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Le jour où j'ai réalisé que je n'étais pas grosse

Depuis quelques temps maintenant, je suis retombée dans ma vieille spirale "je me sens grosse". En fait, pour être honnête, je me vois grosse. Chaque jour. Chaque matin. Chaque soir. Devant le miroir je me tâte. Je me tripote. Je me juge. Ça a recommencé il y a 2-3 mois quand ma balance affichait +2.
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Depuis quelques temps maintenant, je suis retombée dans ma vieille spirale "je me sens grosse". En fait, pour être honnête, je me vois grosse. Chaque jour. Chaque matin. Chaque soir. Devant le miroir je me tâte. Je me tripote. Je me juge. Ça a recommencé il y a 2-3 mois quand ma balance affichait +2. Comme ça. Sans prévenir. Disons, au moment où j'ai voulu arrêter le sucre pour l'acné. Et puis mes deux nouveaux copains n'ont pas voulu me lâcher et ont commencé à me mener la vie dure. Me susurrant à l'oreille des choses pas très sympas. L'acné faisant, les boutons toujours là, malgré les 30 ans, j'ai commencé de plus en plus à me sentir mal. Moche. C'est ça le mot. Celui que je n'osais pas et ne voulais pas t'écrire.

Et puis est venu ce premier juillet. Jour de mes 30 ans. Ce jour plein de promesses et que j'attendais depuis l'âge de mes 15 ans. Je l'attendais comme une délivrance comme le "je suis une adulte maintenant je n'ai plus de boutons et je m'affirme car je me sens bien dans ma peau". Parce que j'avais lu qu'à 30 ans, on s'acceptait enfin. Qu'on était femme. Belle. Épanouie. Mais ce mardi n'a pas changé du lundi. Tout est resté pareil. Malgré mes efforts, mes soins, mes progrès, mon Zermatage durant cette dernière année. Une déception est née. Plusieurs à vraie dire. Je suis une adulte oui, mais mon corps n'a pas changé. Je suis la même. Une de mes sœurs ne me respectent pas plus qu'avant, ne me laisse toujours pas parler pour dire ce que je dois dire. Malgré mes 30 ans. Malgré que je sois une adulte. Je reste toujours la "petite". Dans la rue, on me dit "tu", on me demande la réduction étudiant. J'ai des boutons. J'ai 30 ans.... Et oui, je suis toujours mal dans ma peau.

Alors j'ai pris mon corps avec moi et on a été faire un tour. Pour nous offrir un joli bikini. Après tout c'était mon anniversaire, je devais me faire plaisir. Me faire du bien. Et là, malheur. La pire idée de ma vie. Des bikinis conçues pour les fillettes, partout. Des formes inadaptées avec des cordelettes en mode "gigot d'agneau". Moi qui cherchait désespérément la coupe parfaite pour mes petits seins et mes cuisses pleines. Je rentre déprimée. Pas plus avancée qu'avant. Un bon pas en arrière même. Je me dis que je suis bête, que j'ai 30 ans qu'il est temps maintenant d'en finir avec mes complexes d'ados. Que de me cacher sous mes leggings ne m'aidera pas. Qu'aujourd'hui je dois me sentir belle. Bien. A mon goût. Mais les jours passent. Une remarque maladroite d'une personne de mon entourage (à propos de mon acné justement). Mes 2 p'tits potes qui ont décidé d'élire domicile. Les vacances qui approchent et ce foutu bikini que je ne trouve pas: trop grand, trop petit, trop serré, trop simple, trop sexy. Un trop de tout. Tout ça, jusqu'à aujourd'hui... Une histoire incroyable qui me fait reprendre ma plume. Une histoire où je me dis mais mince alors (c'est le cas de le dire) et si j'avais tout faux ?

Je te plante le décor. Récemment est arrivé une nouvelle collègue. Super charmante. Super sympa. Super jolie, peu sûre d'elle. Une fille que j'ai envie de prendre sous mon aile. Elle est grande, mince. Je me dis au fond de moi que plus tard je veux être comme elle. En réalité elle a le même âge que moi et étrangement les mêmes complexes. Je me dis que c'est une mince de plus qui se prend pour une ronde. Je la regarde, en mini short, je l'envie un peu. Et aujourd'hui, au détour d'une conversation elle me dit de but en blanc qu'elle fait un bon 40-42. Je ris. Ris jaune. Ris vert. Ris de toutes les couleurs de l'arc en ciel car non, de chez non. Moi, Odile Sacoche, je suis sûre que cette fille fait un 36. Je suis sûre de moi. A 100%! Tellement sûre. Elle, tellement grande du haut de son mètre 78. Elle, tellement fine avec ses jambes de gazelle.

De défi, je sors mon mètre ruban et je lui dit: "Si c'est comme ça, je prends tes mesures pour te rassurer et te prouver que tu as tort! Moi je fais un bon 40, je connais mes mesures et tu va voir qui est la rondinette de nous deux. Tu es bien trop dure avec toi même et tu verras que tu es si mince!". Qui vivra verras. J'ai pris ses mesures. Son tour de taille: 76. Son tour de hanche: 106. Si je me rappelle exactement de ses chiffres à elles... C'est parce qu'elle à les mêmes que les miens. Mais avec 15cm en plus. Elle s'est mise à rire. A rire. Pas de moi non, mais de ma tête. De mes certitudes ébranlées. Je ne voulais pas le croire. Je lui ai dit: "C'est impossible, tu es plus mince que moi! ". Je ne cessais de le répéter. "C'est impossible. J'en suis sûre. Tu as triché!". Mais c'est moi qui avait pris les mesures, et les chiffres ne mentent pas. Je ne mens pas. Elle m'a répondu: "Mais non, tu vois? Je suis comme toi. Tu te juges bien trop mal, tu ne te vois pas. Mais regarde toi."

Je viens de rentrer chez moi et j'essaye de me regarder avec ses yeux à elle. Ou plutôt mes yeux à moi, qui la regardent elle. Je me répète ses paroles "tu ne te vois pas". Si je suis comme elle, je devrais me voir comme je la vois elle (les 15cm en moins entendons nous bien). Et si c'était moi cette énième fille mince qui se voit ronde? A quel point la réalité dans laquelle je vis me déforme face au miroir? A quel point l'image que j'ai des jolies filles déforment ma propre image? Quand arrêterais-je de me juger si sévèrement, et surtout, quand arrêterais-je cet hyper-contrôle physique (bouton, acné, make up, cheveux, corps...) pour atteindre une perfection balayée en un coup de chiffres à se demander sur quoi elle repose? Quel est donc ce voile que j'ai devant les yeux qui m'empêche de me voir belle?

... Et si nous, les complexées, on se jugeait toutes bien trop mal? A toujours vouloir courir vers cette perfection qui n'existe pas ou qui n'existe que dans notre tête... Ça mérite réflexion, non?

Billet également publié sur le blog d'Odile Sacoche.

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