi! (le Canadien a récupéré cet homme, cet extra-terrestre, ce chien ou cet orang-outang en 2005 après la disparition des Expos) est certainement l'une des plus laides. «Elle», «il» ou «ça» participe visiblement de la conspiration que dénonçait Nietzsche, au moins de la conspiration contre la beauté (pour la santé, la bravoure et le reste, on reconnaît que l'on n'en sait rien).

Mais alors, paradoxe de la (bonne) religion, l'adoption de Youppi! comme mascotte est à inscrire au crédit du Canadien. Car c'est toujours un bienfait de défendre la veuve et de recueillir l'orphelin. Surtout quand elle/il/ça revendique fièrement sa différence, quand elle/il/ça arbore fièrement une tignasse rousse qui aurait pu lui valoir discrimination, quand elle/il/ça porte fièrement un nom qui aurait (presque) pu lui valoir persécution (Youppi! ne sonne-t-il pas un peu comme «youpin»?).

Z comme «Zdeno»

Comme l'a montré le philosophe français René Girard, beaucoup de religions aiment à pratiquer le principe du bouc émissaire. On rappellera que chez les anciens Hébreux, le grand-prêtre choisissait deux boucs, qu'il sacrifiait l'un et qu'il transférait symboliquement tous les péchés de sa communauté sur l'autre, qu'il envoyait aussitôt (d'où l'émissaire) dans le désert.

Ce bouc, trop impur et trop dangereux même pour être mis à mort, avait donc la vie sauve. Mais dans d'autres religions, d'autres boucs-émissaires, qui ne sont d'ailleurs pas tous des boucs, n'ont même pas une chance de devenir émissaires. Ils sont sacrifiés toujours pour le plus grand bien de la communauté, prétend-on.

La religion du Canadien ne fonctionne pas autrement, elle qui charge certains joueurs de tous les péchés du monde. Évidemment, ils ne portent pas la Sainte-Flanelle (mais se souvient-on d'un certain Scott Gomez?). Évidemment, leurs noms changent au fil du temps, au rythme des rivalités.

Au jour d'aujourd'hui, parce qu'il porte le chandail des Bruins de Boston, parce que c'est un joueur remarquable, parce qu'il a (il y a trois ans à peine, il y a trois ans déjà), blessé Max Paccioretty dans une sévère mise en échec (c'est le terme consacré), c'est de Zdeno Chara (celui qui signe son nom à la pointe de son bâton) que la religion du Canadien a fait son bouc émissaire. C'est lui qui reçoit l'opprobre des partisans du Canadien. C'est lui qu'il faut huer chaque fois qu'il joue au Centre Bell (sa grande taille permettant de le reconnaître facilement). Et lorsque vient le temps des séries, c'est encore lui qu'il faut vaudouïsé dans les médias et les médias sociaux de Montréal.

En fin de compte, on osera se demander si les grands prêtres de la religion du Canadien seraient prêts à le renvoyer indemne dans le désert.

O tempora! O mores!

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